AUTOPSIE D’UNE DÉFAITE ÉLECTORALE EN ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
La défaite du camp de
la gauche et du centre est sans appel et la surprise est totale car les
sondeurs se sont encore trompés. Netanyahou était crédité de 60/61 sièges et il
en a obtenu 64, une majorité confortable pour gouverner pendant quatre années
sans compromission. La surprise la plus imprévue est l’élimination définitive
du parti Meretz de la Knesset, un fait historique. Les États-majors des partis
perdants vont analyser les résultats et tirer les conséquences d’un échec
retentissant. Mais d’ores et déjà, il est possible d’expliquer le déroulement
de cette défaite.
Smotrich, Netanyahou, Ben Gvir et derrière Mansour Abbas |
La droite avait un
dirigeant incontestable et incontesté qui n’a pas cessé de se démener pendant cette dernière
année et surtout durant la campagne électorale. Il a imposé la fusion en une
seule liste de l’extrême-droite alors que Bezalel Smotrich voulait éviter de se
compromettre avec le sulfureux Itamar ben Gvir. Le Likoud avait commandé des sondages afin d'examiner une course distincte
pour Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, afin qu’ils puissent formuler leur
position finale concernant la scission. Mais Netanyahou a imposé l’unité entre
les deux partis pour éviter l’élimination de l’un d’entre eux. Il a envoyé des
messages à Ben Gvir pour laisser une ouverture à l’unité et aux négociations et
il a également envoyé un message à Smotrich indiquant qu’il était intéressé par
l’unité. Une fois les primaires des religieux sionistes terminées, il a réuni
Smotrich et Ben Gvir pour exiger la fusion. Il a réussi à les convaincre qu’il
fallait éviter tout risque car la situation était sérieuse.
Moshé Gafni |
Après avoir négocié un accord pour que Smotrich et
Ben Gvir se présentent ensemble, le leader de l’opposition Benjamin Netanyahou
s’est efforcé de maintenir le parti haredi Yahadout HaTorah totalement uni.
Pour lui, il fallait mettre tout en œuvre pour que ses alliés religieux de
droite maximisent leur potentiel électoral. Une scission de Yahadout HaTorah
dirigé par Gafni, qui avait remporté sept sièges en 2021, pouvait conduire
l’une des factions qui le composent, voire les deux, à passer sous le seuil
électoral. Les deux factions Agudat Israel et le parti non-hassidique Degel
HaTorah avaient des désaccords qui ébranlaient leur alliance. Le leader Gafni
avait succédé à Yaakov Litzman, en délicatesse avec la Justice, remplacé
par Yitzhak Goldknopf. Mais Gafni, s’opposant à cette nomination, avait décidé
de concourir tout seul. C’était sans compter sur Netanyahou qui avait réuni les
deux parties pour forcer au maintien de l’alliance. Ainsi à droite l’union
sacrée avait été imposée par le leader charismatique Netanyahou qui a su faire
respecter son leadership.
Le jour des élections les leaders de droite se sont
partagé le terrain pour être présents aux quatre coins du pays, haranguant les électeurs de quatre ou cinq villes dans la même journée. Netanyahou avait choisi les grandes
villes, le Shass les grandes synagogues, Ben Gvir les villes séfarades du sud,
les villes pauvres et les implantations tandis que Smotrich se rendait dans les
grandes villes sionistes religieuses comme Raanana. Aucun centre de vote n’a
été ignoré et le terrain était labouré de toutes parts pour que les électeurs
soient convaincus d’aller «bien» voter. Les leaders de droite ont «mouillé»
leur chemise.
Michaeli, Lapid et Galon |
À gauche, Yaïr Lapid n’a pas su imposer ses vues et ne s'est pas comporté comme un meneur de partis. Le
parti travailliste et le parti Meretz ne se sont pas entendus pour concourir
ensemble. Lapid est resté passif alors que le risque existait. Le ministre Meretz de la
Sécurité régionale Issawi Frej a demandé une fusion avec le parti Travailliste pour
«garantir la survie de la gauche de l’échiquier politique». La
présidente de Meretz, Zehava Galon, était pour cette fusion car elle avait reçu
des sondages qui indiquaient que Meretz pourrait ne pas franchir le seuil électoral.
Mais Merav Michaeli, sûre d’elle-même et à la limite de l'inconscience, a refusé la fusion des listes estimant
plus bénéfique de concourir séparément. Elle s’est justifiée en précisant qu’elle
tentait de repositionner sa faction comme un parti «de centre-gauche» et
qu’une telle initiative ne lui paraissait pas compatible avec les valeurs du
Meretz. Yaïr Lapid n’a pas fait preuve de leadership, donnant l'impression de préférer
l’affaiblissement des partis de gauche au profit de Yesh Atid.
