La justice |
Le contre politique |
Son constat ? Partout dans le monde, le monde de la politique
est le monde du «contre». La peur. Peur du futur. Peur de perdre son
job. Peur des autres. Peur du nouveau. La peur. Qui fait que, face à un monde grand
ouvert, le monde politique oppose le statu quo au changement, bloque la
réforme, dénigre l’imagination, assèche l’innovation. Il ne s’agit pas de
jouer à qui est contre le ‘’contre’’. Mais de sortir du piège. Pour
entrer, enfin, dans le jeu du ‘’pour’’.
Il illustra son exorde à travers l’énoncé du cas détonateur, tout
chaud. Purement israélo-israélien. Le conflit Israël/Palestine pourrit dans son
jus depuis 70 ans. Mijotant depuis la mort de Rabin dans l’aveuglement bigot
des deux camps, le terrorisme et l’occupation, la dramaturgie humaine, morale,
la misère et la souffrance. Dans l’absence de perspectives, d’initiatives, de
visions. Et il suffit de l’évocation, enfin, de la résurgence d’une solution,
celle des deux États, pour qu’une levée quasi unanime des camps politiques se
dresse, immédiatement, contre cet attentat : l’évocation d’une solution. Prenant
une nouvelle fois ses risques, Jonathan déclara Jouer le pour. Pour
qu’enfin, une solution soit mise sur la table, décortiquée, précisée, encadrée,
débattue, combattue, affinée. Qu’une chance soit offerte à la paix. Pour
qu’enfin, les lignes bougent.
La faim |
À son grand soulagement, aucun hurlement ne retentit au sein du
groupe, attentif. Au contraire le relais fut pris instantanément. Une participante
se leva en votant, dit-elle, pour le pour. Elle aussi, à
partir d’une actualité brulante. Elle venait de lire simultanément que des
chercheurs israéliens avaient créé un nouveau type d’algues, extrêmement
nourricières, et que la faim contribue à la mort d’un être humain toutes les quatre
secondes. Quelle superbe opportunité pour quelque parti politique que ce soit !
S’emparer de cette conjonction pour projeter Israël dans le rôle de protecteur
de la vie universelle ! Soudain, la reprise par le politique de l’aptitude
unique de la recherche scientifique israélienne à produire des solutions aux
malheurs et handicaps du monde, devint le levier magique du pour. Extrayant
Israël du carcan de son image de prédateur pour lui faire reconquérir une
position d’initiateur du nouveau monde. Jonathan vit le pour devenir programme
politique. Pour la guerre. Mais la guerre au défi climatique. Pour le combat.
Mais le combat contre la débâcle écologique. Sans considération de ligne verte.
Pour le rééquilibrage économique et
financier entre riches et pauvres. Et le rééquilibrage entre religieux et
laïques. Pour la refonte du système éducatif. Pour éradiquer la sous-alimentation
des jeunes. Pour la réhabilitation des minorités. Pour la protection des
institutions juridiques…. N’en jeter plus, la coupe est pleine, protesta
faussement Jonathan.
Il vit alors, sans temps de répit, le vent du ‘’pour’’ élargir son
territoire. La houtzpa israélienne, transforma chaque membre du groupe en un Être-Monde,
tel qu’un récent essai philosophique l’a défini : partie-prenante des
problèmes du globe et de l’univers. Pourquoi laisser l’univers politique figer le
monde dans des oppositions de blocs ? Un monde assez grand pour qu’y
cohabitent deux systèmes, chinois et américain. Avec leurs défauts et leurs
qualités. Qui auraient tous deux intérêts à une collaboration productive plutôt
qu’à une confrontation stérilisante. Pourquoi, même, ne pas imaginer une
solution de sortie honorable de sa folie obsessionnelle à un imprévisible
Wladimir Poutine, en parallèle à l’action punitive déployée ? L’enthousiasme
du pour s’étendit à la résolution des problèmes internationaux.
Régulièrement évoqués, trémolos dans les voix et régulièrement mis sous le
boisseau. L’éradication de la faim dans le monde, la défense des droits de la
femme dans la moitié du monde où elle reste bafouée, l’élimination du travail
et de l’exploitation des enfants. La véritable faim du pour se propagea jusqu’aux
pays si pudiquement dénommés en voie de développement. Pour que les pays
développés, eux, oublient leur égoïsme absurde et servent autant leur intérêt
que ceux de ces pays, en partageant leurs savoir-faire, leurs techniques, leurs
capacités en matière de santé, d’éducation, d’industrialisation….
Craignant de provoquer finalement, un catalogue à la Prévert des
bonnes intentions, Jonathan, un peu débordé par un succès inattendu, reprit la
main. Faire résonner l’angélus du pour ne veut pas dire ne pas
tenter de raisonner l’angélisme. Sa propre surprise à la sortie de cette
formule, eut le mérite déclencher le rire dans l’assistance. Contribuant ainsi
à rafraîchir le courant d’optimisme peut-être un peu trop vif. Sans l’avouer ouvertement,
il se sentit malgré tout, conforté dans sa réaction initiale. La contagion du contre politique sur le citoyen, lui semblait maintenant moins irrépressible qu’il ne
le craignait. Comme la banalité du mal d’Hanna Arendt, la banalité du contre perdait son caractère systématique quand il rencontrait l’envie
d’avenir de chaque individu.
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