OPPOSITION DE CITOYENS CONTRE L'ACCORD DE PLAIDOYER DE NETANYAHOU
Par Jacques BENILLOUCHE
Benjamin Netanyahou entouré de partisans du Likud à l'ouverture de son procès pénal en 2020 |
L’accord de plaider-coupable négocié entre le procureur Mandelblit et Netanyahou ne fait pas l’unanimité, pour deux raisons opposées. D'une part, il est combattu par ceux qui estiment que l’ex-premier ministre ne mérite pas cette faveur et qu'il doit payer sa dette à la justice, jusqu'au bout. Avant lui, l'ancien ministre des Finances Avraham Hirshson et l’ancien premier ministre Ehud Olmert avaient été condamnés à de la prison ferme, sans aucune indulgence. Les différents actes d’accusation sont suffisamment circonstanciés pour ne pas accepter de compromis. Il y a trois ans, le Procureur avait proposé un plaider-coupable qui avait été refusé par la famille Netanyahou car une prolongation de la procédure judiciaire lui permettait de poursuivre son activité politique. Pourtant, cela aurait évité trois années de procédure et des coûts de justice inutiles. La peine proposée aujourd'hui de plusieurs mois de travaux d'intérêt général est considérée par beaucoup comme trop légère, eu égard à la gravité des faits de l’acte d’accusation. D'autre part, Sara Netanyahou et son fils Yaïr sont opposés à tour accord et veulent aller au bout du procès car ils sont certains de l'innocence du prévenu. En tout état de cause, il n’est pas certain que le Tribunal accepte d’entériner l’accord.
Des manifestants anti-Netanyahou devant le domicile de Mandelblit pour s'opposer à un éventuel accord de plaidoyer |
Des sondages montrent que le public israélien s'oppose à l'accord de
plaidoyer de Netanyahou, soit parce qu’ils l’estiment innocent et qu’ils
veulent que la Justice le blanchisse, soit parce que les accusations pour
corruption, abus de confiance et escroquerie doivent être sanctionnées par une
décision de justice alors qu’il s’était vanté que son dossier ne «contenait
rien» et qu'il s’était défendu de
toute malversation : «Je vous l'ai dit et je le répète: il n'y aura
rien parce qu'il n'y a rien». Pour lui, il s’agissait d’une chasse
aux sorcières politique, dans le but de l’écarter du pouvoir et d’un complot
ourdi par la Police. Pour les Israéliens, cet entêtement à ne pas reconnaitre l’évidence
et sa mise en cause des autorités judiciaires et policières sont graves de la
part d’un haut personnage du pays. Il avait pourtant reconnu avoir reçu de l'argent de l’escroc français
Arnaud Mimran, actuellement en prison pour une escroquerie à la taxe carbone de
283 millions d'euros.
Selon un sondage Kan, 49% des personnes interrogées
pensent que les affaires de Netanyahou devraient aboutir à une décision
judiciaire, alors que seulement 28% pensent qu'il est juste de parvenir à un
accord sur le plaidoyer. Ses amis inconditionnels persistent à affirmer que les médias l’ont
condamné en faisant fi «de la présomption d'innocence» et qu’il mérite
donc un procès en bonne et due forme pour prouver son innocence. Mais
personne n’impose à Netanyahou un plaider-coupable s’il était vraiment innocent ;
il est libre de l’accepter ou de le rejeter. mais, en acceptant les propositions de
Mandelblit, il prouve effectivement sa culpabilité. Selon le sondage, 36% pensent que
Netanyahou est coupable de toutes les charges retenues contre lui, et 19%
pensent qu'il n'est coupable que de certaines charges. Il n’est donc pas
considéré comme tout blanc. Certains estiment donc que seule la prison pourrait
réparer la mauvaise conduite de Netanyahou.
Mais les militants du Likoud sont convaincus de son
innocence et exigent la poursuite du procès. Pour l’encourager dans cette voie,
ils ont procédé à une quête, un financement participatif pour sa défense juridique.
2,5 millions de shekels (710.000 euros) ont été récoltés en moins de 24 heures.
C’est dire la puissance du personnage qui hésite à accepter la décision du Procureur
qui veut le faire quitter le pouvoir. Mais certains amis le poussent à trangiser. Ainsi l'ancien président de la Cour suprême, Aaron Barak, a
accepté de négocier un accord en son nom : «Je ne pouvais pas rester
indifférent. Netanyahou était l'un des grands défenseurs du système judiciaire».
Pour les militants de droite : «Le procès de Netanyahou est le
résultat d'une persécution et d'une tentative d'obtenir, de quelque manière que
ce soit et à tout prix, une condamnation du chef du camp, ainsi que d'éloigner
l'ancien Premier ministre de la direction nationale. Ces dernières années, nous
avons eu le sentiment que Netanyahou menait notre guerre à tous et payait le
prix d'années de fermeté à la tête du camp de droite. Nous avons entendu les
preuves au procès ; il paie le prix de la persécution judiciaire contre le
camp de droite et il n’a pas à payer seul».
