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jeudi 27 octobre 2016

Israël guette la guerre Iran-Arabie



ISRAËL GUETTE LA GUERRE IRAN-ARABIE

Par Jacques BENILLOUCHE
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          L’Iran et l’Arabie saoudite se combattent par Houthis interposés et la situation risque de s’envenimer. Les Houthis appelés Ansar Allah, mouvement fondamentaliste ultra-conservateur dirigé par des chiites, a émergé dans les années 1990 dans le nord du Yémen. Avec l’aide du président déchu Ali Abdallah Saleh, ils ont pris le contrôle de la capitale et d’une grande partie du nord. En mars 2015, les Saoudiens étaient intervenus pour rétablir le président Abed Rabbu Mansour Hadi au pouvoir.



Houthis

            Cette milice, soutenue par l’Iran au même titre que le Hezbollah, a immédiatement affirmé son credo : «Dieu est grand, la mort aux États-Unis, la mort à Israël, les Juifs sont maudits, et la victoire pour l'islam». Le groupe est désormais dirigé par Abdul-Malik al-Houthi, frère du premier chef, tué par les forces de l'armée yéménite en 2004. Cependant, après avoir pris le pouvoir, ils ont dénoncé les dispositions de l’accord du novembre 2011 négocié avec le Conseil de coopération du Golfe. En 2014-2015 les Houthis ont pris le pouvoir à Sanaa en contrôlant la majeure partie du nord, tout en résistant à une coalition dirigée par l'Arabie Saoudite.
Houthis au Yémen

            La situation se dégrade aujourd’hui car l’Iran a intensifié ses transferts d’armes aux Houthis. Il ne s’agit plus d’armes légères mais de missiles et d’armes lourdes ; cela occasionne des inquiétudes chez les États-Unis qui soutiennent l’Arabie. Des attaques de missiles ont d’ailleurs eu lieu contre un destroyer américain. La contrebande d’armes s’effectue par les voies terrestres à travers la frontière poreuse d’Oman, par le point de Shehen dans la province de Mahra. La frontière yéméno-omanaise, longue de 288 km, est incontrôlable.
Scud chez les Houthis

Jusqu’à présent le micro-État du Golfe, considéré par les Américains comme un allié, ne tient pas compte des mises en garde ; il nie toute utilisation de son territoire à des fins de transferts d’armes. Dans une interview au journal saoudien Okaz, le ministre omanais des Affaires étrangères Youssef bin Alwi a déclaré : «Il n'y a pas de vérité à cela. Aucune arme n’a traversé notre frontière et nous sommes prêts à clarifier les soupçons s’ils se présentent».  Les armes ne manquaient pourtant pas dans la région puisque les Houthis avaient déjà récupéré de nombreuses armes détenues par les militaires alliés à l’ancien président Saleh.
L’Iran considère depuis longtemps les Houthis comme l’autorité légitime au Yémen et c’est pourquoi il leur fournit des armes pour défendre leur pays.  Les services de renseignements américains confirment l’augmentation de la fréquence de livraison d’armes en provenance de l’Iran : «via Oman sont transportés des missiles anti navires, des explosifs, des Scuds, de l’argent et des hommes ainsi que des missiles sol-sol à courte portée et des armes de petit calibre». En fait l’accord nucléaire a libéré l’Iran qui veut maintenir sa supériorité vis-à-vis de l’Arabie. Les pays du Golfe craignent que cet accord n’encourage en fait l’Iran à s’immiscer de plus en plus dans les conflits en Syrie, au Liban et à présent au Yémen.
Les Iraniens défilent

Pour l’instant les États-Unis refusent de s’impliquer directement dans ce conflit qui a déjà fait plus de 10.000 victimes en opposant deux puissances régionales l’Iran et l’Arabie. Les cessez-le-feu négociés par l’ONU n’ont eu aucun effet. Les missiles Scud et les roquettes continuent de pleuvoir sur l’Arabie. Les Houthis ont même envoyé des missiles contre un navire des Émirats arabes Unis dans la Mer Rouge. Le général Joseph Votel, du commandement central de l’armée américaine, a confirmé que l’armement des Houthis était bien d’origine iranienne.  Mais les dirigeants américains évitent d’envenimer leurs rapports avec l’Iran depuis la signature de l’accord nucléaire.
Armée saoudienne