Sami Abu Shehadeh de Balad et Mansour Abbas de Ra'am. |
Yaïr Lapid aurait dû et aurait pu aussi intervenir auprès
des partis arabes pour obtenir l’alliance électorale entre le parti Raam de
Mansour Abbas et le parti Balad de Sami Abu Shenadeh qui avait quitté la Liste arabe. Il s’agissait
de consolider les factions arabes alliées dans le cadre d’une nouvelle
coalition. La passivité de Lapid a entrainé l’élimination de Meretz et de
Balad, sept sièges au moins qui sont partis en fumée.
En fait il était difficile de s’opposer à une bête
politique qui avait vingt ans d'expérience de militantisme, de tractations et de
négociations et qui s’est mis au travail dès le lendemain de sa défaite et de la constitution de
la coalition de gauche. Les hommes politiques israéliens ont encore beaucoup à
apprendre de l’insubmersible Netanyahou. Rien ne lui était acquis et il n’a
jamais désespéré de reprendre le pouvoir alors que tout le monde le croyait
fini en politique. La défaite de Lapid était inscrite dans les tablettes mais
il ne l’a pas envisagée, comptant sur le Ciel pour rééditer son exploit de 2021. Le
Centre et la gauche ont besoin d’un leader charismatique pour renaitre de leurs cendres. Benny Gantz aurait pu être cette «force tranquille» sur laquelle
on pouvait s'appuyer mais il s’est mis en retrait parce que s'il était un
militaire brillant, il n'était pas encore un combattant politique.
Bonjour,
RépondreSupprimerVous placez les personnes politiques au dessus de l’accomplissement des politiques menées ;
Il semble que les israéliens ont préféré faire la balance des actes accomplis par les différentes factions politiques et qu’ils ont été prompts à les condamner par leur votes.
Le vivre ensemble prôné par le bloc du centre et de la gauche a été une cuisante défaite dont la population juive israélienne gardera des stigmates inscrits dans leur chair pendant un certain temps.
Souhaitons au bloc de droite réussite force et honneur.
Bien cordialement
DdeAM
Cette analyse démontre que Lapid est incapable de faire les bons choix avec ses alliés potentiels . Comment lui confier le destin d’un pays divisé et tellement en danger?
RépondreSupprimerLes sondages ne sont pas trompés. A 4.500 voix manquantes de Meretz près, soit dans la marge d'erreur, la coalition de droite tombait à 61
RépondreSupprimerJe suis reste siderer par les prouesses de Bibi et l'inconscience de ses opposants.
RépondreSupprimerDeja, durant l'ephemere gouvernement de l'opposition, on a vu comment Bibi mobilisait ses partisans contre toute propositions de lois, y comprises celles beneficiant a Israel.
Maintenant, je me pose la question de savoir quelle voie Bibi a choisi pour etre completement innocente: par un vote a Knesset ou un coup dictatorial car, malheureusement pour notre pays, l'attrait de la dictature est profondement ancre et Bibi, avec son attitude a la Knesset pendant un an a prouve au dela de tout compromis qu'il n'etait pas un democrate (ni meme un republicain). Il est plus proche de Poutine que de Trump.
Lapid a gagné des voix sur Meretz et Avoda. Il a voulu devenir plus fort. Pendant une année de gouvernement anti Bibi, très peu de choses ont été faites pour le social. Shass qui propose des bons d’achat aux familles nécessiteuses a gagné 2 sièges. Bref Lapid n’a pas été bon en politique intérieure et Netanyahu excelle dans les arrangements de parti. Des gens dangereux l’emportent, mais leurs adversaires, par leur mauvaise gestion, sont extrêmement et également fautifs. Le peuple vote, mais il n’est pas fautif. Les fautifs sont les personnalités politiques qui pourraient expliquer et changer les choses mais n’ont pas les qualités pour.
RépondreSupprimerComment faire gagner Netanyahou et ses alliés sionistes religieux et orthodoxes ? En envoyant un total abruti flanqué d’un T-short vert Meretz, faire de la provoc sur un stand des Loubavitch et profaner des Tefilines en les frottant ostensiblement sur ses parties intimes. Et ce, devant les caméras. Voilà de quoi scandaliser
RépondreSupprimer(et à juste titre) le monde religieux et traditionalistes. Et les mobiliser comme jamais pour aller voter (même ceux qui ne pensaient pas se déplacer). Résultat : le Meretz a disparu politiquement, et c’est tant mieux. Et on peut être quasi certain que la coalition de Bibi tiendra 5 ans, tant les intérêts des uns et des autres s’entrecroisent fortement.