Le Hamas à la
recherche de son nouveau leader
Par Jacques BENILLOUCHE
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Mechaal et Abbas |
Les élections, qui devaient avoir lieu pour tous les Palestiniens, avaient pour but de faire émerger un nouveau leader à Gaza pour remplacer Khaled Mechaal qui a décidé de ne pas se représenter. Le guerrier, qui se voulait pacifique, semble lassé de la situation bloquée existant entre les deux clans palestiniens, Fatah et Hamas. Depuis sa création il y a trente ans, l’organisation islamiste Hamas n’a jamais connu de crise de leadership plus aiguë. Cette nomination, qui interviendrait au début de 2017, coïncidera avec les élections américaines qui ne devraient pas changer grand-chose à la situation actuelle des Palestiniens.
Mechaal et Haniyeh à Gaza |
La guerre fratricide entre le Fatah
et le Hamas pénalise les dirigeants de Gaza qui dépendent beaucoup du bon
vouloir de l’Autorité palestinienne. Mahmoud Abbas ne les aide pas pour
améliorer le sort de la population et rechigne à payer les salaires des
fonctionnaires. Par ailleurs la stratégie de rupture avec l’Égypte et l’Arabie
saoudite a été une politique néfaste parce qu’elle n’a pas été compensée par
d’autres alliances. Nul n’est
indispensable mais Khaled Mechaal l’est parce qu’il a su manœuvrer durant les
vingt années où il était au pouvoir à distance, en Syrie d’abord puis au Qatar
ensuite.
Pourtant il était peu connu au départ et il doit sa célébrité
à l’assassinat manqué dont il a été l’objet de la part du Mossad. Certains
estiment qu’ayant frôlé de peu la mort, il a pris conscience de l’impasse dans
laquelle se dirigeaient les Palestiniens après les deux Intifada. Certes il a
lutté contre "l’occupation israélienne" mais il a opéré un revirement en 2006
lorsqu’il a donné ordre à ses troupes de mettre fin aux attentats suicides
contre Israël ; il avait compris que les représailles israéliennes
faisaient payer un lourd tribut à la population palestinienne, sans aucun
bénéfice. Il avait d’ailleurs accompagné sa décision par des contacts avec les
Israéliens pour ouvrir un dialogue menant à un cessez-le-feu définitif.
Mais il n’avait pas abandonné le combat interne
puisqu’il est à l’origine de la victoire islamiste aux élections locales puis
législatives en 2005-2006. Mais depuis, il n’était plus écouté car les
va-t’en-guerre ont pris le dessus jusqu’à contester son leadership. Aigri, il
avait ainsi décidé de son départ estimant que sa mission avait échoué. Deux
candidats totalement différents sont sur les rangs pour succéder à Mechaal,
avec des fortunes diverses. Ismaël Haniyeh et Moussa Abou Marzouk. Les sondages
donnent une préférence au premier.
Haniyeh |
Ismaël Haniyeh n’a aucune expérience en diplomatie,
contrairement à son concurrent Abou Marzouk. S’il était élu, il aurait beaucoup
à apprendre pour évoluer parmi les leaders arabes. Cependant, ses prétentions
sont à minima puisqu’il n’a pas l’intention de représenter tous les
Palestiniens mais seulement ceux de Gaza. Ancien militant, il a eu maille à
partir avec les Israéliens qui l’ont expulsé vers le Liban en 1992, après 3 ans
de prison. Il revint à Gaza en 1993 pour devenir l'homme de confiance et le
secrétaire du chef spirituel du Hamas, Sheikh Ahmed Yassine, assassiné par
l'armée israélienne en mars 2004, puis celui de Abdul Aziz Rantissi, lui aussi
assassiné.
Cheikh Yassine |
Haniyeh avait obtenu le plus grand nombre de voix aux
élections de 2006 mais, avec le temps, son aura s’est estompée après avoir été
jugé responsable des trois guerres menées contre Israël et perdues, qui ont dégradé
de manière significative les conditions de vie de la population de Gaza. On
estimait qu’il s’était surdimensionné et qu’il n’avait pas les moyens de sa
politique. Il disposait pourtant d’un soutien populaire certain car,
contrairement à Mechaal, installé dans le luxe à l’étranger, lui se trouvait
sur place à Gaza et partageait les malheurs de son peuple. Son attitude fut cependant
ambiguë sous ses dessous d’homme politique alors qu’il était un fervent
partisan de l’aile militaire du Hamas, les brigades Azzedine Al-Qasem. Il avait
choisi aussi de développer des liens étroits avec l’Iran. Ce choix politique
lui avait valu des relations exécrables avec le président égyptien Abdel Fattah
el-Sissi.
