LE RÉVEIL DU KAZAKHSTAN, ALLIÉ D’ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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Avant les troubles qui ont éclaté et qui l’ont mis en lumière, il était difficile de situer le Kazakhstan sauf à l'imaginer aux côtés de ces pays de l’ex-Urss à terminaison «stan» et à faire l’amalgame entre ces républiques asiatiques. Situé majoritairement dans le nord de l'Asie centrale et en partie en Europe de l'Est, il a changé en 2019 le nom de sa capitale Astana en Nour-Soultan en hommage à l’ancien président Noursoultan Nazarbayev. Almaty est la principale ville du Kazakhstan et son ancienne capitale, de 1929 à 1997.
Noursoultan Nazarbayev |
Peuplé de cavaliers nomades turcophones, il faisait partie de l’Urss. Le peuple kazakh et né du métissage des Mongols et
des Turcs. Indépendant depuis 1991, il était dirigé de main de fer par
Nazarbaïev, président à vie du Conseil de sécurité nationale, jusqu’à sa
démission en 2019. Le pays tient son nom
de l’ethnie kazakh majoritaire dans le pays. Durant l’époque de l’Urss, de
nombreux déportés et même des groupes ethniques entiers peuplaient le
pays : Tatars de Crimée, Polonais, Tchétchènes, Allemands de la Volga et
de la Mer noire et même des Coréens.
En janvier 2022, une révolte a éclaté après une
hausse soudaine du prix du carburant sans pour autant être la véritable raison
car les brutalités policières sont monnaie courante au Kazakhstan. La torture est
généralisée au sein du système judiciaire, et ce dans la plus grande impunité. Déjà
le 16 décembre 2011, à Jañaözen, des émeutes avaient été réprimées dans le sang.
À partir du 17 juillet 2019, le gouvernement a imposé l'installation d'un
certificat électronique pour accéder à Internet. Ce certificat permet aux
autorités de déchiffrer toutes les communications passant par Internet. Les
réformes sont à la base du mécontentement suscité par les restrictions liées au
COVID-19, dans des problèmes économiques systémiques tels que les inégalités de
revenus et la corruption. C’est en fait une révolte contre un système népotique
accaparant les richesses du pays.
Des agents des forces de l'ordre kazakh sont vus sur une barricade lors d'une manifestation |
Les États-Unis, principaux investisseurs pétroliers au
Kazakhstan, aspirent à la stabilité du pays qui risque de tomber à nouveau dans
la sphère d’influence exclusive de Moscou. Il est peu probable que Washington
soit à l’origine des troubles, étant donné le désengagement américain dans la
région et les investissements réalisés par les entreprises pétrolières
américaines.
L'économie du Kazakhstan repose essentiellement sur
les exportations de pétrole, qui représentent 56% des exportations et 55% du
budget de l'État. Le pays a des ressources pétrolières équivalentes à celles de
l'Irak mais elles sont présentes dans des nappes plus profondes. Le pays
détient 75% des réserves de pétrole de la mer Caspienne (soit 3% des réserves
mondiales). Cinq fois plus grand que la France, le pays est à peine peuplé de 18
millions d'habitants.
Le Premier ministre Netanyahou avec le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev |
Israël et le Kazakhstan ont établi des relations
diplomatiques, le 10 avril 1992 tandis que l’ambassade d'Israël a ouvert ses
portes en août 1992. L'ambassade du Kazakhstan s’est installée à Tel Aviv en mai
1996, au 52 rue Hayarkon. Les deux pays entretiennent des contacts étroits dans
le domaine de la défense et du renseignement. En juin 2009, le président
israélien Shimon Peres s'était rendu au Kazakhstan, tandis que Benjamin
Netanyahu avait participé au forum d'affaires kazakh-israélien à Astana en
décembre 2016, la première visite au Kazakhstan d'un chef de gouvernement
israélien.
