TRUMP ET NETANYAHOU
AVAIENT JOUÉ MbS CONTRE LE ROI DE JORDANIE
Par Jacques BENILLOUCHE
Depuis le départ du
pouvoir de Donald Trump et de Benjamin Netanyahou, les langues se délient au
sein des services de renseignement en attendant la publication de documents
officiels. Le président Donald Trump avait imposé son «accord du siècle»,
totalement approuvé par Israël qui lui était entièrement dévoué. Son rêve était de constituer une entente
entre Benjamin Netanyahou et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane
(MbS). Ce fut un échec car le roi de Jordanie Abdallah II avait été mis à l’écart
alors qu’il était partie prenante dans d’éventuelles concessions sur le statut
de Jérusalem et qu’il jouait un rôle important d’intercession auprès des
Palestiniens. Les Américains ont alors joué l’élimination politique du roi et ils ont tout fait pour ébranler le royaume. Dans son aveuglement d’amitié avec
Trump, Netanyahou a suivi le mouvement sans prendre en considération les
intérêts d’Israël.
Le roi de Jordanie Abdallah II avec son demi-frère le prince Hamzah |
De hauts dignitaires jordaniens ont été encouragés à se rebeller. La main de la CIA n'était pas loin. Les forces de sécurité du roi ont arrêté trois personnalités du régime soupçonnées de comploter pour déstabiliser le royaume : l’ancien prince héritier Hamzah, Sharif Hassan bin Zaid, un parent du roi et un puissant chef de tribu et enfin Bassem Awadallah, ancien ministre jordanien devenu confident de MbS. Ils ont été traduits devant la Cour de sûreté de l’État sans que l’on ait publié les charges contre eux. Mais, selon les accusateurs, il s’avère que les «comploteurs n’avaient pas préparé un coup d'État au sens juridique et politique du terme, mais une tentative de menacer la stabilité et la sécurité de la Jordanie et d’inciter à la sédition». Hamzah n’avait pas été inculpé mais avait perdu sa liberté et pour être plus précis «lui et sa famille étaient chez eux sous les soins de Sa Majesté Abdallah, son demi-frère». Trump avait un a priori favorable pour ce prince car il avait été préparé pour le trône par sa mère américaine, la reine Noor.
Awadallah de son côté a été accusé d’avoir tenté «d'affaiblir la position de la Jordanie et la position du roi sur la Palestine et la garde hachémite des lieux saints islamiques et chrétiens à Jérusalem».
Le conseiller principal de la Maison Blanche, Jared Kushner, se tient parmi les responsables saoudiens |
Les relations avec les Américains s'étaient détériorées lorsque le roi n’avait pas
adhéré au «deal du siècle», refusé d’ailleurs par les Palestiniens. Selon
des sources sûres occidentales, Trump avait alors intensifié ses pressions sur
le roi qui entravait sa démarche afin de lui imposer son plan de paix avec MbS
et Netanyahou comme alliés clés. Il avait ourdi un vrai complot contre le roi. D'ailleurs Jared Kushner était devenu de plus en plus hostile au roi de Jordanie qu’il qualifiait
d’obstacle au processus de paix. Si effectivement Trump, Netanyahou et MbS
n’ont lancé aucune manœuvre concrète pour renverser le roi, ils ont tout fait pour
encourager ses ennemis. Pour les Américains, les accords d’Abraham étaient
incomplets sans la participation de l’Arabie saoudite.
De gauche à droite la reine Rania de Jordanie, la princesse Basma Otoum, le prince Hamza, le roi Abdallah et la reine Noor |
Pendant longtemps
les États-Unis d’avant Trump avaient joué la Jordanie contre l’Arabie mais les
vents avaient tourné. Le départ de Trump et de Netanyahou a rebattu les cartes
pour redonner à la Jordanie la place qu’elle avait perdue. La nouvelle
direction israélienne n’a pas apprécié les relations froides avec la Jordanie
qui reste un élément fondamental dans la stratégie israélienne. D’ailleurs,
Abdallah est attendu cet été à Washington, tandis que MbS a été temporairement
écarté. De son côté, Yaïr Lapid, ministre des Affaires étrangères, conscient
des dégâts causés par l’ex-premier ministre, a décidé d’œuvrer pour restaurer la
confiance totale entre Israël et la Jordanie. Pour renouer les liens, Naftali
Bennett s’est rendu secrètement à Amman pour une réunion avec le roi Abdallah.
