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lundi 16 septembre 2019

Radio Judaïques : Que devient la diplomatie israélienne



RADIO JUDAÏQUES

QUE DEVIENT LA DIPLOMATIE ISRAÉLIENNE ?

Jacques BENILLOUCHE au micro de Jean CORCOS


Jérusalem ministère AE

  La situation n’a jamais été aussi grave depuis qu’il n’y a pas un ministre en titre. Netanyahou a occupé le poste jusqu’à il y a trois mois pour empêcher de donner une visibilité internationale à un concurrent. On ne peut pas être au four et au moulin surtout qu’il couvrait aussi d’autres ministères. Or les diplomates n’avaient personne pour les appuyer alors qu’ils souffrent d’un manque de budget qui les empêche de mener à bien leur mission. Le salaire des diplomates est figé au plus bas niveau mais également le budget médiocre alloué au ministère, par une décision politique délibérée de Netanyahou.





   Le ministère a un budget de 1,3 milliards de shekels par an soit 325 millions de dollars, presque ridicule pour tous les pays qu’il faut couvrir. Alors on ferme des consulats, celui de Marseille en particulier, et on se prive de diffuser la bonne parole israélienne auprès des étrangers. La résidence de l’ambassadeur avenue Foch à Paris est dans un état de délabrement avancé en raison de l’impossibilité de faire des travaux. L’ambassadeur au Sud-Soudan n’a pas d’argent pour se rendre en avion rejoindre son poste.
    Par ailleurs par le fait du prince, des vrais diplomates de talent ont été écartés ou contraints de démissionner : je ne citerai que deux d’entre eux Yigal Palmor et Daniel Shek. Il y a aussi un problème consistant à mettre à l’écart le ministère pour les décisions sensibles. Les questions importantes en politique étrangère, sont traitées par le bureau du Premier ministre, par le Conseil national de sécurité ou encore par le Mossad ce qui n’est pas motivant pour les diplomates qui préfèrent alors aller dans le privé. Par exemple, c’est le chef du Mossad qui avait annoncé les prochaines relations officielles avec Oman.
Yigal Palmor

  En s’attribuant le poste de ministre des affaires étrangères, Netanyahou a décidé de gérer tout lui-même. C’est un peu comme en France où les affaires étrangères sont le domaine réservé du président de la République. Mais comme il n’est pas en odeur de sainteté en Europe, il a décidé de négliger cette partie du monde pour se focaliser sur les pays de l’Est où malheureusement pullulent les dictatures parfois antisémites. Le problème c’est qu’on ne peut pas négliger l’Europe avec laquelle nous avons de forts échanges commerciaux et une conception démocratique commune. Il est un fait que les Européens sont très critiques vis-à-vis de la politique israélienne avec les Palestiniens et sur la politique de construction dans les implantations. Mais on paie les conséquences de certains voyages mal préparés par le ministère ce qui aboutit à des lacunes ou à des maladresses comme celle de la femme de Netanyahou qui n’avait pas été informée de ce qu’il fallait faire avec le «pain de bienvenue» à Kiev.
   Alors que le parti russophone de Lieberman, désormais son rival à droite, grimpe dans les sondages, Netanyahou fait appel à l’étranger, à Vladimir Poutine en particulier, pour regagner les voix des originaires de l’ex-URSS mais il ne semble pas mordre sur cet électorat.
   Le nouveau ministre des AE, Israël Katz, qui lorgne depuis longtemps sur le poste de premier ministre, n’a pas l’intention de restituer au ministère les domaines d’action qui sont de sa compétence car il ne veut pas faire de vague et n’a pas ce pouvoir. Les affaires politiques, stratégiques et l’information resteront donc l’apanage d’un cercle restreint autour du Premier ministre tandis que les missions du ministère des A.E. seront désormais essentiellement orientées vers l’économie et la promotion du commerce extérieur.

   Il faut pourtant constater un paradoxe assez singulier : la montée de l’antisémitisme va de pair avec une fascination croissante de l’extrême-droite européenne pour Israël en général et son premier ministre. Le phénomène est particulièrement visible dans les pays d’Europe centrale où les partis nationaux-populistes sont au pouvoir, qui plus est dans un terrain historiquement fertile où l’antisémitisme y est séculaire. Ces dernières années, les chefs d’État d’Europe centrale, regroupés au sein du groupe de Visegrad (Hongre, Pologne, Tchéquie, Slovaquie), se sont trouvés des affinités avec Israël malgré le différend avec la Pologne à propos de la Shoah.
    Hormis la Pologne, les trois autres chefs d’État se sont bien rendus en Israël. A son tour le Premier ministre entretien et soigne de bonnes relations avec ces chefs d’État populistes. Il n’a pas manqué de qualifier Victor Orban «de véritable ami d’Israël» alors que dans le même temps, les dirigeants de la communauté juive hongroise le critiquent en raison de son antisémitisme affiché contre Georges Soros.
     Tout le monde y trouve son compte. Israël sous la férule de son Premier ministre, aussi ministre des Affaires étrangères, agit rationnellement. Il pense qu’une forte relation avec ces pays peut constituer un moyen de contrer l’Union européenne afin de réduire les pressions. Et c’est payant car la Tchéquie, la Hongrie, la Roumanie ont bloqué une condamnation de l’UE à la suite du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem.
   Une relation étroite entre ces pays et Israël, leur permet également de profiter du dynamisme de l’économie israélienne et dans une certaine mesure, de se rapprocher de Trump et de sa politique pro-israélienne. On a coutume de dire, dans ces petits pays d’Europe centrale, que pour être invité à la Maison Blanche, il n’y a que deux options, acheter beaucoup de matériel militaire américain, ou compter sur Netanyahou pour qu’il soutienne la demande.

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