Brigades Ezzedine Al_Qassem |
Le 21 février 2006, il devient premier ministre de
l'Autorité palestinienne, après le succès massif de son parti aux élections
législatives mais il fut limogé, le 14 juin 2007, par le président Mahmoud
Abbas, à la suite de la prise du pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza au
profit du ministre des Finances, Salam Fayyed.
Conscient qu’il avait des lacunes internationales, il a
entrepris le 8 janvier 2012 une «tournée régionale» dans plusieurs pays
musulmans, et promis «des jours difficiles à Israël en appelant les peuples
du printemps arabe à lutter pour la Palestine». Il avait alors usé d’une
dialectique de combat en forçant 5.000 personnes à s’essuyer les pieds sur le
drapeau israélien frappé de l’étoile de David, à l'entrée de la coupole de
Menzah. Dans ses diatribes, il ne voulait pas «céder un seul bout de la
Palestine ni déposer les armes» et il appela «les peuples de la
Révolution à bâtir l'armée d'Al Qods». Le 11 février 2012 à Téhéran, Ismaïl
Haniyeh a déclaré que «le Hamas ne reconnaîtra jamais Israël et que la lutte
des Palestiniens continuera jusqu'à la libération de la totalité de la terre de
Palestine et de Jérusalem, et le retour de tous les réfugiés palestiniens chez
eux». Cette attitude sans avenir ne trouva pas une oreille attentive chez
les Palestiniens de Cisjordanie.
Abou Marzouk-Mechaal |
Contrairement à Haniyeh qui a étudié
la littérature arabe à l'université islamique de Gaza, Abou Marzouk a vécu au
contact de l’Occident puisqu’il a poursuivi ses études aux États-Unis pour obtenir
un diplôme de maîtrise en gestion de la construction de l’université du
Colorado et un doctorat en génie industriel de l’université de Louisiane. Il en
avait profité pour procéder à des collectes de fonds auprès des donateurs
musulmans des États-Unis et d’Europe. Il avait d’ailleurs été catalogué comme
l’homme des fonds pour le Hamas. Politique né, il a été le fondateur de l’aile
politique du Hamas et avait participé à toutes les négociations avec le Fatah
pour une éventuelle réconciliation et avec l’Égypte pour débloquer la situation
avec Israël. Comme Mechaal il a toujours vécu en exil : en Jordanie de 1998 à 2001, puis en Syrie jusqu’en
2012 date à laquelle il s’est installé au Caire. Depuis plusieurs années, il sillonne
le monde pour porter la voix des Palestiniens en particulier en Égypte, dans le
Golfe et en Iran.
Abou Marzouk et Khaled Mechaal en Iran |
En mars 2016, une délégation palestinienne, dirigée
par le président du bureau politique du Hamas, Moussa Abou Marzouk, avait
rencontré secrètement des responsables iraniens. Il avait alors choqué les
Iraniens à la suite de ses critiques contre l’Iran ; il lui avait même
reproché de ne recevoir aucune aide de sa part : «Les circonstances
dans lesquelles les relations du Hamas avec l'Iran ont été créées avant 2011
ont changé. Le monde a changé depuis le printemps arabe, et l'Iran et le Hamas
ne sont plus les mêmes. Ainsi, nous devons construire nos relations sur de
nouvelles bases». Dans une conversation privée, il avait été jusqu’à blâmer
l'Iran pour avoir menti sur l'aide accordée à son organisation.
Marzouk est l’homme fort capable de se réconcilier
avec l’Égypte pour mettre fin au blocus de Rafah, avec le Fatah pour envisager un
meilleur avenir et avec tous les pays arabes pour renouer les liens brisés. Il
pourrait envisager de traiter avec plus de pragmatisme la réalité de
l’existence d’Israël et il sait qu’alors il pourra compter sur les liens
privilégiés entre Israël et l’Égypte qui ont signé un accord de paix.
Haniyeh, Abbas et Dahlan |
Si Haniyeh est élu, il aura besoin
des conseils et de l’aide de Khaled Mechaal qui pourrait alors être promu à la
tête du Conseil de la Shura, le conseil d'administration du parti islamique, pour
organiser une relève en douceur. Mechaal est le seul capable de maintenir en
vie le Hamas pour ne pas qu’il coule comme les Frères musulmans qui ont été
éliminés de la région, persécutés et neutralisés. C’est le sort qui attend le
Hamas s’il persiste dans la voie actuelle qui consiste à avoir plus d’ambition
que de moyens. Le seul qui pourrait changer la donne reste Mohamed Dahlan,
l’homme des Égyptiens, des Américains et des Israéliens.
Excellent Dov!
RépondreSupprimerMr.benilouche soyez gentil et n'employez plus le terme de "assassiné" pour ces raclures,mais plutôt éliminés,c'esyr le terme qui leurs convient le mieux,faîte moi plaisir s'il vous plait,merci
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