C’est une grande marque de sympathie à l’égard du voisin. Il n’y avait pas eu de
rencontre entre un Premier ministre israélien et le roi de Jordanie depuis plus
de cinq ans. Bennett et le roi Abdallah II ont accepté «d’ouvrir une
nouvelle page» dans les relations entre les deux pays, après les années
Netanyahou de tensions diplomatiques accrues.
la dynastie hachémite Les fils d'Hussein à l'avant plan. De gauche à droite Ali, roi du Hedjaz, Abdallah, roi de Jordanie et Fayçal, roi d'Iraq |
On n’a pas compris
l’intérêt d’Israël à neutraliser la Jordanie sinon pour suivre aveuglément la
politique étrangère américaine, La monarchie hachémite en Jordanie doit sa
légitimité à son rôle de gardien de la mosquée al-Aqsa mais la protection du
sanctuaire musulman reste une ligne rouge. Abdallah a été vite convaincu que
les trois alliés Trump, Netanyahou et MbS tentaient de lui enlever ce rôle pour
le confier à l’Arabie si elle se joignait aux accords d’Abraham ; un
cadeau en or massif pour le pays qui se veut leader du monde sunnite.
Mais Abdallah, bien
formé par son père Hussein qui avait survécu à de multiples complots et coups
d’État, avait besoin de la double protection américaine et israélienne après le
traité de paix de 1994. Ce traité de paix lui avait donné une place prépondérante
en Occident et surtout auprès des Américains. Il incarnait un islam modéré au
Moyen-Orient favorable à la paix.
Mais contrairement
à l’idée que l’on se fait de ces deux royaumes, les relations ont été toujours
tendues entre l’Arabie et la Jordanie. En effet la dynastie hachémite avait
régné sur la Mecque et Médine mais la Jordanie n’est plus dans sa superbe
depuis qu’elle est devenue pauvre, dépendante de l’aide saoudienne et des
monarchies du Golfe. L’ancien roi Abdallah d’Arabie a été généraux jusqu’à son
décès en 2015 car son intérêt était la stabilité pour éviter toute
contamination.
Biden- MbS |
L’arrivée de MbS a
modifié la donne lorsque son père Salmane a accédé au trône. Trump en avait fait
son chouchou puis son mauvais génie. Le plan saoudien Vision 2030 pour moderniser son
royaume, était une illusion, à la rigueur une minime avancée dans la seule réduction
des pouvoirs des religieux. En revanche, il s’était attaqué aux dissidentes et aux
militantes qui exigeaient des droits pour les femmes.
L’influence de MbS
s'est accéléré lorsque Trump est devenu président en 2017 en le présentant comme
un réformateur, alors même que sa prise de pouvoir était devenue plus
impitoyable en 2017, lorsqu'il a éliminé un rival en tant que prince héritier et
a emprisonné plus d'une centaine d'éminents Saoudiens à l'hôtel Ritz-Carlton
jusqu'à ce qu'ils prêtent allégeance et remettent une partie de leurs biens.
Puis est venu le meurtre horrible d'un journaliste dissident, Jamal Khashoggi,
chroniqueur de Post Global Opinions, en octobre 2018, une mission qui, selon la
CIA, a été approuvée par MbS. La Jordanie, après
tant d'années en tant que partenaire fidèle, a perdu sa place à cause de
l'engouement de Trump pour MbS et les Saoudiens, et ses réticences sur l’accord
ultime avec les Israéliens.
Trump n’avait pas
apprécié que le roi lui tienne tête lors d’une conférence de presse le 21 mars 2019 en
déclarant : «Je ne changerai jamais ma position sur Jérusalem… peu importe
ce que disent les autres. Nous avons un devoir historique envers Jérusalem et
les lieux saints. … Y a-t-il une pression sur moi de l'étranger ? Il y a une
pression sur moi de l'étranger. Mais, pour moi, c'est une ligne rouge». Ce
jour-là avait été scellé son acte de mort politique.
Joe Biden a tenu à
réparer les dérives de son prédécesseur en permettant au roi de Jordanie d’être
le premier leader arabe à être reçu à Washington. Benny Gantz, ministre de la
Défense, était tellement préoccupé par la détérioration des relations de
Netanyahou avec le roi Abdallah qu'il avait effectué, sans l’accord du premier
ministre, une visite secrète à Amman pour rassurer le roi au début de 2021 : «Je
pense que la Jordanie est un grand atout pour Israël. … Malheureusement,
Netanyahou est une figure indésirable en Jordanie et sa présence nuit à
l'avancement des relations. C'était un signe de l'inquiétude de l'establishment
de la sécurité israélienne concernant une éventuelle déstabilisation en
Jordanie».
