SILENCE TUNISIEN ET PALESTINIEN SUR LE MAROC
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le président tunisien |
Hayel Al Fahoum |
Ce silence tunisien n’est pas une première car aucune réaction de la diplomatie tunisienne n’a été entendue lors de l’annonce de l’accord de normalisation acté entre les Émirats arabes unis et Israël. Pour signifier son opposition, le président de la République s’est contenté de recevoir l’ambassadeur palestinien, Hayel Al Fahoum, pour lui renouveler le soutien de la Tunisie au peuple palestinien. Plus personne ne s’étonne des prises de position incompréhensibles d’un président tunisien qui fait cavalier seul au détriment de l’intérêt de son pays et de son économie chancelante. S'opposer aux États-Unis est une décision risquée. On ignore d’ailleurs les griefs de la Tunisie à l’égard d’Israël qui a eu tous les honneurs sous le régime de Bourguiba et de Ben Ali, à moins de vouloir être plus royaliste que le roi. Il faut tracer un trait définitif et mettre dans le tiroir de l’Histoire les souvenirs d’une communauté juive florissante en Tunisie.
L’Autorité palestinienne
s’est aussi murée dans le silence mais le Hamas, le Djihad islamique
palestinien ont, eux, condamné cet accord de normalisation le qualifiant de «péché
politique et de trahison aux fondements de l’islam». Pour le Djihad
islamique : «La normalisation du Maroc avec l'occupation israélienne
est une trahison de Jérusalem et de la Palestine. Nous sommes convaincus que le
peuple marocain refusera totalement cette normalisation». Le FPLP (Front populaire de
libération de la Palestine), qui entretient des relations étroites avec le
Front du Polisario, mouvement indépendantiste soutenu par l'Algérie a bien sûr
critiqué la normalisation.
Alors que le Caire s’est
félicité de cet accord, la position palestinienne ne s'explique pas car la cour royale marocaine avait publié une déclaration officielle précisant
que le roi Mohammed VI avait appelé Mahmoud Abbas pour le rassurer de la
position inchangée de Rabat à l’égard de la cause palestinienne et de la
solution à deux États. Le roi a souligné que «le Maroc place toujours la question palestinienne
au même niveau que la question du Sahara, et que le travail du Maroc pour
consolider son unité nationale et territoriale ne sera jamais, ni aujourd'hui
ni dans le futur, aux dépens de la lutte du peuple palestinien pour ses droits
légitimes». 2.500 Juifs vivent encore au Maroc, y compris le ministre juif du tourisme,
André Azoulay.
Les Tunisiens et les
Palestiniens n’ont pas compris qu’il existe toujours une contrepartie positive,
souvent sonnante et trébuchante, de ce genre d’accord parrainé par les États-Unis
qui savent récompenser les bonnes volontés. Ils ont en effet décidé de reconnaître
la revendication de longue date du Maroc sur la région du Sahara occidental,
rejetant tous les appels du peuple sahraoui à son indépendance.
Rabin, Hassan II et Peres |
Le Maroc a toujours été modéré vis-à-vis d’Israël et il ne s'en est jamais caché ouvertement. Feu
le roi Hassan II avait tenté d’être un catalyseur secret pour faire avancer le
processus de paix israélo-arabe. En juillet 1986, il avait accueilli le Premier
ministre israélien Shimon Peres et deux mois plus tard, il avait rencontré une
délégation de Juifs marocains, incluant un membre israélien de la Knesset. En
1993, après avoir signé un accord avec l’OLP (Organisation de libération de la
Palestine), le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin avait effectué une
visite officielle au Maroc.
Le Royaume va bien
sûr obtenir des contreparties politiques puisque sa souveraineté sur le Sahara
occidental sera reconnue par les États-Unis.
Trump «a réaffirmé son soutien à la proposition d'autonomie sérieuse,
crédible et réaliste du Maroc comme seule base pour une solution juste et
durable du différend sur le territoire du Sahara occidental. Et à ce titre, le
président a reconnu la souveraineté marocaine sur l'ensemble du territoire du
Sahara occidental».
La coopération économique entre les entreprises israéliennes et marocaines
sera développée avec à la clef de nouveaux emplois créés au Maroc. Le tourisme attirera des Israéliens d’origine marocaine qui pourront utiliser
des vols directs depuis Tel-Aviv. En fait il s’agit d’une politique
gagnant-gagnant que la Tunisie refuse d’adopter. Au moins 200.000 israéliens
d’origine tunisienne attendent le droit de retrouver librement leur terre
natale, certains pour y passer de longues vacances. Mais ce n’est pas demain la
veille.
La Turquie pourrait faire les frais de cette normalisation car elle accueillait en grand nombre des musulmans israéliens et des Druzes qui passaient leur vacances dans un pays halal. Ils trouveront au Maroc un autre décor, de nouvelles plages, et de nouveaux horizons.
On ne s’étonne plus de la position adoptée par Kais Saïed, hanté par le seul énoncé d’Israël qui d’ailleurs ne manque jamais l’occasion de se rappeler à son bon souvenir. À peine élu et novice en politique, cet universitaire avait exalté la défense de la cause palestinienne mais s’était vite retrouvé confronté à la complexité du dossier à l'ONU, multipliant les signaux contradictoires face aux exigences de la realpolitik et de son opinion publique. Il n’avait pas hésité, le soir de son élection, à arborer le drapeau palestinien dans un pays qui avait certes abrité durant de longues années (1982-94) le siège de l'OLP.
Moncef Baati et Antonio Guterres |
Il avait également fustigé «l'injustice du siècle et une haute trahison» après la présentation par le président américain Donald Trump, le 28 janvier, du plan pour le Moyen-Orient. Il avait cependant désavoué et limogé son ambassadeur auprès de l’ONU, Moncef Baati, diplomate chevronné, qui avait cru bon de vouloir trop en faire en portant un projet de résolution contre le «plan de paix» américain pour le Proche-Orient. Il avait été accusé d'avoir cherché à «ternir l'image de la Tunisie et de son président» sachant qu'il risquait de bloquer les aides que l’Amérique octroie à son pays.
Tarek El Addab |
Khemaïs Jhinahoui |
On se demande si la nomination d'El Addab n’était pas volontaire parce que Kais Saïd ne pouvait ignorer le "passé israélien" de son ambassadeur. Nommer un acteur tunisien de la normalisation avec Israël ne pouvait pas être fortuit. Certains y ont vu un premier pas de la Tunisie pour s’assurer les bonnes grâces des chancelleries occidentales. Cela pourrait justifier le silence de la Tunisie face à la normalisation marocaine.
Ah enfin les Marocains nos voisins ont fait le pas, en établissant ostensiblement leur relation avec ISRAEL. Alors un grand bravo aux deux pays et notamment à notre voisin le Maroc. Les autres pays, l'Algérie, la Tunisie, la Libye, la Maurétanie ... suivront ..; encore de la patience, car l'on ne peut éternellement cacher le Soleil avec un tamis, dit le proverbe.
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