Affrontements |
Il expliqua au groupe, réunit ce samedi matin, dans une salle annexe
d’un restaurant de Jaffa, dominant la mer. Sa tentation d’analyse de la
situation israélo-palestinienne, demandait toute leur indulgence.
Essentiellement matheux loin de la politique, observateur extérieur non engagé,
citoyen du monde ni Israélien, ni Palestinien, rien ne justifie sa prétention. Sinon
qu’étudiant les tentatives de résolution de la quadrature du cercle, il
rapprocha deux apparentes impossibilités : créer un carré de surface égale
à un cercle, et faire cohabiter sur un petit morceau de terre, deux populations
engagées dans un conflit centenaire. Un angle de vue original, technocratique,
non partisan, qui permettait peut-être d’introduire du possible dans la seconde
impossibilité, la première étant, elle, irréversible.
Enfants soldats |
C’est notre Iroquois, leur dit Jonathan. Il faut toujours écouter les Iroquois nous conseille Voltaire. Amusée et intriguée tout à la fois, l’assistance unanime lui promit l’indulgence, et même le pardon. Jimmy, l’Iroquois, intitula son premier vecteur. La réciprocité des torts. A somme nulle dit-il. Il commença par la ligne erratique israélienne. Qui débuta par l’ignorance voulue ou non, de la présence arabe aux premiers temps du retour juif dans sa terre originelle. Qui, forte de ses guerres victorieuses, n’eut pas l’intelligence de reconnaître ni compenser, ni négocier ce hiatus initial. Qui reconnaissant justement lors de la création de l’État, le rôle historique et spirituel du judaïsme, n’eut pas la précaution de limiter la religion à son champs individuel naturel. Et lui a permis d’infiltrer et, pardon dit-il, d’infecter le champ politique. Qui a favorisé l’ambiguïté de «l’occupation» des territoires. Ouvrant la porte à l’installation et aux exactions de settlers, à une autre forme d’éviction forcée des arabes locaux. Ligne qui se poursuit par l’acceptation fataliste du statu quo et surtout par le risque de perte de l’âme initiatrice de la nation israélienne.
La ligne palestinienne n’a rien à envier à sa parallèle
israélienne. Marquée par la continuité de son passéisme. Incapacité à sortir de
son histoire de défaite et à se projeter vers un avenir de construction. Incapacité
à évoluer de sa tradition clanique rétrograde et à développer une solidarité active
générale. Concours de radicalité militaire et obscurantiste entre deux factions
ennemies. Conditionnement dramatique de la jeunesse par un contenu d’éducation
incantatoire. Corruption d’une classe dirigeante et militaire avec détournement
de leur objet de tous les fonds internationaux alloués. Entretien et
stimulation d’un terrorisme aveugle visant essentiellement des cibles civiles.
Immobilisme économique, social, culturel, et sous-exploitation de
l’exploitation pacifique de la haute technologie. Enfermement dans une religion
dominatrice, politique, ancrée dans le passé.
étudiantes palestiniennes |
Maintenant que les deux parties en ont pris pour leur grade,
dit Jimmy, tout heureux d’avoir appris récemment cette expression nouvelle pour
lui, il annonça son second vecteur. La sortie de la quadrature. Là encore, deux
forces. Mais qui, cette fois, s’additionnent. La ligne de forces existantes
tout d’abord. Pour Israël, la démocratie, même imparfaite, mais porteuse de
valeurs de paix qui peuvent se mobiliser. L’extraordinaire aspiration de toute
la société à gagner la vie. Qui a haussé en moins de quatre-vingts ans le pays
au pinacle des pays modernes. Le haut niveau atteint en matière d’économie, de
technologie, social, de santé, d’éducation, scientifique. Pour les
Palestiniens, une classe nouvelle de dirigeants dans la société civile. Le
courant d’émancipation des femmes, hors du carcan millénaire, avec leur accès
et leur réussite en éducation. La jeunesse d’une population, porteuse de tous
les dynamismes si on sait la détourner du pré-conditionnement. En outre, appui supplémentaire, l’ouverture
des fenêtres de la paix et d’échange avec les accords d’Abraham.
La ligne de force d’un potentiel de ruptures ensuite. Rien de plus
unificateur qu’un ennemi commun. La crise climatique, le défi écologique, ne
s’occupent pas de frontières, vertes ou pas, ne font pas de différences de
population. Additionnés de crises de l’eau, puis alimentaire. La réponse à ces
crises ne pourra pas être différenciée d’un côté ou de l’autre du Jourdain. De
chacun des côtés, également, la place accrue et le rôle accrue des femmes, même
si elle est d’un rythme différent, va constituer une forme d’équilibrage, de
raison, de pacification. Et s’y ajoute le poids et la densité des associations
communes déjà existantes. Dans tous les secteurs de la vie publique. Rompant le
mur de la méconnaissance, bousculant la rigidité de la vie politique.
Avec un peu d’imagination, de volonté, de capacité d’objectivation,
le carré et le cercle peuvent alors se superposer. A la différence d’avec le
problème mathématique, purement intellectuel, l’analyse des forces renverse
l’impossibilité de l’autre quadrature. Une autre dimension intervient. L’obligation morale et générationnelle de
résoudre l’équation de la coexistence des deux populations en opposition. Pour
retrouver leurs âmes respectives et s’accorder sur le possible. La paix pour
les deux jeunes générations.
CQFD, lança la jeune sociologue, en guise de conclusion de cette
démonstration. Déclenchant un spectre diversifié de réactions. Portant toutes
sur la pertinence de la géométrie appliquée à la résolution de problèmes
sociétaux complexes. Pour finalement, pardonner à l’Iroquois Jimmy, cette irruption
de la logique mathématique dans le monde illogique des conflits humains.
RépondreSupprimerMerci pour cet article de bon sens.
Je propose la lecture du livre Apeirogon de Colum McCann. Histoire vraie de deux hommes unis fraternellement dans la même douleur par la perte de leurs enfants: Smadar 14 ans a perdu la vie dans un attentat kamikaze , Abir, 10 ans par une bavure reconnue de Tsahal. On comprend que la paix viendra de ceux qui ont tout perdu, non de ceux qui ont la haine assis confortablement dans leur salon .
Comme le dit l’auteur : « La paix vient au goutte à goutte mais elle est inéluctable. Et lorsqu’elle arrive, comme ce fut le cas en Irlande du Nord, on l’a doit au travail de gens extraordinaires qui prennent des risques quand d’autres ont juste ricané. »
Paix ineluctable? Pour l'instant le nombre des morts est en augmentation vertigineuse. Et avec cela, le renforcement des extremistes de tout bord.
RépondreSupprimer- Jonathan souhaite remercier Véronique pour son support.
RépondreSupprimer- Raison de plus , Georges, pour sortir de cette quadrature