La Russie n’acceptera aucune mainmise d’un État étranger sur ses anciennes «colonies». Les manifestants et les émeutiers ont saccagé et saisi des bâtiments publics clés, dont un aéroport. 26 citoyens kazakhs et 18 membres de la police et de la garde nationale ont été tués. 3.000 manifestants ont été arrêtés. Des manifestants sont entrés de force et ont incendié des bâtiments gouvernementaux. Le 6 janvier, les forces militaires russes ont été déployées pour aider à rétablir l'ordre à la demande du gouvernement du Kazakhstan. Dès le lendemain les troubles avaient été en grande partie réprimés, après que l’ordre a été donné de «tuer les émeutiers» et que «ceux qui ne se rendront pas seront éliminés».
Répression |
La nation à majorité musulmane est parmi les
principaux amis d'Israël. Israël a développé des liens diplomatiques et
économiques solides avec le Kazakhstan, qui est une puissance économique et
énergétique régionale en tant que premier producteur mondial d'uranium,
neuvième plus grand exportateur de pétrole, et dixième plus grand producteur de
charbon. La coopération avec Israël s’est développée dans les domaines de la
santé, de la sécurité et de l'agriculture.
Le ministre de la Défense du Kazakhstan Adilbek Dzhaksybekov signe un accord de coopération militaire avec le ministre de la Défense israélien Moshe Yaalon |
Le Kazakhstan compte une communauté juive
relativement importante et bien établie, comprenant environ 15 à 20.000
personnes et de nombreuses entreprises israéliennes y opèrent. La majorité sont
des descendants de Juifs ashkénazes qui ont migré ou ont été envoyés comme
conscrits pendant le régime tsariste russe. Il y a aussi environ deux mille
Juifs de Boukhara et Tat qui ont vécu dans la région. La communauté compte de
nombreuses synagogues, écoles et associations sociales. La communauté juive
kazakhe est stable et organisée. Plus de 20 organisations juives, à la fois
laïques et religieuses, travaillent actuellement à améliorer la vie religieuse
et culturelle juive.
L'immigration a contribué à façonner la communauté
juive du pays, petite mais diversifiée, en lui insufflant un plus grand
sentiment de cohésion. Les fortes capacités organisationnelles de la communauté
l'ont aidée à surmonter divers défis depuis l'indépendance du Kazakhstan en 1991,
notamment la pandémie de coronavirus. Le grand rabbin du Kazakhstan, Yeshaya
Cohen, a rapporté qu'aucun membre de la communauté juive n'avait succombé au Covid.
La solidarité au sein de la communauté a aidé à minimiser les risques. Dès les
premiers signes de la pandémie, Cohen et d'autres chefs religieux ont mis en
place des mesures préventives - en utilisant les médias sociaux pour organiser
des volontaires pour aider les membres les plus vulnérables de la communauté,
en assurant un approvisionnement alimentaire régulier aux personnes âgées. Cohen,
grand rabbin depuis 1994, fait partie du petit nombre d'immigrants
post-soviétiques qui constituent désormais l'épine dorsale de la communauté
juive du Kazakhstan. Tous les rabbins du pays sont des immigrants et tous sont
membres du mouvement Habad. Cohen a immigré d'Israël au Kazakhstan il y a près
de 25 ans. D'autres se sont installés au Kazakhstan depuis 1991, venus
d'Ukraine, de Russie, des États-Unis, du Canada et d'Australie.
Rav Yeshaya Cohen, grand rabbin du Khazakhstan |
Relativement peu de Juifs vivaient au Kazakhstan
avant les années 1930 ; la plupart descendent de conscrits militaires russes
qui ont aidé à conquérir la région à la fin du XIXe siècle. Leur nombre a
commencé à augmenter pendant la grande terreur de Staline à la fin des années
30, avec des milliers de Juifs de toute l'Union soviétique envoyés dans des
camps de travail ou exilés au Kazakhstan. D'autres ont fui vers l'Asie centrale
pour échapper à l'invasion de l'armée nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.