La guerre avec les Houthis est peu couverte par la presse européenne. Il est vrai que le pays est loin, surtout au-delà des frontières européennes, et que s’affrontent des peuples musulmans entre eux. Le conflit n’est pas récent puisqu’il a été déclenché dans la nuit du 25 mars 2015 par une coalition menée par l'Arabie saoudite et une dizaine de pays arabes et sunnites dont l’Égypte, la Jordanie, le Soudan, le Maroc et les membres du Conseil de Coopération du Golfe à l’exception d’Oman, dans le but de remettre au pouvoir le président Abed Rabo Mansour Hadi, renversé par l'insurrection des Houthis. Des moyens importants ont été déployés pour un conflit pourtant très localisé :
-   Force aérienne royale saoudienne : 100 avions de combat
-   Marine égyptienne : 4 navires de guerre
-  Force aérienne des Émirats arabes unis : 30 avions de combat
-    Force aérienne royale de Bahreïn : 15 avions de combat
-    Force aérienne koweïtienne : 15 avions de combat
-    Qatar Air Force : 10 avions de combat
-    Force aérienne royale jordanienne : 6 avions de combat
-    Forces aériennes royales du Maroc : 6 avions de combat
-    Force aérienne soudanaise : 4 avions de combat
Ces forces de combat semblent disproportionnées par rapport à la nature du conflit. Les Saoudiens avaient effectué des frappes aériennes sur plusieurs aéroports, sur des bases aériennes dont l'aéroport international El Rahaba, sur des camps militaires et sur le palais présidentiel tenu par les milices Houthis. Quatre navires de guerre égyptiens avaient eu pour objectif de sécuriser le golfe d'Aden. Devant l’ampleur de l’intervention saoudienne l'ambassadeur saoudien à Washington a été contraint de préciser que «l'opération vise à défendre le gouvernement légitime du Yémen et à empêcher le mouvement radical Houthi, soutenu par l'Iran, de prendre le contrôle du pays».
Saleh à droite cède le pouvoir à Hadi

Derrière ce chaos au Yémen, qui frise la guerre civile, s’exprime en fait la rivalité entre l'Iran et l'Arabie saoudite avec Daesh comme nouvel agent perturbateur. L’ancien président Saleh a ajouté une dimension confessionnelle à cette lutte entre Houthis chiites et le président Hadi, sunnite. La question confessionnelle s’est trouvée soulevée qu’à la suite de la transition politique. La fragilité du gouvernement yéménite a attisé les convoitises jusqu’à pousser l'Arabie saoudite et l'Iran à revendiquer le leadership régional. Jusqu’alors les deux puissances s’affrontaient dans une guerre de l’ombre mais à présent le conflit entre sunnites et chiites est ouvert.
L’Iran ne cache pas ses ambitions d'étendre son influence dans la région. Plus d’une dizaine d’avions par jour font le trajet de Téhéran à Sanaa pour expédier du matériel, des armes et des conseillers avec l’intention de constituer une base à l’identique de ce qui s’est fait au Liban-Sud.  Israël surveille la situation avec intérêt car la sécurité de la navigation dans le détroit stratégique de Bâb El-Mandeb, où passe l’essentiel du commerce mondial, est en jeu. Israël pourrait mal accepter les velléités de l’Iran de prendre pied dans la région, en plus du Golfe Persique et du détroit d’Ormuz. L’Arabie saoudite a les mêmes préoccupations car la situation sécuritaire au Yémen est considérée par elle comme une affaire intérieure. De nombreuses troupes sont d’ailleurs massées aux frontières, prêtes à intervenir, et elle compte sur Israël pour un soutien contre l’Iran face aux énormes enjeux. Les ennemis de nos ennemis sont nos amis.

Nouveau venu dans la région, Daesh joue au trouble-fête. Le Yémen est son nouvel objectif après l’Irak, la Syrie et la Libye. C’est toujours vers les pays musulmans faible qu’il se dirige. Il prépare une plate-forme d’où il pourrait intervenir. Il peut s'appuyer sur la population sunnite, majoritaire au Yémen, qui a très mal vécu la prise de Sanaa par les Houthis. Pour Daesh, la victoire passe donc par la neutralisation des chiites, dont les Houthis sont issus, et par l’élimination de son rival affaibli AQPA (Al-Qaeda dans la péninsule arabique) qu’il veut supplanter. 
On ignore comment le Yémen peut sortir de cet engrenage qui voit les deux principales puissances s’affronter par procuration.


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