TRAHISON
POLITIQUE ET OPPORTUNISME
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©
Temps et Contretemps
Orly Levy-Abecassis |
Il
était normal d’être impressionné par la fougue d’Orly Levy-Abecassis à prendre
des risques en quittant une place assurée auprès d’Avigdor Lieberman pour se
lancer seule en politique. Elle avait créé son parti Gesher qui avait attiré
des électeurs sensibles à son programme d’une droite sociale affirmée. Malgré
cela, aux élections du 9 avril 2019, Gesher n’a pas dépassé le seuil électoral
et Orly Levy a perdu son poste de députée.
Orly Levy et Amir Peretz |
Elle
avait fait des offres de service à Benny Gantz qui a eu des réticences à l’admettre au
sein de Kahol-Laval comme s’il avait eu prémonition. Elle avait fini par faire le
grand écart en passant d’un parti nationaliste de droite à une alliance avec
les travaillistes. Ce transfert avait d’ailleurs pénalisé la gauche qui a perdu
en chemin plusieurs électeurs déroutés par cette alliance contre nature. En
fait on a découvert après ces élections la fragilité d’Orly Lévy qui n’avait en
fait que la volonté d’obtenir un poste ministériel. Quand elle ne l’a pas eu
avec Avigdor Lieberman, elle l’a quitté. Les chances d’en avoir un avec Benny
Gantz étaient minces donc elle agite la menace de rejoindre le plus offrant.
C’est de la politique à bon marché. Son calcul fut d’utiliser Amir Peretz comme
tremplin pour obtenir un poste de députée, voire plus. Le chef travailliste
s’est fourvoyé car en mélangeant des carottes et des navets, il ne pouvait
faire au mieux qu’une bonne soupe…politique.
Pour
l’instant elle n’a pas annoncé sa décision de rejoindre Netanyahou
pour la constitution d’un nouveau gouvernement car, seule, elle ne lui est d’aucun
secours. Elle persiste à affirmer qu'elle ne veut rien devoir aux Arabes; elle est en désaccord frontal avec son chef de liste. La seule
attitude noble serait de se plier à la majorité ou de démissionner de la
Knesset pour ne pas cautionner une politique qu’elle réprouve. La responsable
de Meretz, Zandberg, avec qui, elle s’est alliée, lui a fait comprendre qu’il s’agissait
d’une décision grave qui engageait l'avenir : «Il est inconcevable de simplement voler la chance de
la gauche de former un gouvernement et de le remettre sur un plateau d'argent à
ceux de droite. C'est l'une des plus grandes trahisons de ma mémoire». Il est certain qu'elle aura déçu plus d'un de ceux qui l'ont soutenue pensant qu'elle avait certes des convictions, mais aussi des principes moraux politiques.
Gonen Segev |
Les
«traitres» en politique gardent durant tous leurs mandats une marque
indélébile qui créé définitivement le doute et la prudence à leur égard.
L’Histoire est pleine d’exemples de trahisons politiques qui se souvent mal
terminées. Médecin, élu député en 1992 sur une liste d’extrême-droite, Gonen
Segev avait quitté son parti et voté en faveur des accords d’Oslo avec la
Gauche, en septembre 1995, permettant au premier ministre travailliste de
l’époque, Yitzhak Rabin, de faire passer au Parlement la seconde phase de cet
accord. Segev n’avait pas agi par idéologie mais par cupidité. Il est en prison
depuis le 9 janvier 2019 pour purger une peine de onze années fermes pour une
autre affaire.
En
1990, le chef du parti travailliste Shimon Peres avait tenté de doubler son
principal partenaire de la coalition nationale, le premier ministre Yitzhak
Shamir, en conspirant avec le parti Shass, dirigé par d'Arie Dhery, pour former
un nouveau gouvernement sans le Likoud. La tentative a échoué lorsqu'un membre
de Shass a refusé d'obéir à la décision de son chef de parti, laissant Peres à
un député de la majorité dont il avait besoin. Peres avait ensuite persuadé
Avraham Tamir, un chef de l'aile libérale du Likoud, de traverser les lignes de
parti en échange de faveurs politiques. Cette décision s'est effondrée lorsque
Tamir n'a finalement pas pu se résoudre à trahir sa maison politique de longue
date. Peres a ainsi perdu sa candidature et Shamir a continué à exercer les
fonctions de Premier ministre jusqu'aux nouvelles élections de 1992.
Cette
stratégie de franchir les lignes de parti et être récompensé n'est pas nouvelle
dans la politique israélienne et porte le nom de Kalanterisme, du nom de
Rahamim Kalanter, un membre du conseil municipal de Jérusalem qui s’est
maintenu dans la coalition après le départ de son parti, le parti national
religieux. Il avait été nommé maire adjoint en retour. Par la suite, il est entré dans l'oubli en n'ayant aucune carrière nationale. De nombreux politiciens
ont suivi les traces de Kalanter ce qui a conduit le gouvernement à la création
du mouvement de surveillance. Un amendement a été apporté à la Loi fondamentale
pour mettre fin au kalantérisme.
