Le geste d’Erdogan,
(re)transformant la basilique de Sainte Sophie en mosquée est lourd de
signification. Il abroge le choix politique de Mustapha Kemal, en 1935, d’en
faire un musée, en signe du rapprochement vers l’Europe occidentale. Il
confirme le basculement de la Turquie dans une dictature intégriste et
islamiste. Il se présente comme un geste de défi envers le monde occidental,
l’histoire chrétienne de l’Europe. Il renvoie au souvenir de la chute de
Constantinople en 1453, un basculement dans l’histoire de l’humanité considéré
comme la fin du Moyen-âge. Face au triomphe de l’obscurantisme et la montée des
périls planétaires, il marque une défaite morale de l’Europe, de sa culture
imprégnée de civilisation grecque et latine, du christianisme et du temps des
Lumières.
L’histoire ne se répète pas,
elle bégaye comme dirait l’autre. 1453, les déchirements de l’Europe, la
concurrence de ses ambitions dynastiques, Charles VII, Edouard III, les
Habsbourg, l’ont aveuglé et paralysé, détournant son regard de l’essentiel.
L’Europe déchirée, à l’issue de la guerre de Cent ans, n’a pas bougé le petit
doigt pour tenter de sauver Constantinople du siège et de la chute aux mains
des Ottomans. Aujourd’hui idem: l’Europe morcelée, fragmentée, rongée par la
bataille des intérêts égoïstes, la lâcheté, le climat de repentance, la honte
de soi, ses vanités de chefs, n’a pas bougé le petit doigt pour exiger le respect de l’engagement
de Mustapha Kemal.
Il est faux, il est mensonger de
laisser croire que la France seule est en
état de faire peur au dictateur turc. En revanche, il est certain qu’une
coalition de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et de la
Grande-Bretagne – c’est-à-dire de très loin la première puissance planétaire –
permettrait de le faire plier et de sauver une histoire, une culture, une
civilisation, face aux périls qui, à long terme, mettent en jeu sa survie. Nous
payons aujourd’hui le prix d’avoir voulu fonder l’Europe sur un monstre
bureaucratique, impuissant, nourri de procédures, de lâcheté, de pacifisme et
de repentance, plutôt que sur une alliance charnelle de nations libres et
indépendantes partageant désormais le même destin.
Et si la prise de conscience
n’intervient pas rapidement, cette Europe disloquée, désintégrée et impuissante
mourra noyée dans le sang et les larmes de ses habitants.
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