L'approfondissement des relations économiques et politiques entre le Kazakhstan et Israël est un facteur encourageant la tolérance gouvernementale. Le Kazakhstan est un fournisseur de pétrole vital pour Israël et Israël a grandement contribué aux efforts de diversification économique du Kazakhstan. Le Kazakhstan et Israël ont développé leurs liens militaires. Le 20 janvier 2014, à Tel Aviv, le ministre kazakh de la Défense Adilbek Dzhaksybekov a signé un accord de coopération militaire avec le ministre israélien de la Défense Moshe Yaalon, officialisant les liens militaires et industriels de la défense. Les événements internationaux ont incité le Kazakhstan à diversifier ses fournisseurs d'armes au-delà de la Russie et de la Chine.
Dès le début, les contacts militaires du Kazakhstan
avec Israël se sont concentrés sur trois domaines : la modernisation des
équipements de l'ère soviétique, les achats d'armes de pointe et la production
conjointe d'équipements militaires. Le Kazakhstan est particulièrement
intéressé à coopérer avec les entreprises militaires et de défense israéliennes
dans les domaines des systèmes sans pilote, de la sécurité des frontières, des
capacités de commandement et de contrôle et des communications par satellite.
IMI produit des systèmes d'armes, les modernise et les intègre dans les forces
armées ; Elbit Systems développe et modernise divers systèmes d'armes,
véhicules aériens sans pilote (UAV), avionique, radars et satellites de
reconnaissance ; tandis que Rafael produit divers systèmes de défense de
technologie de missiles et d'avions et des missiles tactiques.
Les sociétés militaires israéliennes ont signé des
accords pour la modernisation des quelque 600 chars soviétiques T-72 ainsi que
l'avionique des chasseurs Sukhoi-25 de l'armée de l'air kazakhe. Le Kazakhstan construit actuellement, sous
licence israélienne, des mortiers automoteurs Aibat de 120 millimètres, un
système de lancement de roquettes multiples (MLRS) Naiza (basé sur le LAR-160)
et des obusiers Semser de 122 mm. De plus, l'industrie de l'armement du Kazakhstan espère maintenant vendre des systèmes
d'artillerie de conception israélienne.
En ce qui concerne les futurs domaines de
collaboration militaire kazakhe-israélienne, le gouvernement israélien et les
responsables de l'industrie citent les systèmes de drones UAV, la sécurité des
frontières, les capacités de commandement et de contrôle et les communications
par satellite comme principaux secteurs d'intérêt pour Astana.
Shimon Peres au Kazkhstan |
Mais les relations bilatérales des deux pays sont
également influencées par des opinions politiques divergentes, en particulier
les relations chaleureuses avec le voisin du sud de la Caspienne, l'Iran. Les
relations croissantes entre l'Iran et le Kazakhstan ont inquiété Israël, ce qui
a conduit à une visite en juin 2009 du président israélien Shimon Peres au
Kazakhstan avec des demandes qu'Astana cesse sa vente de minerai d'uranium à la
République islamique. À son tour, Nazarbaev avait déclaré que le Kazakhstan
n'avait pas fourni à l'Iran de matières nucléaires.
Mis à part ces hoquets, la relation semble destinée
à prospérer. Israël renforce son influence dans l'un des pétro-États émergents
de la Caspienne, tandis que le Kazakhstan a accès à l'une des puissances
militaires de pointe du monde – une situation stratégique gagnant-gagnant pour
les deux parties.
Il y a quand-même quelque chose d'inquiétant à compter parmi les principaux "amis" d'Israël des pays à régime non-démocratique, voire totalitaire ! (Khazakstan, Azerbaïdjan, Hongrie, Pologne, Inde, Egypte...). Voilà où nous a mené la politique de Netanyahu !
RépondreSupprimerJ ai été en poste à Astana pendant près d'un an pour étudier le projet de TGV entre Astana et almaty. J ai visité la synagogue d Astana inaugurée en 2005 par shimon perez et rencontré le rabbin venu d israel. Jacques tout ton article est très objectif sur la situation politique dans le pays. Petit complément le kazakstan est un des principal fournisseur d uranium de la France qui en a besoin pour ses centrales électriques et la compagnie Total y a des concessions petrolieres. D ou le silence assourdissant de la diplomatie française quand a la répression en cours.
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