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mercredi 23 septembre 2020

Biélorussie, le prix de la démocratie par Francis MORITZ

 

BIÉLORUSSIE, LE PRIX DE LA DÉMOCRATIE 

Par Francis MORITZ

 

Maria koleshnikova

       La répression se poursuit. Maria Koleshnikova, seule à ne pas s’être réfugiée en Ukraine a été arrêtée et incarcérée à Minsk. Son avocate L. Kasak indique qu’elle est accusée de divulgations de secrets et de tentative de coup d’État, qu’elle subit des menaces physiques et des pressions. Maxime Snak, juriste membre du comité, a également été arrêté, tandis que l’écrivaine prix Nobel Svetlana Aleksievitch est actuellement hors du pays.  





Dans le même temps, Minsk a transmis à l’OSCE et non à l’UE, une proposition pour résoudre la situation ; le président Loukachenko martèle que la voie du changement passe uniquement par un référendum en 2022 en vue d’une réforme constitutionnelle.  Dans une interview aux médias russes et après son entretien de lundi 14 avec Vladimir Poutine, il a même laissé entendre qu’il serait peut-être resté un peu trop longtemps au pouvoir…, qu’une nouvelle élection pourrait être envisagée. Il s’agirait notamment de limiter le pouvoir présidentiel vis à vis du gouvernement et du parlement et de renforcer le système des partis, puis d’organiser de nouvelles élections. 

Ces propositions ont déjà fait l’objet de discussions entre les ministres des affaires étrangères biélorusse et russe à Moscou le 3 septembre, dans l’attente de la rencontre des deux présidents. On sait clairement qu’aucune proposition ne peut aboutir sans accord de la Russie. Les opposants n’y voient cependant pas un véritable changement démocratique, car l’autocrate de Minsk évoque des réformes depuis 2016, sans suite.



Dans le même temps, la chancelière Merkel, qui préside l’UE, manœuvre dans un contexte complexe et peu favorable.  Déjà outrée par l’attitude de Poutine, l’affaire Navalny l’exaspère encore un peu plus. En accusant la Russie d’être responsable de l'empoisonnement, le président français, qui avait entamé un processus de rapprochement avec le président russe, a sérieusement refroidi l’atmosphère. Symétriquement le bon fonctionnement du groupe de Normandie pour régler le conflit du Donbass semble à l’arrêt car c’est le président russe qui a le pied sur le frein. Ce n’est sans doute pas un hasard si des tirs sont échangés dans la zone grise, au moment où la Russie a repris à Vienne des négociations avec les États-Unis sur le traité de non-prolifération. Alors, quand on connaît la prédilection du président Trump pour les opérations de troc, tout est possible.

Réaliste, l’autocrate de Minsk a modifié sa stratégie. Il est passé d’une répression globale et brutale à une action très ciblée, contre les  principaux responsables. Son objectif est de les intimider, les menacer et les pousser à s’exiler afin de décapiter la contestation pour la réduire à minima. Officiellement, A. Loukachenko et V. Poutine considèrent que les manifestations sont inspirées et organisées par des forces extérieures et rappellent qu’ils sont liés par un accord de défense mutuelle. Ce qui constitue un signe fort de soutien au régime de Minsk. Les deux dirigeants présentent les événements comme un conflit géopolitique avec l’OTAN dans lequel Minsk voulait entraîner le Kremlin  qui semble y souscrire. Moscou ne peut accepter la forme de démocratisation revendiquée par la contestation. Le soutien russe qui tend d’ailleurs à se renforcer en est la démonstration, car V. Poutine, regarde ce conflit plus comme une question de politique intérieure qu’une affaire étrangère. Les dix millions de Biélorusses ne veulent, ni ne peuvent, se détourner de la Russie. Les deux pays sont imbriqués depuis toujours.  

Dans le même temps, l’UE  n’agit qu’en soft power, sans stratégie affirmée, elle est aux côtés de la contestation et propose ses services pour établir des négociations. Elle rejette le résultat de l’élection, condamne la répression ciblée et promet des sanctions.  C’est le contraire de la non-ingérence proclamée. Ce qui n’est pas sans poser de nouveaux problèmes, dont les effets réels restent à démontrer. Les seules véritables sanctions qui vaillent contre la Russie, seraient d’abord l’arrêt des fournitures de gaz, ensuite l’interruption du projet de gazoduc Nordstream2. L’Allemagne et l’UE peuvent elles se le permettre ?

Une telle décision n’est pas à la portée du conseil européen, vu le manque de cohésion et de leadership actuel et les très nombreux sujets que l’UE ne traite déjà pas. Régionalement, les échecs rencontrés sur les dossiers de la Crimée et du Donbass doivent nous rappeler que sur ce terrain, le tsar du Kremlin reste le maître des horloges. Toutes ces manœuvres donnent l’impression que, faute de cohérence et d’unanimité, l’UE se cherche et recherche à l’extérieur des dossiers où elle pourrait jouer un rôle, faute de pouvoir s’attaquer aux sujets internes. Le drame de Lesbos et le G7 Méditerranée, qui voient la Grèce membre de l’UE et la Turquie, encore membre de l’OTAN s’affronter, sont des révélateurs de cette impuissance et trompeuse impatience.

Enfin, lundi 14 Loukachenko a rencontré Poutine à Sotchi pour finaliser la position qu’il sera contraint d’adopter, prix de sa survie personnelle. Le moment de payer est arrivé.  Il a été obligé de consentir à des compromis, dont une forme d’alliance-intégration avec la Russie et l’organisation d’une réforme constitutionnelle.  Sans doute aussi l’acceptation d’une présence militaire russe sous une forme qui reste à définir pour ne pas heurter les citoyens, respectivement alimenter l'inquiétude des voisins, base d'entraînement mutuelle par exemple, Officiellement la Russie a consenti un prêt de 1,5 milliard de dollars et donné quelques conseils. Nul n’aura la naïveté de croire que le tsar du Kremlin a octroyé ce prêt sans les contreparties qu’il réclamait depuis longtemps. Le maître des échecs du Kremlin est plus habile que le joueur de poker de Minsk. Il serait temps que le Quai d’Orsay renouvelle ses références. 



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