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mercredi 23 septembre 2020

Opposition entre gouvernements et populations arabes

 


OPPOSITION ENTRE GOUVERNEMENTS ET POPULATIONS ARABES

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps



Sur la pancarte : "Nous peuples de Bahreïn, toutes communautés confondues : la décision ne nous représente pas. Non à la normalisation !"


               Il existe une dichotomie flagrante entre les dirigeants des pays arabes et leurs populations en ce qui concerne les normalisations. Les populations arabes du Bahreïn et des Emirats ne sont jamais consultées ni «travaillées» sur les intentions gouvernementales ce qui explique la résistance à la normalisation avec Israël. Il est donc évident qu’il ne peut y avoir de convergence des esprits. Par ailleurs, bien que la paix ait été signée depuis des dizaines d’années, en Égypte ou en Jordanie, les relations restent froides. Les échanges se bornent à quelques hommes d’affaires ou diplomates et à de nombreux touristes israéliens.


Ayatollah Isa Qassim
           

       Mais quand la religion se mêle, alors tout se bloque. Les personnalités religieuses, souvent proches des islamistes, ont réussi à convaincre leurs populations de résister à l’officialisation des relations avec Israël. Ainsi l'ayatollah Sheikh Isa Qassim, chef spirituel d'Al Wefaq, le plus grand groupe d'opposition de Bahreïn, qui vit en Iran, a déclaré : «Il y a une grande divergence entre les dirigeants et les gouvernés dans la pensée, l'esprit, les objectifs et les intérêts. Les gouvernements connaissent une défaite psychologique et veulent l'imposer au peuple, et le peuple doit résister à cette défaite». Ce religieux occupe un poste important en tant que chef des chiites majoritaires dans le pays, se permettant même de critiquer la famille royale sunnite. À ce titre, il est écouté et surtout suivi mais téléguidé par l'Iran.

            Des organisations politiques et civiles, en particulier le Barreau de Bahreïn, ont officiellement annoncé leur opposition à l’accord : «Ce qui résulte de la normalisation ne bénéficiera pas du soutien populaire, conformément à ce sur quoi des générations de Bahreïnis ont été élevées en termes d'adhésion à la cause palestinienne». Elles prétendent qu’elles ne s’opposent pas à un accord avec Israël mais elles ne l’accepteront qu’une fois la paix conclue avec les Palestiniens. Les Bahreïnis, contrairement aux Émiratis qui sont plus contrôlés, sont très critiques vis-à-vis de la normalisation. Cette situation négative a poussé le chef de la plus haute Cour de Bahreïn à ordonner aux employés de la justice de ne pas attaquer la politique du gouvernement ni d'exprimer des opinions portant atteinte à l'unité nationale.

Les Bahreïnis n’hésitent pas à critiquer les engagements de leur gouvernement avec Israël. A la conférence de juin à Manama, ils avaient fustigé l’aide économique américaine de 50 milliards de dollars au profit du Moyen-Orient. En avril, le Parlement s’était joint aux médias sociaux pour empêcher les entreprises israéliennes à assister à une conférence internationale sur l'entrepreneuriat.  Mais cela n’a pas redoré le blason de Bahreïn puisqu’il a été critiqué par l'Iran, la Turquie et le Hezbollah, qui ont accusé le pays de trahir les Palestiniens. 

Rashid bin Abdullah Al Khalifa

Des manifestants ont hissé des drapeaux de l'OLP en criant : «La normalisation est une trahison». Une vidéo de l’AFP montrent des habitants du village chiite d'Abu-Saiba, près de la capitale Manama, arborer le drapeau palestinien. Cela a poussé le ministre de l'Intérieur de Bahreïn, Rashid bin Abdullah Al Khalifa, à mettre les choses au point : déclarer que «la normalisation des relations avec Israël protège les intérêts de Bahreïn et renforce son partenariat stratégique avec les États-Unis. Ce n'est pas un abandon de la cause palestinienne ... c'est pour renforcer la sécurité des Bahreïnis et leur stabilité économique. L'Iran a choisi de se comporter de manière dominante sous plusieurs formes et est devenu un danger constant qui nuit à notre sécurité intérieure».

Dans le Golfe, les réactions sont mitigées car certains y voient un espoir de paix alors que la déception est grande chez ceux qui exigent avant tout une solution pour leurs «frères palestiniens». Malgré la crainte tenace de l’Iran, les pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe) comprenant l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, Bahreïn, Koweït et Oman hésitent à emboiter le pas aux Émirats car leurs dirigeants sont touchés par le syndrome de Sadate. Ils feignent de ne pas vouloir abandonner la cause palestinienne mais en fait ils ont peur d'être assassinés après une révolution. L’Arabie craint pour la stabilité du royaume et est très sensible au poids de l’opinion publique.

Au Koweït, la population s’est exprimée contre la normalisation et elle incite le gouvernement à prendre en compte sa volonté. Ne voulant pas donner l’impression qu’ils succombent aux pressions de la rue, les dirigeants prétendent attendre l’évolution de la situation et en particulier les actes du gouvernement israélien qui a confirmé que le plan d’annexion des territoires était simplement «reporté». Mais l’avenir économique de leurs pays est en cause car ils n’ont pas diversifié leurs revenus pour ne plus dépendre uniquement du pétrole. Pour cela ils doivent développer le tourisme, la haute technologie et même leur système bancaire. Israël est bien placé pour les aider.

Les Marocains agitent le drapeau palestinien

Reste à savoir si l’Iran ne va pas profiter de la mauvaise humeur des populations arabes pour fragiliser des régimes féodaux. Même des royaumes stables sont touchés à l'exemple du Maroc qui manifeste en masse contre la normalisation. 

 

2 commentaires:


  1. Cher monsieur Benillouche,

    Ne fallait-il pas une grande dose d'optimisme ou même une certaine naïveté pour imaginer qu'un traité de "normalisation" suffirait à mettre fin à la guerre des Chiites contre les Sunnites qui se livre au Moyen-Orient ?
    Force est de constater que les peuples n'accepteront pas la disparition pure et simple des Palestiniens du jeu politique. La guerre continue donc, en dépit des traités - le Liban vient d'en payer le prix fort.
    Et je ne parle pas des conséquences qu'une telle politique pourrait induire sur le front du terrorisme dans les pays européens.

    Très cordialement.

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  2. Je ne sais pas si l'on peut parler aujourd'hui d'une "opinion publique arabe". Il y a "la rue arabe" où "les rues arabes" avec leur coktail d'islam, d'islamisme, d'anti colonialisme, d'antisionisme, d'antisémitisme où les préjugés et la haine sont souvent le carburant.
    Tout change au proche-Orient et les traités entre Israël et des pays arabes vont petit à petit changer la donne.La Ligue arabe ne les a pas condamnés et l'ONU les a salués.
    Les Palestiniens et leurs compagnons de route européens adorent dans leur propagande présenter les cartes ou l'état arabe de Palestine est réduit en peau de chagrin et en confettis.
    Ces cartes ne sont pas la preuve de la volonté d'expansion d'Israël mais l'illustration de l'échec du leadership palestinien corrompu ou islamiste. Une direction palestinienne qui ne s'est pas battue pour son peuple mais contre Israël.
    Les évènements du Liban sont avant tout la fin de la primauté - puis demain - , de la présence chrétienne au Liban. (Le chiffre à suivre étant le pourcentage de chrétiens dans le pays).

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