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jeudi 20 janvier 2022

Hypertrophie par Claude MEILLET

 

HYPERTROPHIE


Par Claude MEILLET

 

foule religieuse

       Il faut bien un commencement à tout. Comment démarrer cette nouvelle année ? Si intrigante. L’idée avait été d’ouvrir le bal, pour leurs réunions, par un concours…d’idées. Et finalement, la très sémillante prof d’anglais avait décroché le pompon. L’hypertrophie ! Le monde a clos 2021 au zénith du «too much». Trop de tout. La nature, avec la diable nommé Covid, les ouragans, les volcans, les inondations, les Pôles qui se rétrécissent. La politique, avec les Chinois conquérants, l’invention du «grand remplacement», les Juifs orthodoxes fous de Dieu, les toujours fanatisés islamistes, les fascinés du trumpisme, la Russie hyperkgbéïsée.


Grands feux


Les humains, avec les hommes abasourdis par la rébellion des femmes, la tenaille démographique entre le vieillement et la décroissance de la population, définitivement dominés par leurs smartphones. La technologie, avec le glissement de la réalité vers le virtuel, l’écartèlement grandissant entre les nanotechnologies et les pétaflops, le noir de la matière, des trous, entourant obstinément la conquête spatiale. Alors, on continue ? demanda-t-elle, provocante.

Pas de raison que ça s’arrête, fit immédiatement écho, le grand échalas de vétérinaire. En rappelant que les mêmes causes produisent imparablement les mêmes effets. Des causes, solidement en place. La planète copie l’univers. Elle aussi est en expansion. La mondialisation a fait qu’on passe du local au global quasi automatiquement. Sur le plan du commerce, de la finance, de la production et de la distribution, les échanges sont multiples, immédiats, réciproques. La science n’est pas en reste. Le Technion de Haïfa partage ses recherches en biologie avec un laboratoire de Cambridge et l’université d’Osaka. La toile médiatique recouvre la Terre entière. Soumettant à un bombardement uniforme, incessant, d’images, de discours, d’informations, les peuples de tous les continents.

réalité virtuelle


Le spectacle, le sport, la musique, installent un langage commun d’images, de sons, traversant la variété des cultures, coutumes, des nations les plus pauvres aux plus riches. Le tsunami digital, réseaux, intelligence artificielle, big data, emporte plus ou moins rapidement, mais irrésistiblement, les digues civilisationnelles classiques. Et ça n’est pas le blocage momentané d’internet par des régimes politiques sur la défensive qui stopperont cette offensive internationale. Épuisement des ressources, drame climatique, crise écologique, rejoignent cet opéra mondial hyperbolisé. Auquel les réponses hasardeuses, tentatives, hétérogènes, des gouvernements des États du monde n’apportent qu’une conduite partielle, saccadée, forcément cacophonique.

«Le mieux est l’ennemi du bien». Ça n’est pas moi qui le dit, c’est Voltaire, reprit alors l’avocate, chevelure noire, toute frémissante. Se plaçant précautionneusement sous l’égide de l’écrivain philosophe. Toutes ces contributions à l’amplification générale des phénomènes du monde vont se perpétuer, concéda-t-elle. Mais il suffit peut-être de redescendre de l’échelle. De l’échelle dressée par le monde contemporain. Et s’efforcer de remettre le tout à l’échelle humaine. En politique, justement. En remettant à la place qui est la sienne la religion. Celle des individus et non pas celle de la régulation de la vie publique. Les immams dans la mosquée et pas dans les conquêtes armées. Les Juifs orthodoxes dans la synagogue et pas au Parlement. Les pentecôtistes dans leurs prêches et pas à l’assaut du Capitole.

Il suffit peut-être de remiser les idéologies aux placards de l’histoire et de redonner aux idées la primauté qu’elles méritent. De prioriser les besoins premiers, encore si mal répartis dans le monde, éducation, éradication de la faim, rééquilibrage des conditions et statut des femmes, protection et promotion de la jeunesse. De privilégier la recherche de solutions aux questions concrètes posées par le monde par rapport aux développements des différentes formes de réalité virtuelle. De favoriser l’évolution de la démocratie en crise, l’adaptation du capitalisme à l’exigence d’égalité. De réintroduire de la fraternité simple et directe par rapport à la totalisation médiatique abstraite. Il suffit peut-être de se libérer de la fascination pour la dimension irrésistible du progrès et de s’appliquer à la conduite contrôlée de ses développements. De redonner sa place à l’homme dans sa complexité et sa subjectivité.

famille nombreuse


Jonathan se hasarda à évoquer un type de comparaison pouvant éclairer le débat, mais sans oser la dévoiler, sans doute hypertrophiée elle aussi dit-il car d’un caractère scabreux. Il en avait trop dit. L’injonction unanime tomba : Ose, Ose !! Il tenta donc d’édulcorer l’histoire en s’en tenant à la plus grande sobriété. Un père de dix-neuf enfants, attribuait à sa femme la raison de cette situation. Elle est étrangère et comprend mal notre langue expliquait-il. Quand nous nous couchons, et que je demande On dort ou quoi ? elle répond Quoi ?

Le même automatisme conduit les hommes à subir et se laisser submerger par l’hypertrophie des phénomènes que sa créativité génère. Elle est la conséquence de la perte de contrôle du développement de l’humanité. Ce qui permit à la prof d’anglais d’apporter victorieusement la conclusion finale. En 2022, choisissons nos enfants ! proclama-t-elle.

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