Le gouvernement de Naftali Bennett
a compris l’importance de la Jordanie et tout a été mis en œuvre pour
restaurer les relations amicales avec un pays important dans le conflit israélo-palestinien et pour corriger la politique d'alignement avec celle des Etats-Unis. Le risque était grand de voir la Jordanie basculer dans le camp de l'Iran, ce que Trump n'avait pas envisagé. Pour ouvrir des relations avec les Emirats, on a bradé celles avec la Jordanie parce que c'était la volonté de l'ex-président américain. Il est temps que Joe Biden corrige cette anomalie.
Merci pour cet article largement documenté qui permet de comprendre certaines choses jusque là quelque peu obscures.
RépondreSupprimerMerci pour m'avoir éclairé sur un sujet auquel je n'avais pas réfléchi autrement que vis-à-vis de l'hostilité d'un grande majorité de Jordaniens envers Israël. Expérons un changement d'attitude de part et d'autre.
RépondreSupprimerExcusez-moi, cher monsieur Benillouche, mais comment résister à la tentation de laisser le dernier mot à Georges Brassens qui semble avoir tout prévu :
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=dGjKLV_xg7Y
Très cordialement.
C’est lassant ! Le méchant est toujours le même ...on ne va pas lire un nouveau réquisitoire !
RépondreSupprimerMon cher André,
RépondreSupprimerPourquoi vous faire du mal en lisant notre site ? Je peux vous conseiller quelques sites plus adaptés à vos convictions si vous le souhaitez. Des sites où l'on ne parle jamais des menteurs, des voleurs et des tricheurs.
Tres bon article. Comment un fin(?) politicien comme Bibi a voulu laisser tomber la Jordanie, qui assurait la frontiere du Jourdain contre toute tentative d'infiltration?
RépondreSupprimerCela ne peut s'expliquer par ce que la droite repousse a deux mains que les interets d'Israel passent derriere les interets de Bibi.
Et pour cadeau, Bennett a promis 50 millions de cubes d'eau potable, ce qui soulagera le royaume hashemite dans ses importations alimentaires.
La carte MBS est autant financière que diplomatique. Trump avait également prévu de rapatrier un membre important du Fatah d’Arabie saoudite (dahlan) pour réunifier gaza avec Jérusalem , ce que Hussein a tout fait pour éviter. Sans cette stratégie la paix avec les palestiniens aurait sans doute été possible (avec l’appui jordanien) ….au lieu de ça , la guerre avec le Hamas n’a pu être conclue définitivement.
RépondreSupprimer@André,
RépondreSupprimerSi vous ne vous cachez pas derrière un pseudo et si vous m'envoyez votre mail, je ne manquerais pas de vous répondre en détail et en privé.
Cher Auteur : Faut-il rappeler quand meme que depuis plusieurs années -et en tout cas avant les accords Abraham- la Jordanie n'a pas manifesté la moindre sympathie envers Israel, ce pays se faisant remarquer systématiquement par ses déclarations antiisraéliennes peu amènes sur la question de Jérusalem et de Mont du Temple.
RépondreSupprimerDe plus la Jordanie craignant la main mise de l'Arabie Saoudite sur les lieux Saints musulmans, regardait d'un mauvais oeil la perspective que ce pays arabe vienne le cncurrencer sur son propre terrain . Israel a du choisir en pesant ses intérets, la Jordanie ne s'étant pas associée à ce processus d'ampleur régionale.
Vous avez certes dévoilé quelques cartes...mais le dessous des cartes? Surtout si Trump et Natanyahou concoctaient un réglement possible du problème palestinien avec les pays du Golfe riches et inflents ce que n'est pas la jordanie... On peut ne pas aimer Natanyahou ou Trump mais ne pas les prendre pour des naifs non plus.
Bien évidemment le départ de ces deux dirigeants entraine de facto un rebattage partiel des cartes. Le jeu continue. Mais on se sait comment il va se terminer puisque la donne précédente a changé. Ce nouveau gouvernement s'adapte puisque les intérets du moment ont évolué.