SIGNATURE
DES ACCORDS DE NORMALISATION
Jacques BENILLOUCHE au
micro de
Amira BENDJABALLAH JEAN-PIERRE
Benjamin Netanyahou est arrivé lundi 14 septembre à Washington pour assister à la cérémonie du 15 à la Maison Blanche au cours de laquelle il devait signer les accords de normalisation avec les ministres de haut rang des Émirats arabes unis et de Bahreïn : «Je suis en route pour apporter la paix en échange de la paix». Les Émirats étaient représentés par le ministre des affaires étrangères Abdullah bin Zayed Al Nahyan et le Bahreïn par le ministre Abdullatif bin Rashid Al Zayani.
La
cérémonie a été décalée pour des raisons qui font désordre. Il s’avère que le
premier ministre n’avait pas qualité pour signer les documents officiels et
qu’il revenait au ministre Gabi Ashkenazi de les parapher. Sa présence était,
sinon requise, au moins souhaitée face aux autres ministres des affaires
étrangères mais Netanyahou refuse toujours de mettre en lumière quiconque peut lui
faire de l’ombre. En urgence un pouvoir
a dû être envoyé à Washington depuis
Jérusalem.
Beaucoup de secret entoure cette
signature. Le contenu de la normalisation ne sera publié
qu’après la signature. Et pour cause. Certaines clauses peuvent créer
une mauvaise humeur chez certains Israéliens. En fait, il sera mis en œuvre par
étapes pour empêcher Israël d'appliquer sa souveraineté en Cisjordanie avant
2024. Ainsi, les deux pays n'échangeront pas immédiatement d'ambassadeurs,
mais commenceront par une coopération économique, sécuritaire et sur les
renseignements. Les Émirats ont exigé ces conditions pour maintenir la pression
sur les États-Unis qui doivent achever la vente prévue de chasseurs F-35. Il
est d’ailleurs établi que dans les négociations sur les accords surnommés accords d’Abraham, Netanyahou
a accepté de «suspendre» son plan de souveraineté, sine die.
Cette normalisation marque un changement distinct dans un statu quo vieux de plusieurs décennies car la solidarité arabe contre Israël a été brisée. Netanyahou a certes conclu de manière historique «deux accords de paix en un mois ce qui représente une aubaine économique pour le pays. C’est toujours bien, mais c’est particulièrement bien pendant le coronavirus».
Le vrai maître d’œuvre des accords, l’habitué des palais arabes, l’homme
des alcôves des chancelleries qui ne reconnaissent pas Israël, le successeur
putatif de Netanyahou, Yossi Cohen, était du voyage de manière toujours
discrète. Le chef du Mossad, a expliqué qu’il ressentait «une grande
excitation avec l’espoir que d’autres pays imitent les EAU et le Bahreïn
vis-à-vis d’Israël. Nous y travaillons». L’administration Trump a tout fait
pour obtenir la participation de représentants d’autres pays arabes à la
cérémonie de signature, en vain. L’UE a été la grande absente, à l’exception de la
Hongrie, comme si pour les Européens la paix était une notion abstraite.
Cependant la sémantique est très importante dans cette région du monde. Selon
les délégations, l'accord avec les Émirats est défini comme un «traité de
paix» tandis que celui avec Bahreïn est une «déclaration de paix». Les
experts jugeront la différence concrète de ces deux expressions et les implications.
Il faut noter que la loi israélienne impose une ratification officielle d’abord
par le Cabinet de sécurité des dix principaux ministres et ensuite par la
Knesset. Il ne fait aucun doute que l’approbation par le parlement obtiendra
une majorité écrasante dépassant les lignes partisanes. Mais cela n’a pas
convaincu les manifestants anti corruption de cesser leur protestation devant
la résidence du premier ministre et même sur la route le conduisant à
l’aéroport Ben Gourion.
Souverain du Bahrein |
De même, tous les Palestiniens, fidèles à leur attitude toujours négative, ont dénoncé ces accords et ont organisé une «journée de rejet populaire» rejoints en cela par l’Iran et la Turquie.
Cette normalisation est la régularisation de faits avérés. Israël et les pays arabes du Golfe ont entretenu des relations furtives pendant plusieurs années, mais la peur de l’Iran les a poussés à des relations normales et officielles. Les pays du Golfe vont pouvoir développer au grand jour le commerce et le tourisme avec Israël, bénéficier de sa haute technologie et acquérir des armes avancées que les Américains refusaient toujours de leur livrer. Pour conjurer la menace iranienne, ils ont accepté de sacrifier la question palestinienne. Les Émirats sont à peine à 100 kms de l’Iran.
Le cas de Bahreïn est différent car la population est à 70% chiite tandis
que les dirigeants sont sunnites, en particulier le roi Hamad bin Isa bin
Salman al-Khalifa qui craint à tout moment un soulèvement chiite sous
l’influence de l’Iran. Le Hezbollah, a implanté et formé des cellules terroristes
parmi la communauté chiite avec l’objectif avoué de renverser le trône d'Al Khalifa. Le soutien d'Israël l'immunise contre l'Iran.
En 2011, l'Arabie saoudite voisine avait envoyé des troupes pour aider le
roi à réprimer le soulèvement chiite du «printemps arabe» soutenu par
l'Iran. Les dirigeants d'Al-Khalifa dépendent de Riyad non seulement comme
bouclier, mais aussi pour leur santé économique sachant que le champ
pétrolifère d'Abu Safah, s'épuise rapidement.
L'importance stratégique du petit royaume est disproportionnée par rapport
à sa taille. Coincé entre l’Arabie saoudite, le Qatar et l'Iran, l'archipel de
Bahreïn accueille des bases américaines importantes : Naval Support Activity
Bahreïn, US Naval Forces Central Command et United States Fifth Fleet. C'est la
principale base de la région pour les activités navales et marines américaines.
Il n’est pas impossible que sous une forme ou une autre, les Israéliens
puissent s’y installer pour avoir un œil proche face à l’Iran.
L'Iran a menacé Bahreïn de représailles, tandis que l'Autorité palestinienne
a furieusement retiré son envoyé de Manama. Si l’on comprend l’attitude de
l’Iran, on n’arrive pas à justifier la solitude forcée des Palestiniens qui
auraient pu profiter de cette normalisation pour faire avancer leurs thèses. Par
ailleurs un paradoxe ne s’explique pas. L’Arabie a été très influente dans
cette normalisation mais elle-même n’a pas encore sauté le pas.
@M. Benillouche : des infos et une analyse intéressantes, comme souvent. 2 questions : RT est la télé de propagande du gouvernement russe, pensez-vous que votre présence permet de mieux faire connaître Israël et ses courants de pensée à ses téléspectateurs ? D’autre part il est écrit que vous êtes à Paris, ce qui est bien possible. Quand vous êtes en Israël, est-ce que la télé le mentionne de même ?
RépondreSupprimer@Jabeau
RépondreSupprimerJ’étais en vacances à Paris et il est normal que RT précise ma situation pour justifier qu’on ne me voit pas à l’image. Sur mon site vous trouverez les archives de mes émissions sur RT et il est bien mentionné Israël.
https://benillouche.blogspot.com/2020/07/articles-television-rt-historique-des.html
En ce qui concerne mes interventions elles sont tout à fait libres et d’ailleurs elles sont volontairement toujours en direct. Il y a moins de propagande sur RT que sur I24news entièrement dévouée à Netanyahou.
J’estime qu’une télé juive s’adresse à des convaincus, donc aucun impact. RT France me permet de toucher un public différent qui peut entendre un autre son de cloche sur Israël.