Cette volonté d’aider financièrement Netanyahou est incompréhensible, sauf à vouloir attirer vers lui un sentiment de commisération au profit d’un dirigeant dans le besoin. Ils apportent au contraire la preuve que l’ex-premier ministre avait une relation spéciale avec l’argent. Mendier de l'argent n'est pas justifié. En effet, en 2019, l'édition israélienne du magazine Forbes estimait la richesse personnelle du Premier ministre de l'époque à 50 millions de shekels (14,2 millions d’euros) faisant de lui le quatrième homme politique le plus riche d'Israël. Ni Ben Gourion, ni Begin, ni Shamir et ni Rabin n’avait de fortune de ce niveau. Shamir n’avait même pas les moyens de se payer une résidence médicalisée adaptée à son état médical.
Cependant, il est vrai que la situation a trop duré et qu'un accord permettrait de clarifier la situation et de recomposer le paysage politique selon les normes habituelles.
Bonjour,
RépondreSupprimerLe temps joue pour le gouvernement.
Le parti Raam montre qu'il peut être dans un gouvernement, le parti à l'opposé l'ayant déjà montré depuis longtemps. Je suis français, et je regarde l'évolution du système politique israélien avec curiosité :)
Ainsi, plus que d'observer un édifice politique instable, je vois que le champs des possibles a changé: le paradigme politique israélien semble avoir tourné, sur lui-même, légèrement.
Ceci écrit, vous parlez du judiciaire, du peuple, de l'exécutif... mais vous ne parlez pas de M. Herzog qui est le nouveau président... enfin depuis quelques mois.
Je serai curieux de connaître votre regard quant à votre président; président discret semble-t-il.
Cordialement,
Pour les curieux, il y a 7 ans, M. Herzog parlait ainsi:
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=B7pVEF6fduI
Post scriptum: je ne partage pas cette interview sur cnn parce qu'il parle, au début, de l'ancien premier ministre.
Je lis toujours avec intérêt vos articles et vous remercie de votre travail.
RépondreSupprimerJe me permets quelques remarques.
D'abord sur le contenu de la déclaration des partisans de Natanyahou.
A mon sens ils ont raison sur le fait qu'il y'a eu un acharnement judiciaire qui relève plus de la raison politique que de la gravité des infractions que ses détracteurs cherchent à lui imputer.
A cet égard, les infractions les plus graves concernent l'affaire des sous-marins vendus à l'Egypte relative à l'accusation de détournement de fonds par le biais de commissions occultes. Cette accusation malgré l'énorme travail de la police notamment par pressions sur des témoins a été abandonnée faute de preuves.
Reste l'accusation de corruption-ici le mot très fort devrait être relativisé- au sujet des cadeaux et de contrepartie d'influence dans un journal qui lui aurait accordé une ou des couvertures favorables.
Je pars du principe que lorsqu'on veut noyer son chien on dit qu'il a la rage ... et de ce fait on trouve toujours une faute de cette nature dans l'exercice d'un pouvoir qui a duré une dizaine d'années. Quel homme politique n'aurait pas besoin dans cette époque si médiatisée de couvertures journalistiques favorables. Maladresse, abus? Où est la limite?
Que ce type d'infraction soit punissable sévèrement en Israel et en tout cas beaucoup plus que dans d'autres pays démocratiques, c'est un fait. Faire allusion à d'anciens premiers ministres qui ont eu un train de vie plus modeste est un argument discutable vu l'évolution du pays radicalement matérialiste qui a basculé depuis les accords d'Oslo dans un modèle économique et sociologique radicalement différents où l'argent est devenu roi tant a gauche qu'à droite.
Mais y'a t'il sérieusement matière à envoyer en prison un premier ministre d'une telle stature-que l'on aime ou pas le personnage pour ces faits? La question mérite d'être posée.
Par contre, je pense que les partisans de Natanyahou se trompent lorsqu'ils déclarent dans le plus pur style politicien que "Natanyahou paye le prix d'années de fermeté à la tête du camp de droite."(sic).
Non, Natanyahou n'a pas incarné avec fermeté le camp de la droite et on l'a vu abandonner dans beaucoup de domaines par opportunisme la fermeté dont ses partisans veulent l'auréoler. Particulièrement Netanyahou non seulement ne s'est pas attaqué à la dérive de la gauche de la Cour Suprême qu'il a cherché à se concilier-ce n'est pas pour rien qu'il fait appel au juge Aaron Barak ménagé dans sa magistrature Suprême- tout comme il n'a pris aucune précaution par le choix de Mandelblit, procureur de l'Etat, un "ami" qui s'est révélé très perméable étant paraît-il lui meme sujet à pressions dans une affaire où il est "mouillé".
Aujourd'hui Netanyahou paie le prix de son manque de fermeté.
Enfin la comparaison avec Olmert ne me semble pas de mise. Celui-ci a reçu vraiment des pots de vin en espèces sonnantes et trébuchantes non négligeables, en contrepartie de constructions pharaoniques à Jérusalem sans que celles-ci cadrent avec le paysage.
Ici le délit plus grave est caractérisé sans rapport avec le traffic d'influences dont Natanyahou est accusé.
Subsiste la question du départ politique de Natanyahou justement évoquée. J'y suis favorable car sa présence trop contestée au sein de la droite ne permet pas une coalition reflétant la majorité de l'électorat israélien .