LE NOUVEL ANTISÉMITISME SE PARE D’ANTISIONISME
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Rassemblement contre l'antisémitisme à Paris le 19 février 2019 |
L’Assemblée nationale a adopté le
3 décembre 2019, par 154 voix pour et 72 contre à gauche sur 577 députés, un
texte sans valeur contraignante. La résolution reprend la définition de
l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), déjà validée
par le Parlement européen et 20 pays dont 16 de l’UE. Le texte assimile
l’antisionisme à l’antisémitisme. Si plusieurs députés ont déploré
une «résurgence» de l’antisémitisme, on ne peut pas dire qu’ils ont été
nombreux à se rassembler autour de ce texte, après une réunion houleuse à
l’Assemblée nationale. Les opposants à ce texte craignent qu’il ne soit instrumentalisé pour délégitimer la critique du gouvernement israélien et de l’occupation en Cisjordanie. Encore faut-il savoir à quel antisémitisme on fait
allusion.
L’ancien antisémitisme se rattache à celui d’Europe de l’Est, du début
du XXème siècle, qui s’est répandu dans le continent. Il était inscrit depuis
longtemps de manière intrinsèque dans les gènes européens et a trouvé son
apogée après une mutation qui a conduit à l’avènement d’Hitler, avec pour
conséquence les six millions de morts de la Shoah. Cet antisémitisme classique
reportait sur les Juifs, qualifiés de «parasites», tous les maux de
l’humanité à travers un consensus international. Il a été momentanément rangé
dans les armoires de l’Histoire lorsqu’il a été supplanté par le nouvel
antisémitisme représenté par l’islam radical devenu la bannière de la lutte
contre l’immigration musulmane.
Ce
nouveau concept, émanant de l'islam fondamentaliste, tend à se manifester comme
une opposition au sionisme et à l'État d'Israël mais non pas aux Juifs. Les
antisémites se sont alors démarqués en se cachant derrière leur combat contre
l'islamisme mais ils n'ont pas fait illusion. Avec une certaine orchestration,
plusieurs organisations internationales en ont fait leur cheval de bataille
tout en prétendant cependant qu’elles s’adressaient uniquement à Israël.
Pourtant
cet islam radical est couplé ouvertement avec une résurgence des attaques
contre les Juifs et les symboles juifs conduisant à une banalisation des
croyances antisémites dans les discours publics. En fait, les partisans de ce
nouvel antisémitisme prétendent qu’ils s’attaquent à l'antisionisme et à
l'antiaméricanisme alors qu’il s’agit d’une forme déguisée de l'antisémitisme.
Considérée comme légitime dans un débat, la critique rend triviale la
diabolisation d’Israël sous forme d’exploitation de l'antisémitisme.
Cette
nouvelle vague d'antisémitisme se répand dans le monde en accroissant les
préjugés contre Israël. Alors pour ne pas être en butte aux critiques, nombreux
parmi les ennemis de l'Etat juif sont ceux qui tentent d’accréditer l’idée qu’il y a
une distinction à faire entre antisémitisme et opinions anti-israéliennes. Ils
pensent qu’en supprimant l'antisémitisme, on pourrait supprimer du même coup
les arguments contre Israël. Alors ils se cachent derrière ce nouvel
antisémitisme pour faire croire qu’ils n’adhèrent plus aux attaques contre les
Juifs.
Cela
explique que de plus en plus d’adeptes juifs ou israéliens de Marine Le Pen,
tentés moins par son idéologie que par les mesures radicales qu’elle propose,
justifient leur démarche de rejoindre ses rangs dès lors que le RN fait croire
qu'il rejette l’antisémitisme historique. Les partisans de l'extrême-droite
utilisent l’alibi que l’antisémitisme actuel n’a rien à voir avec celui qui
prévalait du temps des nazis, dans l’entre-deux guerres. C’est évidemment un
leurre bien entretenu par les médias. D’ailleurs l’attentat du Musée juif de
Bruxelles, qui coïncide avec une montée de l’extrême-droite en Europe, est
utilisé comme moyen de détourner l'attention sur l’antisémitisme des partis
nationalistes radicaux fascistes ou néo-nazis.
