LA GAUCHE ISRAÉLIENNE EN DÉROUTE ET EN VOIE D’EXTINCTION
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Militants de gauche : Elizabeth Garreaut,Nitzan Horowitz et Eric Setton |
On
ne peut avoir que de la tristesse quand on voit l’effondrement du parti
historique de gauche, le parti travailliste, qui a construit le pays sous la
conduite de David Ben Gourion. Certes la situation est partout pareille dans le
monde occidental. Après une longue période où elle a brillé par sa participation au pouvoir, elle
décline aujourd’hui avec le risque d’une disparition, du moins dans sa
conception actuelle. Loin est le temps où elle triomphait avec des
personnalités charismatiques qui incarnaient véritablement la nouvelle gauche
active, sociale et libérale et qui réussissaient sur le terrain à l’instar de
Lionel Jospin et Emmanuel Valls en France, Tony Blair en Grande-Bretagne, Bill
Clinton aux États-Unis, Gerhard Schröder en Allemagne, et Massimo D’Alema en
Italie.
Cliquer sur la suite pour écouter l'intervention d'Elizabeth Garreault à Judaïques FM
Itzhak Herzog |
Mais
le déclin de la Gauche est devenu général. Elle perd du terrain en France, en
Grèce, en Espagne, en Autriche et aux Pays-Bas et à présent en Israël. En
Allemagne Marin Schulz a perdu toute prétention de remplacer Angela Merkel.
Cependant les mauvais résultats sont souvent dus aux erreurs de casting
des partis qui nomment à leur tête des dirigeants peu charismatiques, voire
controversés. Ce fut le cas en Israël avec Yitzhak Herzog et Avi Gabbay et en France avec
Benoît Hamon. Ce fut surtout le cas de la Grande-Bretagne avec les
Travaillistes qui ont désigné à nouveau Jeremy Corbyn pour conduire les
élections législatives. Tous les observateurs politiques étaient unanimes pour prédire
un naufrage électoral pour le parti mené par un «gauchiste». Il faut
croire que les Travaillistes recherchaient une défaite cuisante pour mieux
renaître de leurs cendres.
En Israël aussi, les Travaillistes avaient laissé Yitzhak Herzog conduire
le parti vers une défaite mémorable. Et ce fut pareil avec son successeur Avi
Gabbay. Les Travaillistes n’ont pas compris qu’il ne s’agissait pas de changer
de leader mais plutôt de changer la totalité du logiciel politique désuet. Le
déclin de la gauche était planifié dans les tablettes. La cause de la
désaffection à l’égard des Travaillistes est consécutive à la place
prépondérante de l’idéologie sur le courage, sur l’innovation et sur le
renouvellement des cadres.
Stav Shaffir |
Ce sont les mêmes vieilles barbes qui tiennent le
parti, monopolisent les fonctions et les postes tout en bloquant l’accès aux jeunes.
La jeune passionaria Stav Shaffir, qui avait émergé de la révolution des
tentes de 2011, a fini par quitter le parti alors que les Travaillistes
israéliens n’ont rien trouvé de mieux que de faire appel à des vieux chevaux de
retour pour muscler leur écurie. Amir Peretz, l’ancien syndicaliste, l’ancien
secrétaire général du parti, l’ancien ministre de la défense a pris les rênes
du parti.
Les jeunes ont été écartés de la gouvernance par le vote des vieux militants qui barrent la route aux jeunes pourtant très dynamiques. L’inertie des
dirigeants de gauche a empêché de trouver des solutions adaptées aux problèmes
de la mondialisation. Avec un esprit sclérosé, ils manquent d’imagination pour
résoudre les problèmes économiques puisque la seule solution choisie a été d’imposer
l’austérité qui frappe les classes sociales défavorisées et moyennes.
Le rêve de gauche s’est estompé avec l’absence de confiance et de
solutions. La gauche n’a pas changé son logiciel politique. Les inégalités se
sont creusées, la protection sociale a été réduite, les riches sont plus riches
et les pauvres plus matraqués. On applique des vieilles recettes inefficaces
qui donnent le sentiment que la Gauche a perdu sa boussole. Elle le paie
d’ailleurs dans les urnes. Elle aurait dû faire appel à de nombreux jeunes qui
n'ont rien espéré de la droite ni des centristes. Le renouvellement de la
classe politique pouvait créer l’espoir. La gauche israélienne s’enfonce dans
l’oubli et elle aura besoin de plus d’une mandature pour se regénérer face à
une droite qui songe déjà à reconquérir sa place perdue après une élection qu’elle
croyait imperdable.
En Israël, le centrisme semble percer pour devenir la seconde structure
politique, voire la première, capable de se hisser au sommet de la pyramide et
de diriger le gouvernement. En attendant, on continue à faire la soupe dans les
vieilles marmites. Le parti travailliste est toujours à la recherche du leader
qui lui permettra de redevenir une force politique d’alternance. Mais peine
perdue, il servira à la rigueur de force d’appoint pour un nouveau gouvernement.
En Israël, l'erreur de la Gauche a été de s'allier avec le très laïc Meretz ce qui a inquiété des militants traditionnels qui ont trouvé refuge auprès des religieux orthodoxes du Shass ou du Likoud à droite, voire par réaction ultime, auprès des partis arabes.
La
Gauche doit inventer de nouveaux concepts politiques car le clivage
droite-gauche a perdu toute pertinence en Israël. Les partis sionistes se rejoignent sur les
problèmes sécuritaires mais les divergences s’expriment surtout sur les
problèmes économiques. Il faut modifier l’orientation du parti mais surtout les
militants pour innover en politique. Certains rêvent à un «Parti
démocratique israélien» de centre-gauche, à la sauce américaine mais il ne
suffit pas de modifier l’intitulé d’un parti pour le mener à la victoire
surtout lorsqu’il faut se battre contre l’extrémisme des sionistes religieux et
des partis orthodoxes. Les gesticulations tout azimut des dirigeants finissent
par donner une impression de désordre. La Gauche s'aligne ainsi sur les
préoccupations sécuritaires de la droite en négligeant les intérêts des classes
défavorisées et reste atone sur les questions économiques qui devraient être
son cheval de bataille.
Ecouter Elizabeth Garreault au micro de Judaïques FM
Elizabeth Garreault, diplômée de Science Politique
et de droit international, anciennement conférencière à la faculté de Droit de
Lyon, est militante active de Meretz à Jérusalem. Elle est membre de différentes
organisations caritatives venant en aide aux personnes vivant en dessous du
seuil de pauvreté, et en particulier aux enfants en danger.
Le résultat des élections législatives a sonné comme un coup de semonce
en Israël. Le sort qui attend la gauche est au mieux l’effacement, au pire la
disparition pour renaître, peut-être, sous une force plus attractive capable d’innovation.
Après la vague rose qu’a connue l’Europe ces dernières années, le jaune,
couleur du libéralisme, s’étend quand il ne s’agira pas demain, tout
simplement, du bleu généralement associé aux partis de droite ou conservateurs.
C'est un nouveau monde qui s'ouvre vers nous, plein de promesses mais la
déception des peuples sera terrible cette fois.
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