Des
règles strictes ont été établies. Si un seul député décide de quitter son parti
ou de voter contre son parti en échange d'un avantage politique, et
si le député ne démissionne pas de la Knesset, alors il ne peut plus se
présenter à nouveau sur la liste de tout autre parti représenté dans la Knesset.
Cela a pour but d’empêcher un député de conclure un accord avec un parti rival
en échange de la promesse d'une place assurée dans la prochaine Knesset.
Si
au moins trois députés, représentant un tiers de leur faction, décident
de quitter un parti, ils seront considérés comme se séparant «légitimement»
et pourront former une faction indépendante ou rejoindre une faction existante.
Ils conserveront également le financement de leur parti. Si la faction
d'origine comprend cinq députés, deux peuvent se séparer.
Dans
le cas actuel, Orly Levy est seule dans sa faction Gesher. Elle peut donc
librement quitter sa liste sans être pénalisée. En ce qui concerne Kahol-Lavan,
qui est constitué de trois entités politiques réunies, Yesh Atid (de Lapid),
Hosen LeIsraël (de Benny Gantz) et Telem (de Bogui Yaalon), la question est
plus simple. La faction Telem, comptant cinq députés, deux d’entre eux, Yoaz Handel
et Zvi Hauser, sont autorisés à quitter le parti sans être pénalisés, pour
rejoindre librement le Likoud.
Pourtant
Benny Gantz avait déjà été échaudé le 19 novembre 2019 puisqu’il avait affirmé «je
ne suis pas premier ministre à cause de Yoaz Hendel et Tzvika Hauser». Malgré cela, il les a maintenus dans sa liste en 2020. Il savait qu’ils n’étaient pas fiables
puisqu’ils avaient déjà trahi Netanyahou. Zvi Hauser était de 2009 à 2013
secrétaire du gouvernement Netanyahou. De 2011 à 2012, Yoaz Hendel était
directeur de la communication du gouvernement Netanyahou. On ignore pour l’instant
s’ils vont rejoindre le Likoud pour lui permettre de constituer un gouvernement.
S'ils se bornent à émettre des critiques, ce seront des frondeurs mais s'ils passent la frontière politiques alors ils seront qualifiés de traîtres pour ne pas avoir démissionné.
La
politique n’est pas une science exacte sinon certaines histoires ne pourraient
jamais avoir lieu. En France Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, unis au départ
vers le même destin, étaient censés rester alliés dans leur conquête du
pouvoir. Le premier était le mentor respecté, soutenu et admiré. Le second était
l’héritier désigné, ambitieux et motivé. Sarkozy a trahi pour Edouard Balladur
et il avait tout perdu si Jacques Chirac ne l’avait pas appelé à nouveau auprès
de lui.
On ignore en Israël qu’elle sera l’évolution
de la situation. Ou bien Netanyahou réussit à compléter ses trois députés
manquants et constitue un gouvernement de droite. Ou bien Kahol-Lavan parvient
à créer son gouvernement minoritaire avec 61 ou 62 députés et le soutien
politique de la Liste Commune dont les membres n’entreront pas au gouvernement,
à l’exception éventuelle de quelques technocrates non politiques. En revanche certains
députés arabes, pourraient obtenir une ou deux présidences de commissions parlementaires. Le but annoncé par Benny Gantz est d’éliminer définitivement Netanyahou
du champ politique. Il pense qu’une fois ce verrou sauté, il sera en
mesure de constituer un gouvernement d’union large avec le Likoud.
Certains ont remarqué une curieuse similitude entre les Démocrates américains (dont le programme électoral se réduit à chasser Trump) et Kakhol-Lavan (dont le programme électoral se réduit à chasser Bibi...)
RépondreSupprimerOn ne peut pas être d’accord avec cet article ! On ne peut pas reprocher à Orly de refuser la traversée du Rubicon !
RépondreSupprimerJamais elle n’acceptera que le destin de l’ Etat- Nation du peuple juif puisse être déterminé par la liste arabe !
Et ceux qui envisagent de pactiser avec ceux qui n’envisagent que la fin d’Israël sont aveuglés par la haine et l’ambition !
On a honte de lire ces divagations ! Ils n’ont pas honte?
Gantz n’a pas gagné ! Il a empêché Netanyahu d’avoir la majorité en raison du système électoral !
Il faut un gouvernement d’union avec Bibi puis Gantz comme Premier ministre !
Comment pouvez-vous reprocher à Orly de défendre , seule contre des enragés , le destin du pays ?
André Simon:Mamou
Tribune juive
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerCe que vous qualifiez de "trahison politique" et d'"opprtunisme" font partie intégrante de la vie politique de tout régime dit démocratique, le principal étant d'être capable de s'emparer du pouvoir, peu importe par quels moyens.
Apparemment, Israël ne déroge pas à cette loi.
Très cordialement.