COOPÉRATION
SÉCURITAIRE ENTRE ISRAËL ET L’ÉTHIOPIE
Jacques
BENILLOUCHE au micro de Olivier ISSEMBERT
Le
premier ministre, Benjamin Netanyahu, a reçu son homologue, Abiy Ahmed, à
Jérusalem le 1er septembre 2019 pour renforcer la coopération
sécuritaire avec l’Éthiopie, pays stratégique de la Corne de l’Afrique. Depuis
deux ans et malgré l’échec du sommet Israël-Afrique de Lomé (Togo) en 2017,
Israël propose aux capitales africaines ses services dans tous les domaines
(agrobusiness, énergie, sécurité, téléphonie, services en matière d’accès à
l’eau, à l’électricité et à la santé).
Israël compte renforcer sa présence sur le
continent en envisageant de fermer dans les trois prochaines années certaines
représentations diplomatiques à l’étranger (Paraguay, Biélorussie, République
Dominicaine, Irlande, consulat d’Israël à Atlanta et Lettonie) pour en ouvrir
de nouvelles en Afrique.
Israël
cherche à s’assurer des voix africaines aux Nations unies notamment sur la
question palestinienne. Longtemps considéré comme un désaccord insurmontable
entre Israël et l’Afrique, le sort des territoires palestiniens n’est plus
abordé par les chancelleries africaines sous l’angle de la libération
nationale. L’Autorité palestinienne est de plus en plus perçue comme un pouvoir
comme un autre. Mais surtout Israël veut créer des alliances stratégiques sur
le continent pour contrer l’influence iranienne en préparant son retour sur le
continent au prisme de la lutte contre le terrorisme et l’insécurité.
Les
relations d’Israël avec l’Éthiopie sont très anciennes. Dès 1956, avec
l’ouverture de son premier consulat en Éthiopie, Israël a démontré l’importance
qu’il accorde au détroit de Bab Al-Mandeb. Avec l’accès à la mer Rouge et à
l’océan Indien par le golfe d’Akaba, Israël a toujours cherché à devenir un
pont avec les pays développés et se positionne dans plusieurs domaines :
éducation, armée, sécurité. En 1957, les experts israéliens ont pris en charge
la formation de l’armée de l’empereur Hailé Sélassié et la réorganisation de
ses services secrets. Le Premier ministre israélien David Ben Gourion avait
soutenu l’Éthiopie dans le différend qui l’opposait à l’Égypte sur le contrôle
des eaux du Nil. Son objectif était de créer en dehors des pays arabes
limitrophes une ceinture d’États amis, ce qu’il a appelé la «théorie de la
périphérie» focalisée sur l’Éthiopie qui, depuis, n’a jamais quitté le
regard des stratèges israéliens.
Mais
il existe parfois des paradoxes avec les pays africains car onze pays africains
dont l’Éthiopie ont assisté à l’inauguration de l’ambassade américaine à
Jérusalem le 14 mai 2018 alors que lors du vote de la résolution de l’Assemblée
générale de l’ONU du 21 décembre 2017 condamnant la reconnaissance par
Washington de Jérusalem comme capitale d’Israël, les Africains ont majoritairement
voté en faveur du texte.
Le
premier ministre israélien cherche aujourd’hui à renforcer ses relations avec
des pays africains susceptibles de le soutenir dans les institutions
internationales, où Israël est vivement critiqué pour la gestion des Territoires
palestiniens. Chacun y trouve son intérêt dans ces nouvelles relations
sécuritaires. Israël cherche à empêcher l’Iran de s’implanter du côté africain
de la mer Rouge, à partir duquel il pourrait envoyer des armes à Gaza. De son
côté l’Éthiopie voit Israël comme un partenaire sécuritaire potentiel et une
source d’investissement et d’innovation.
Deuxième
pays le plus peuplé du continent avec 107 millions d’habitants, l’Éthiopie
possède l’économie la plus dynamique d’Afrique de l’Est, tout en restant l’un
des pays les plus pauvres au monde. Israël compte environ 140.000 citoyens
d’origine éthiopienne, dont plus de 50 000 nés sur son sol. Le but déclaré de
la visite du Premier ministre éthiopien en Israël est d’obtenir l’élargissement
de la coopération entre les deux pays, notamment dans le domaine de la
cybersécurité. Abiy Ahmed a rencontré également des hommes d’affaires
israéliens désireux d’investir en Éthiopie notamment dans le domaine de
l’agriculture et des télécommunications.
L’Afrique
est consciente qu’elle ne peut pas combattre le terrorisme, seule, ce qui
nécessite de collaborer avec d’autres pays comme Israël. C’est pourquoi l’Éthiopie
veut collaborer en matière de lutte antiterroriste et de développer les
relations économiques entre les deux pays. Addis-Abeba tient à profiter des
technologies israéliennes dans l’agriculture et les projets de développement. Le
terrorisme et l’extrémisme représentent un défi commun pour Israël et pour l’Éthiopie
ce qui nécessite un travail commun pour les combattre.
En
2017, Israël a importé pour plus de 413 millions de dollars de produits
originaires d’Afrique. L’Éthiopie est le premier pays dans les échanges
économiques avec 69,3 millions de dollars.
Sur les relations entre l’Afrique de l’Est et Israël, lire la thèse de doctorat de géopolitique du Dr Anne-Sophie Sebban-Bécache, actuel directrice de AJC (American Jewish Committee) en France.
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