Les
médias se sont emparés du concept du nouvel antisémitisme pour justifier
l’inquiétude des Juifs soumis aux islamistes dans les pays européens. Alors
pour camoufler leur haine persistante des Juifs, les nouveaux antisémites se
retranchent derrière l’argument que leurs cibles sont en réalité les vagues
d’immigration musulmane coupables de préparer un changement irréversible de la
démographie en Europe. La culpabilité du Juif est momentanément écartée pour ne
pas choquer ceux des nouveaux adeptes encore marqués par la Shoah. Les
Israéliens participent inconsciemment à l’émergence de cette théorie car ils se
refusent à lier ouvertement l’antisémitisme classique contre les Juifs et la
montée des partis d’extrême-droite ultranationaliste en Europe.
Viktor Orban et Netanyahou |
Benjamin
Netanyahou entretient d’ailleurs d’excellentes relations avec des pays de l’Est
dont l’antisémitisme est dans leur Adn. La Hongrie par exemple fait face aux vieux démons de l'antisémitisme. Cependant, Viktor Orban, premier ministre a été reçu en grandes pompes à Jérusalem dans une sorte d'alliance contre l'islam radical.
L’existence de deux types
d’antisémitisme trouve grâce auprès de certains israéliens alors que les
organisations juives refusent de faire un distinguo entre ces deux
antisémitismes, arguant que les conséquences restent néfastes dans tous les
cas. Devant les risques croissants de la pénétration islamiste en Europe,
certains Israéliens seraient tentés de faire leur choix entre une Europe
gangrenée par les Musulmans radicaux et l’Europe antisémite historique qui
semble avoir mis de l’eau dans son vin. Ils minimisent la menace réelle d’une
montée des extrémistes de droite estimant que ces derniers sont les seuls,
selon eux, à pouvoir éradiquer ou freiner l’expansion islamiste.
Alors
que le RN n'a pas changé son idéologie de base, sauf à changer quelques
têtes dérangeantes, l’alliance avec certains extrêmes n’est plus taboue
entraînant de nombreux israéliens à ne pas juger infréquentable le parti de
Marine le Pen sous prétexte qu’ils ont en commun la haine des islamistes
radicaux qui favorisent une poussée de l’immigration vers Israël. Mais cet
argument est éculé car les chiffres de l’immigration sont décevants en ce qui
concerne les pays d’Europe, à l’exception de la France cependant.
Certes
Israël est pris en haute estime par de nombreux pays qui exècrent les
islamistes car c’est le seul pays à les combattre avec force et le seul à les avoir
domptés sur son sol.
L’ancien
et le nouvel antisémitisme constituent les doigts d’une même main. L’un et
l’autre se parent d’arguments qui ne trompent personne car la finalité reste
toujours la haine du Juif et son éradication. C’est un même mal qui ronge
depuis plusieurs siècles des peuples toujours enclins à trouver chez le Juif hier,
et chez l’Israélien aujourd’hui, un bouc émissaire qui explique leurs échecs.
Pour eux «casser de l’Arabe» est une obsession qui trouve, selon eux,
une réalisation concrète en Israël. Mais les nombreux votes négatifs dans les instances internationales montrent que l'Etat juif est seul et ne peut compter que sur ses propres forces.
Lorsqu’ Alain Finkielkraut fut violemment apostrophé par ces mots un certain samedi à Paris : « sale sioniste retourne en Israël, elle est à nous la France. », on peut y comprendre une forme d’antisémitisme outrancière qui rejette la simple idée de l’existence du juif , aussi bien en diaspora qu’en Israël.
RépondreSupprimerEffectivement la haine d’Israël se pare des atouts de l’antisionisme et se rapproche en cela des négationnistes de la Shoah. Il est triste de constater que les 127 signataires opposés au texte voté à l’assemblée soient tous juifs.
Les députés ayant signé cette résolution doivent être remerciés pour leur clairvoyance et leur prise de conscience des prémices des années 30.
Bien cordialement
Deux phénomènes très attristants se déroulent ces jours-ci de manière parallèle. D'une part, moins de la moitié des députés à l'AN ont participé au scrutin pour le vote de la résolution sur l'antisémitisme et l'antisionisme. Un grand nombre de députés du parti présidentiel (LREM) n'ont pas pris part au vote - quelques-uns partagent même les vues de l'extrême-gauche anti-israélienne (et antisémite). D'autre part, une partie des Juifs, et notamment des intellectuels, refusent d'être "confondu avec Israël" ou de réfuter les accusations mensongères et disproportionnées dont il fait l'objet.
RépondreSupprimerPhénomène à relever : 350.000 juifs venant de 150 pays (!) ont "fait leur aliyah" en Israël depuis 10 ans ! Le sionisme se porte toujours bien - en dépit des tensions et des conflits internes qui concernent Israël ces temps-ci.