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dimanche 26 mars 2023

Le temps perdu par Claude MEILLET

  

LE TEMPS PERDU


Par Claude MEILLET

 


        Le monde est Proust. Son dernier volet, «Le temps retrouvé» m’a aidé à résoudre l’absurdie du temps présent israélien. Et pas seulement. Bien entendu, Jonathan ne pouvait pas laisser passer, inexpliquée, une déclaration aussi elliptique et mystérieuse Sur son incitation, elliptique également mais vigoureuse, Ruth, la bien nommée, bibliothécaire par état et proustienne par affinité, déploya la réflexion cachée derrière cette envolée.
       Comme Jonathan le savait peut-être, l’œuvre A la Recherche du Temps perdu a été conçue entre 1904 et 1922. C’est-à-dire avant, pendant, et après la terrible Grande Guerre. C’est-à-dire dans une période où un monde s’écroulait, et un autre tentait d’apparaître. Et, à travers deux scènes, celle du bordel et celle de la fête dite masquée, le narrateur témoigne de la déchéance et du déclin du monde. Jusqu’à ce que la découverte que la mémorisation spontanée donne à la littérature le pouvoir de transcender le temps. L’art aide l’homme à dépasser le temps.




Et alors ? lança Jonathan transformant l’interrogatif en impératif. - Alors ? Hé bien, le monde est Proust, reprit Ruth, Pour titiller. Nous sommes trop dedans pour nous en rendre compte. Mais le monde présent est l’ancien monde. La conduite, pour ne pas dire la domination du monde par l’Occident, se termine. «Le jour où la Chine s’éveillera», la prédiction supposée de Napoléon et l’essai prémonitoire d’Alain Peyrefitte trouvent une réalisation actuelle. Défiant l’hégémonie américaine. L‘Asie, l’Afrique, l’Amérique du sud, démographiquement et économiquement, la Russie militairement, contestent le modèle de société jusqu’à maintenant imposé. La mondialisation ébranle la notion d’États-Nations. L’univers politique, sclérosé, professionnalisé, schématisé, devient carrément décalé par rapport à l’univers social, économique, en mutation accélérée. L’éducation, le niveau et le partage des connaissances, stimulés par l’avancée fantastique de la technologie, génèrent une exigence citoyenne nouvelle.



       Cette transformation généralisée, à vitesse exponentielle, place effectivement le monde dans une situation proustienne. Pour reprendre l’expression mitterrandienne, «comment donner, de nouveau, du temps au temps» ?

C’est l’interrogation qu’oublie de se poser, justement, la figure des temps modernes qu’est Israël. Ce si jeune et si petit pays, si observé, si critiqué et si admiré. Qui a su dans sa courte existence, cultiver, inventer, développer le nouveau du monde, pour atteindre en un temps record un statut de vie équivalent à celui des pays anciens les plus établis. Dans une trajectoire initiée par une vision, une ambition, une volonté, devenue projet, sous drapeau du sionisme. Projet transformé en réalité existentielle, en dépit de circonstances opposées, militaires, géographiques, climatiques.



Ceci jusqu’à ce que la société israélienne, ainsi constituée, «se retrouve, comme le dit Jacques Prévert, toute seule devant sa toile inachevée avec au beau milieu de sa vaisselle brisée les terrifiants pépins de la réalité». Pépins d’un conflit israélo-palestinien enkysté, destructeur de part et d’autre, monstre endormi sous forme de statu quo qui se réveille tragiquement. Pépins de l’assemblage hétéroclite d’une religion qu’un ancrage historique et géographique pousse à l’extrémisme, et d’une démocratie active mais encore insuffisamment solidifiée. Pépins du pouvoir ahurissant d’un dirigeant historique en pleine déchéance, mobilisant les plus mauvais instincts de sa troupe d’affidés autour de sa personne, au détriment de la nation qu’il est élu pour défendre. 

L’œuvre de Proust se termine par «Le temps retrouvé». Elle survit au temps. On peut croire que rien n’est perdu. Ni pour le monde. Ni pour Israël. Pour répondre au froncement de sourcils, de nouveau interrogatif de Jonathan, Ruth l’encouragea d’un sourire. Rien n’est perdu pour le monde qui craque et qui s’interroge. Parce que la conjugaison des forces des nouvelles générations, moins prisonnières du temps passé, plus ouvertes et plus audacieuses, des forces de la technologie plus productive et libératrice qu’on ne le craint, délivrera un monde à recréer.

      L’invention de vie réelle remplacera l’invention artistique. Rien n’est perdu pour Israël non plus. La soif de vie, ici aussi, essence du judaïsme, moteur de vie d’Israël, aura raison. Des anathèmes réciproques, il dictera l’équilibre démocratique, règlera la cohabitation du religieux et du séculaire. Il imposera le partage de la terre, la coexistences des peuples et des civilisations. L’art de la vie remplacera l’art littéraire.

 

5 commentaires:

  1. Monsieur Meillet, "Pépins du pouvoir ahurissant d’un dirigeant historique en pleine déchéance, mobilisant les plus mauvais instincts de sa troupe d’affidés autour de sa personne, au détriment de la nation qu’il est élu pour défendre" Suivez-vous l'actualité ? 2 304 964 citoyens ont voté pour le Likud donc il est le chef.

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  2. Jonathan connaît cette position, distillée avec constance au fil de ''Temps et Contretemps''.
    Position d'apparence légitime. La majorité (à 30 000 voix près), est la majorité. Mais les pépins de la réalité font que la démocratie ajoute à ceux de la majorité, ceux de la protection des minorités, du respect de l'équilibre des pouvoirs, de la différenciation entre vie religieuse et vie publique....
    Pépins qui sont avalés sans vergogne par ce dirigeant en perdition et son armée de jusqu'auboutistes

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  3. Comme Jonathan et Proust je rêve du temps retrouvé ! et me plais à y croire...l'histoire a de multiple fois démontré que l'homme est capable de tout même du meilleur🙏🙂

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  4. Nous ne sommes pas à l'abri d'une bonne surprise.
    Signé
    Un ingénieur qui vous veut du bien

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  5. Hier soir, j'ai regarde et ecoute le Premier Ministre. Il n'a jamais ete plus extremiste et plus vague. Que veut dire la protection des droits de l'individu sans systeme judiciaire independant des autres pouvoirs? Qui garantira ces droits? Personne, car meme si un projet de loi est depose, notre Premier Ministre, et il le sait tres bien n'a pas la majorite necessaire. De plus en plus, je me pose la question de savoir si cet homme n'est pas entrain de perdre la raison. Ou alors, il se fiche de tous, c'est assez grave, non?

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