DÉMOCRATIE À L’ISRAÉLIENNE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Ouverture de la nouvelle Knesset avec peu de présents |
La droite en Israël a été au pouvoir depuis
1977 à l’exception de la parenthèse d’Yitzhak Rabin du 13 juillet 1992 au 4
novembre 1995. Elle a donc raté le coche à plusieurs occasions. Elle aurait pu
modifier les Lois fondamentales qui servent de Constitution en réduisant les
pouvoirs de la Cour Suprême, voire la dissoudre, pour empêcher tout
contre-pouvoir contre la Knesset. Elle ne l’a pas fait. Elle aurait pu décider
d’interdire les partis arabes sous prétexte d’antisionisme ou d’antisémitisme.
Elle ne l’a pas fait. Au contraire les partis arabes ont prospéré pour
atteindre aujourd’hui 15 députés, le troisième parti du pays. Elle ne l’a pas
fait car elle voulait ménager l’avenir et se prémunir contre une éventuelle
dictature qui pouvait abattre la seule démocratie de la région en risquant de
laisser les mains libres à un clan qui s’attribuerait un jour tous les pouvoirs. Cela
était sensé et prudent.
Quinze membres de la Cour suprême |
Ainsi,
depuis 1995, la Cour suprême d'Israël exerce un contrôle intense de la
constitutionnalité des lois dont elle précise les contours et qu'elle utilise
efficacement pour protéger à la fois les droits fondamentaux et les valeurs de
l'État d'Israël. C’est pourquoi on ne comprend pas aujourd’hui que les
décisions de la Cour suprême ne soient pas respectées dès lors qu’on l’a autorisée
à exister légalement. On ne peut pas penser que les 15 membres de la Cour soient tous pourris ou tous "gauchistes"; ce serait désespérer d'Israël. Ils se contentent de dire le droit.
Après
avoir entendu le 22 mars les doléances du groupe Kahol-Lavan, la Cour suprême,
la plus haute instance du pays, a lancé le 23 mars un ultimatum voilé à Yuli
Edelstein. Cinq juges de la Haute Cour ont ordonné à l'unanimité au président de la Knesset
de répondre s'il décidait d’organiser le vote d'un nouveau président de la
Knesset, ce mercredi à 17 heures. Dans leur décision, les juges ont laissé
entendre à Edelstein que s'il ne répondait pas à la proposition et ne donnait
pas son consentement, ils pourraient accepter la pétition et se prononcer
contre lui.
Edelstein |
La
première salve est venue du député d’extrême-droite Bezalel Smotrich. Le ministre des Transports a appelé le
président de la Knesset, Yuli Edelstein, à ne pas se conformer à l'ultimatum
implicite fixé par les juges de la Cour suprême. Il a été suivi le soir par
Yuli Edelstein lui-même qui a rejeté l’injonction de la Cour suprême,
qu’il qualifie d‘ingérence dans les pouvoirs du Parlement. La crise politique
est actée.
La
présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, a justifié sa décision «le
refus persistant d'autoriser un vote complet à la Knesset pour l'élection d'un
président permanent de la Knesset sape les fondements du processus
démocratique». Yuli Edelstein a répondu à la Cour : «Je crois que
l'intervention du tribunal dans le calendrier de la Knesset est une intrusion
sans précédent dans une affaire politique. Je ne suis pas en mesure de
déterminer une date exacte et je déciderai quand le paysage politique deviendra
clair».
Esther Hayut |
L’épreuve
de force a été engagée qui se soldera certainement par la défaite de la
démocratie. Le numéro-2 du régime refuse ouvertement d’appliquer les règles démocratiques
en vigueur : «Si le juge en chef Hayut veut se placer au-dessus de la
Knesset, elle est invitée à arriver au bâtiment avec ses gardes et à ouvrir la
session elle-même. De cette façon, il sera clair que nous assistons à un coup
d'État».
En
plus de remplacer le président du Parlement, Gantz cherche effectivement à adopter une législation qui imposerait des limites de mandat au Premier
ministre (pas plus de deux mandats de quatre ans) et interdirait à un homme
politique inculpé, comme Netanyahou, d'être Premier ministre.
Un
combat de juristes est engagé. Edelstein s'est appuyé sur son propre conseil
juridique pour faire valoir qu'il a le pouvoir discrétionnaire de convoquer le
Parlement, et il a rejeté les allégations selon lesquelles il ferait échec aux
procédures démocratiques. Mais Avichai Mandelblit, le procureur général
d'Israël nommé par Netanyahou, a déclaré à la Cour suprême que les mesures d'urgence contre le
coronavirus ne devraient pas empêcher le Parlement de se réunir et de
s'acquitter de ses fonctions.
Amir Ohana |
Pourtant
lors de sa nomination, le ministre de la justice Amir Ohana avait précisé
que «Nous devons respecter les décisions des tribunaux». Mais il s’est
vite empressé de les fermer pour éviter qu’ils se prononcent sur la culpabilité
ou non de Netanyahou. La présidente de la Cour suprême a fustigé
l'irresponsabilité d'Amir Ohana qui a suggéré que les décisions judiciaires ne
devaient pas toutes être respectées.
Cependant
il est important que la Knesset puisse travailler même au ralenti. La Commission
des arrangements de la Knesset, constituée de 9 députés de l’opposition et de 8
députés de la majorité sortante, a déjà pris des décisions qui préfigurent le
contour de la majorité d’alternance. Les représentants du Likoud ont donc
préféré se retirer en laissant le champ libre à Kahol-Lavan et à ses alliés.
La
Commission a voté en faveur de la création d'une commission temporaire des
affaires étrangères et de la défense, dirigée par le député Bleu-Blanc Gabi
Ashkenazi. Elle a nommé le député Oded Forer du parti Israël Beitenou à la tête
de la commission des finances. Le député Nitzan Horowitz de Labour-Meretz
présidera la commission de l’éducation. En outre, une commission pour éradiquer
la criminalité dans le secteur arabe est mise en place et sera dirigée par le
député arabe Mansour Abbas de la liste commune. Une commission spéciale pour le
domaine du travail et les questions sociales sera dirigée par un parlementaire
de la Liste Arabe Unie. Avi
Nissenkorn sera à la tête de la commission de contrôle. Une commission spéciale Coronavirus a été confiée à Ofer Shelah.
Il
est certain que la perspective d'un gouvernement d’union nationale s'estompe dès
lors que le président de la Knesset, Yuli Edelstein, refuse de s'engager sur
une date pour le vote de son éventuel remplaçant. Les perspectives sont
sombres. Ce sera soit un gouvernement avec le soutien des partis arabes, soit
le recours à de nouvelles élections qui enfonceront le pays encore plus dans le
chaos. Depuis plus d’un an le pays est en roue libre ; la crise économique
est là et chacun des dirigeants joue son va-tout pendant que le coronavirus
rode pour décimer une partie de la population.
La démocratie israélienne n'a jamais été aussi fragile. Les pires prétextes juridiques sont invoqués pour en gripper les rouages. Les accusations lancées contre ceux dont la tâche est de dire le droit sont le signe caractéristique de la montée du fascisme.
RépondreSupprimerLapid veut arriver au poste de Premier ministre !
RépondreSupprimerUn gouvernement d’union Netanyahu puis Gantz sonnerait le glas de ses ambitions .
Il a fait accepter par les trois retraités une alliance avec Israël Beteinou qui exclut les religieux puis une alliance avec la Liste Arabe qui comporte au moins 4 députés communistes arabes !
Jusqu’où descendra Kahol Lavan pour satisfaire Bel Ami ?
André Mamou
Tribune juive