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samedi 27 juillet 2019

Les Marranes du Brésil revendiquent leur judaïsme




Par Jacques BENILLOUCHE
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Mikve au Brésil après restauration

          Le rabbin Haïm Amsellem est connu pour avoir pris position à la fois pour un judaïsme séfarade véritable et moderne, non instrumentalisé par les Lituaniens, et pour une sélection rigoureuse dans les écoles talmudiques pour aider seulement les meilleurs élèves et pour forcer les autres à intégrer le monde du travail. Ses prises de position iconoclastes l’ont poussé à quitter le parti Shass dont il était l’un des députés et à se lancer seul dans le combat politique, avec peu de réussite pour l’instant tant la vindicte est forte à son encontre. Mais en plus de ses activités politiques, il s’est donné pour mission de défendre les Marranes du Brésil, dans le cadre de son nouveau combat pour les intégrer au sein de la communauté juive israélienne.


Marranes

Les Juifs ont vécu en Espagne et au Portugal l’expérience la plus dramatique de l’histoire de la Diaspora. Après quinze siècles de présence dans la péninsule ibérique, ils furent jugés, en 1492, indésirables et obligés, soit de rester fidèles à leur foi et de quitter l’Espagne, soit de se convertir. Cinq ans plus tard, le Portugal à son tour ne donna qu’un seul choix aux Juifs, celui de se convertir au catholicisme sous peine de perdre la vie. Un décret draconien avait interdit aux Juifs de pratiquer leur langue et leurs coutumes, de lire leurs livres sacrés, de prier dans leurs synagogues et de célébrer leurs fêtes. Ils perdirent leurs noms tandis que leurs enfants leur furent enlevés pour être élevés par des Chrétiens.
Isabelle la Catholique

Face à ce changement radical et brutal, beaucoup de Juifs furent souvent poussés au suicide ou à la confusion mentale. La plupart furent contraints d’obéir au roi et de se convertir. Mais de nombreux Juifs résistèrent à l’abandon de leur religion en la pratiquant de manière clandestine avec tous les risques qui en découlaient. Ce sont les Marranes. Ils eurent deux vies, celle publique et l’autre cachée dans le cadre d’un double jeu qui dura 500 ans. Ils étaient devenus de nouveaux Chrétiens.
Les premiers Marranes commencèrent à arriver au Brésil au début du XVIe siècle avec dans leur cœur un judaïsme qui palpite encore aujourd’hui. Le marranisme au Brésil se distinguait de celui d’Europe parce qu’il était situé dans un vaste continent, à proximité de la jungle, avec une différence de climat et une lutte permanente pour la survie. Mais en arrivant dans le nouveau continent, les convertis transportèrent avec eux leur bagage culturel.  Bien intégrés, ils adoptèrent cependant une position critique à l’égard de la religion obligatoire qui les poussa à devenir sceptiques, voire incroyants. Les Marranes n’avaient pas d’autre choix que de quitter le Portugal, en raison des interdictions, pour fuir vers le Brésil, leur seule destination possible. En effet, les navires quittant les ports étaient pilotés par des Marranes ce qui leur facilita l’exil. Les historiens ont constaté d’ailleurs que la population brésilienne était constituée, au XVIIe siècle, aux trois quarts de Juifs.

Engenhos

Le Brésil offrait de nombreuses opportunités d’ascension sociale et politique. Les Marranes firent l’acquisition de terres et de plantations de canne à sucre, les engenhos, défendues par de véritables armées. Cela explique que le Tribunal de l’Inquisition ne s’est jamais établi au Brésil.  Les commerçants accusés d’être judaïsant furent arrêtés mais jamais les propriétaires des engenhos. Ils restèrent cependant toujours des parias, en raison de «l’impureté de leur sang». Certains riches, à l’instar de Miguel Teles da Costa, furent arrêtés et condamnés. Les crypto-juifs qui avaient adhéré à une autre foi, continuaient à pratiquer secrètement leur judaïsme. Ils étaient protégés par leurs puissantes fortunes qui les rendirent indispensables à la couronne et leur permirent d’occuper des postes auprès du Gouverneur. Presque tous les médecins étaient marranes. Quand, au XVIIIe siècle, le marquis de Lavradio fut nommé vice-roi du Brésil, il amena avec lui, comme médecin personnel, le docteur José Henriques Ferreira, accompagné de son père Antonio Ribeiro de Paiva, chirurgien, judaïsant récemment sortis des prisons de l’Inquisition.
En vivant deux vies et deux religions, l’une pénétrant l’autre, le syncrétisme ou la fusion de différents cultes, devint une véritable nouvelle religion. Certains considéraient comme sacré le jour du samedi dédié à l’amour de Notre-Dame et d’autres gardèrent les deux jours, le samedi et le dimanche. Mais il y eu des exceptions dramatiques. Ainsi la modeste Teresa Paes de Jesus, née à Rio fut brûlée à Lisbonne le 16 juin 1720, parce qu’elle croyait à la fois en Moïse et en Jésus. Teresa fut brûlée non seulement pour le fait d’être juive, mais pour son impertinence et son obstination.
Pour les Marranes, la plus grande honte était le fait d’être chrétiens car nombreux furent ceux qui souhaitaient appartenir au peuple juif. Durant les vingt-quatre années pendant lesquelles les Hollandais occupèrent le Nordeste du Brésil, ce retour au judaïsme fut possible. Mais intoxiqués par les doctrines de l’Église, il était difficile aux Marranes d’accepter le judaïsme rabbinique car l’orthodoxie traditionnelle juive était trop stricte à leurs yeux.


