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dimanche 15 mars 2020

La Gauche israélienne en déroute et en voie d'extinction


LA GAUCHE ISRAÉLIENNE EN DÉROUTE ET EN VOIE D’EXTINCTION

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
          
Militants de gauche : Elizabeth Garreaut,Nitzan Horowitz et Eric Setton

          On ne peut avoir que de la tristesse quand on voit l’effondrement du parti historique de gauche, le parti travailliste, qui a construit le pays sous la conduite de David Ben Gourion. Certes la situation est partout pareille dans le monde occidental. Après une longue période où elle a brillé par sa participation au pouvoir, elle décline aujourd’hui avec le risque d’une disparition, du moins dans sa conception actuelle. Loin est le temps où elle triomphait avec des personnalités charismatiques qui incarnaient véritablement la nouvelle gauche active, sociale et libérale et qui réussissaient sur le terrain à l’instar de Lionel Jospin et Emmanuel Valls en France, Tony Blair en Grande-Bretagne, Bill Clinton aux États-Unis, Gerhard Schröder en Allemagne, et Massimo D’Alema en Italie.
Cliquer sur la suite pour écouter l'intervention d'Elizabeth Garreault à Judaïques FM



Itzhak Herzog

            Mais le déclin de la Gauche est devenu général. Elle perd du terrain en France, en Grèce, en Espagne, en Autriche et aux Pays-Bas et à présent en Israël. En Allemagne Marin Schulz a perdu toute prétention de remplacer Angela Merkel.
            Cependant les mauvais résultats sont souvent dus aux erreurs de casting des partis qui nomment à leur tête des dirigeants peu charismatiques, voire controversés. Ce fut le cas en Israël avec Yitzhak Herzog et Avi Gabbay et en France avec Benoît Hamon. Ce fut surtout le cas de la Grande-Bretagne avec les Travaillistes qui ont désigné à nouveau Jeremy Corbyn pour conduire les élections législatives. Tous les observateurs politiques étaient unanimes pour prédire un naufrage électoral pour le parti mené par un «gauchiste». Il faut croire que les Travaillistes recherchaient une défaite cuisante pour mieux renaître de leurs cendres.
            En Israël aussi, les Travaillistes avaient laissé Yitzhak Herzog conduire le parti vers une défaite mémorable. Et ce fut pareil avec son successeur Avi Gabbay. Les Travaillistes n’ont pas compris qu’il ne s’agissait pas de changer de leader mais plutôt de changer la totalité du logiciel politique désuet. Le déclin de la gauche était planifié dans les tablettes. La cause de la désaffection à l’égard des Travaillistes est consécutive à la place prépondérante de l’idéologie sur le courage, sur l’innovation et sur le renouvellement des cadres. 
Stav Shaffir

        Ce sont les mêmes vieilles barbes qui tiennent le parti, monopolisent les fonctions et les postes tout en bloquant l’accès aux jeunes. La jeune passionaria Stav Shaffir, qui avait émergé de la révolution des tentes de 2011, a fini par quitter le parti alors que les Travaillistes israéliens n’ont rien trouvé de mieux que de faire appel à des vieux chevaux de retour pour muscler leur écurie. Amir Peretz, l’ancien syndicaliste, l’ancien secrétaire général du parti, l’ancien ministre de la défense a pris les rênes du parti. 
      Les jeunes ont été écartés de la gouvernance par le vote des vieux militants qui barrent la route aux jeunes pourtant très dynamiques. L’inertie des dirigeants de gauche a empêché de trouver des solutions adaptées aux problèmes de la mondialisation. Avec un esprit sclérosé, ils manquent d’imagination pour résoudre les problèmes économiques puisque la seule solution choisie a été d’imposer l’austérité qui frappe les classes sociales défavorisées et moyennes.
            Le rêve de gauche s’est estompé avec l’absence de confiance et de solutions. La gauche n’a pas changé son logiciel politique. Les inégalités se sont creusées, la protection sociale a été réduite, les riches sont plus riches et les pauvres plus matraqués. On applique des vieilles recettes inefficaces qui donnent le sentiment que la Gauche a perdu sa boussole. Elle le paie d’ailleurs dans les urnes. Elle aurait dû faire appel à de nombreux jeunes qui n'ont rien espéré de la droite ni des centristes. Le renouvellement de la classe politique pouvait créer l’espoir. La gauche israélienne s’enfonce dans l’oubli et elle aura besoin de plus d’une mandature pour se regénérer face à une droite qui songe déjà à reconquérir sa place perdue après une élection qu’elle croyait imperdable.
            En Israël, le centrisme semble percer pour devenir la seconde structure politique, voire la première, capable de se hisser au sommet de la pyramide et de diriger le gouvernement. En attendant, on continue à faire la soupe dans les vieilles marmites. Le parti travailliste est toujours à la recherche du leader qui lui permettra de redevenir une force politique d’alternance. Mais peine perdue, il servira à la rigueur de force d’appoint pour un nouveau gouvernement.
               En Israël, l'erreur de la Gauche a été de s'allier avec le très laïc Meretz ce qui a inquiété des militants traditionnels qui ont trouvé refuge auprès des religieux orthodoxes du Shass ou du Likoud à droite, voire par réaction ultime, auprès des partis arabes. 
            La Gauche doit inventer de nouveaux concepts politiques car le clivage droite-gauche a perdu toute pertinence en Israël.  Les partis sionistes se rejoignent sur les problèmes sécuritaires mais les divergences s’expriment surtout sur les problèmes économiques. Il faut modifier l’orientation du parti mais surtout les militants pour innover en politique. Certains rêvent à un «Parti démocratique israélien» de centre-gauche, à la sauce américaine mais il ne suffit pas de modifier l’intitulé d’un parti pour le mener à la victoire surtout lorsqu’il faut se battre contre l’extrémisme des sionistes religieux et des partis orthodoxes. Les gesticulations tout azimut des dirigeants finissent par donner une impression de désordre. La Gauche s'aligne ainsi sur les préoccupations sécuritaires de la droite en négligeant les intérêts des classes défavorisées et reste atone sur les questions économiques qui devraient être son cheval de bataille.

Ecouter Elizabeth Garreault au micro de Judaïques FM

Elizabeth Garreault, diplômée de Science Politique et de droit international, anciennement conférencière à la faculté de Droit de Lyon, est militante active de Meretz à Jérusalem. Elle est membre de différentes organisations caritatives venant en aide aux personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, et en particulier aux enfants en danger. 



            Le résultat des élections législatives a sonné comme un coup de semonce en Israël. Le sort qui attend la gauche est au mieux l’effacement, au pire la disparition pour renaître, peut-être, sous une force plus attractive capable d’innovation. Après la vague rose qu’a connue l’Europe ces dernières années, le jaune, couleur du libéralisme, s’étend quand il ne s’agira pas demain, tout simplement, du bleu généralement associé aux partis de droite ou conservateurs. C'est un nouveau monde qui s'ouvre vers nous, plein de promesses mais la déception des peuples sera terrible cette fois.

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