Les Juifs arrivés avec les Hollandais tentèrent de convertir les Marranes installés depuis longtemps au Brésil pour qu’ils reviennent au judaïsme. Nombreux furent ceux qui acceptèrent de devenir juifs et intégrèrent la congrégation Zur Israël mais pour beaucoup, le retour fut toutefois impossible. Ils éprouvaient une angoisse extrêmement profonde et ne réussirent pas à s’adapter.
Le plus illustre des Marranes qui vécut au Brésil au XVIIe siècle est le poète Bento Teixeira. Il communiait, confessait et portait soutane, mais il se refusait à donner cours le samedi. Il avait une connaissance profonde du judaïsme, mais il ne pratiquait pas les préceptes judaïques. Connaisseur érudit de la littérature juive, il enseignait la Bible dans la langue du pays. Mais comme d’autres Marranes, il fut arrêté pour être crypto-juif et pour avoir lu des œuvres interdites.
Les Marranes du Brésil avaient hérité de certaines traditions juives : ils enterraient leurs morts couverts d’un suaire, ils ne mangeaient pas de viande de porc et autres aliments interdits, ils allumaient des bougies les vendredis et ils posaient de petites pierres sur les tombes. Durant ces dernières années, les secrets marranes commencent à être divulgués ; on en parle de plus en plus ouvertement, des congrès sont organisés sur le sujet, nombreux sont ceux qui étudient l’hébreu et certains ont déjà visité Israël. Les plus aisés vivent isolés, leurs fils ont été circoncis et ils ont édifié des synagogues privées dans leurs propres résidences. Toute leur famille obéit aux rituels juifs. Toutefois, la majorité des Marranes appartient à la classe sociale la plus pauvre. Actuellement, à Campina Grande, ils prient dans une pièce dont la porte d’entrée est munie d’une mezouzah. Ils ont déjà commencé à édifier une synagogue sur un terrain cédé par un membre du groupe. Le nombre de Marranes augmente avec l’adhésion des Anoussim de toutes les régions du Brésil. Anoussim est le terme employé dans la littérature rabbinique pour désigner les Juifs convertis sous la contrainte à l'islam et au christianisme.
Rabbin Amsellem au Brésil

Les Marranes souffrent depuis plusieurs siècles d’un isolement complet, rejetés jusqu’à aujourd’hui par les orthodoxes qui ne reconnaissent pas leur judaïsme. Ils parlent avec beaucoup d’amour d’Israël qu’ils voudraient rejoindre si l’Agence juive leur donnait le feu vert. Les rabbins ne savent pas comment considérer les Marranes et refusent de prendre leur responsabilité comme l’avait fait le Grand Rabbin Ovadia Yossef avec la reconnaissance des Beta Israël, les Juifs d’Éthiopie.

Le rabbin Haïm Amsellem estime qu’il est temps d’accepter les Marranes comme des Juifs à part entière sans avoir à poser un problème au Grand Rabbinat d’Israël et au Consistoire. Contrairement aux autres rabbins, il veut trouver une solution pour leur retour officiel au judaïsme sachant que de nouvelles communautés marranes ont été découvertes en Sicile, Cuba, El Salvador, Texas et Nouveau-Mexique. Un véritable vivier pour Israël. 
Brith mila au Brésil

Les Marranes ont toujours appartenu au peuple juif et selon la Halakha de Mordechai Elihaou, ancien grand Rabbin Séfarade, les Bnei anoussim n’ont pas d’obligation de conversion. Il faut noter qu’entre l’Espagne, le Portugal, l’Italie et l’Amérique Latine, environ 100 millions de personnes sont descendantes de Marranes. C’est dire le potentiel qui existe pour peupler Israël.  
Maurice Ohana

Haïm Amsellem s’est donné pour tâche d’aider les Marranes à se judaïser légalement car sur le plan pratique ils pratiquent déjà la religion et édifient des synagogues boudées par les autres Juifs. Parce qu’ils sont rejetés par les orthodoxes, il s’est pris pour mission, avec l’aide financière de Maurice Ohana de Shanghai, de se déplacer périodiquement au Brésil pour marier des jeunes, pour procéder à des brith-mila (circoncisions), pour former des responsables de la cacheroute et même de jeunes rabbins. C’est un travail de longue haleine qui est mal perçu par ceux qui sont stricts sur «la pureté du judaïsme». Il est incompréhensible qu’on refuse le retour dans la communauté à des fidèles qui l’ont quittée malgré eux et qui gardent une ferveur juive inébranlable. C’est en fait le combat de tous les Juifs.

4 commentaires:

  1. Évidemment ! Les Bnei Anoussim sont les bienvenus dans la maison d’Israel. Les orthodoxes litvaks comptent, bien sûr, mais ne représentent pas le seul courant du judaïsme malgré ce qu’ils ont subi.

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  2. les marins de Colomb étaient très souvent Juifs. Pas lui, mais ses armateurs oui, par exemple. Et ces gens qui fuyaient l'inquisition ont été rattrapés par les fous de buchers. L'histoire des Juifs, harcelés partout, massacrés souvent, convertis de force

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  3. Le judaïsme déplace sa base européenne, après la Shoah vers les USA et Ia terre d'Israel, a disparu complètement des pays arabes. Le noyau, pour continuer, ne doit pas diluer a toutes les tendances. Une rencontre avec un marrane portugais, qui offrait, par un samedi pluvieux , d'accompagner en auto un fidèle a la synagogue se faire maltraite verbalement. Il y a trop de différences dans les appartenances juives.

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  4. Il y cent millions de marraines ,ce serait stupide et borné ,pour ceux d’entre eux qui le désirent,de ne pas reconnaître leur judaïte
    et surtouts de perdre l’opportunité de renforcer la démographie du peuple juif qui a été décimé par les persécutions
    Belle revanche à prendre sur les bourreaux !

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