Par Jacques
BENILLOUCHE
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David Cazès historien avec un groupe de rabbins et d'étudiants en 1887 |
Les commentaires acerbes à la suite à mon article sur la mort de Béji
Caïd Essebsi prouvent que les Tunisiens cherchent absolument à
occulter le passé des Juifs dans leur pays et à gommer leur présence, souvent
antérieure à l’arrivée des Arabes. Ils veulent réécrire l’Histoire dans une sorte
de fausse justification. En fait ils n’arrivent pas à se convaincre qu’ils ont
raté le coche avec leurs Juifs et par dépit, ils se vengent sur Israël, l’objet
de leur ressentiment. Ils ont provoqué le divorce et ils n’arrivent pas à s’en
remettre quand ils constatent la réussite dans tous les domaines de leurs ressortissants
en France et même en Israël.
Paras français à Bizerte |
La crise de Bizerte, en 1961,
entre la France et la Tunisie, a provoqué le départ massif des Juifs tunisiens
vers Israël et la France. La base navale de Bizerte, dans le nord de la
Tunisie, couplée avec celle de Mers-El-Kébir en Algérie, revêtait une
importance stratégique pour la France. Choisies pour leur emplacement
géostratégique exceptionnel, ces bases verrouillaient les accès maritimes à
l’Europe du Sud et au détroit de Gibraltar. Mais Bizerte demeurait
particulièrement précieuse pour la France en raison de la guerre d’Algérie. La
proclamation de l’indépendance tunisienne, en 1956, selon Paris, ne devait pas
remettre en cause la présence militaire française à Bizerte.
Mais c’était sans compter sur
les Etats-Unis qui avaient décidé d’entrer sur la scène nord-africaine pour que
la France ne soit plus le seul interlocuteur de la région. Le gouvernement
tunisien avait donc esquissé un rapprochement avec Washington, tout en
s’éloignant de Paris qui vivait ses crises parlementaires à répétition. Malgré
l’indépendance de la Tunisie, la France avait choisi de conserver la base de
Bizerte tout en sachant que sa présence devenait un sujet épineux.
Habib Bourguiba (président de la
Tunisie de 1957 à 1987) était confronté à des difficultés politiques internes,
après son entrevue ratée à Zurich, en mars 1961, avec son opposant
irréductible, Salah Ben Youssef, champion du panarabisme. Il avait donc décidé
d’exploiter cette discorde pour améliorer son indice de popularité et pour
calmer les exigences nationalistes de son peuple. Ainsi remit-il le problème
sur la table et exigea du président Charles de Gaulle le transfert de la base
de Bizerte à la Tunisie. Le conflit d’égo des deux monstres politiques ne
pouvait se régler que par les armes par suite des certitudes antagonistes des
deux dirigeants, jaloux de leur souveraineté nationale.
Combats à Bizerte en 1961 |
Charles de Gaulle avait promis
l’évacuation de Bizerte pour février 1962. Il ne pouvait céder face à
Bourguiba, sans affaiblir sa propre position vis-à-vis du Front de libération
nationale algérien. Par ailleurs, le gouvernement français tenait à Bizerte sur
le plan militaire, mais aussi sur le plan symbolique. Cette base avait permis
le rétablissement de l’ordre, après le putsch des généraux d’avril 1961, en
Algérie. Le chef de l’État français refusa la demande tunisienne d'évacuation
de la base de Bizerte avant la date prévue. Elle intervenait dans un contexte difficile entre
l'Algérie et la France car les rebelles algériens bénéficiaient d’un soutien
total de la part des Tunisiens.
Dag Hammarskjöld et Caid Essebsi |
Le 17 juillet 1961, Bourguiba
profita de la visite en Tunisie de Dag Hammarskjöld, alors secrétaire général
de l’ONU, pour faire courir le bruit d’une attaque armée par les fellagas
(combattants) du Nord contre la base aérienne de Sidi Ahmed (toujours à
Bizerte). Il avait mandaté Mahjoub Ben Ali, responsable pour son parti de la
région Nord, d’en faire état. La suite des événements fut dramatique. Sur les
instigations du parti Néo-Destour, le parti de Bourguiba, des milliers de volontaires
affluèrent vers la base. Des tranchées
furent creusées et du matériel lourd déployé par l’armée tunisienne.
Le général de Gaulle fit savoir
qu’il ne céderait pas, tandis que les manifestations et les démonstrations de
force se faisaient de plus en plus virulentes. Le 19 juillet 1961, sept mille
soldats d’élite du 2ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine furent
parachutés sur la base de Sidi Ahmed pour renforcer la défense des
installations françaises. C’est alors que le vice-amiral Amman, commandant de
la base stratégique de Bizerte, reçut alors l’ordre d’ouvrir le feu. Des
combats très violents s’ensuivirent jusqu’au 23 juillet 1961.
La bataille fut lourde en pertes humaines. Environ 27 soldats français et 1.300
Tunisiens y trouvèrent la mort tandis qu’on dénombrait des centaines de
blessés. Le nombre de victimes tunisiennes avait été volontairement minimisé
par les Tunisiens, afin de camoufler leur déroute et l’imprévoyance de leur
gouvernement. L’histoire française de Bizerte s’était donc achevée dans la
douleur et le sang.
La Tunisie décida alors de
suspendre ses relations diplomatiques avec la France ce qui eut des
conséquences directes sur la présence des Juifs en Tunisie. La rupture des
relations compromettait le retour, en septembre 1961, des centaines de
coopérants français chargés de l’enseignement dans les écoles tunisiennes. Le
pays manquait cruellement de cadres d’une part parce que Bourguiba avait imposé
l’éducation pour tous et d’autre part, parce que la politique coloniale avait
bloqué l’élite arabe et l’avait volontairement écartée des universités. Les
écoles risquaient de ne plus pouvoir ouvrir en octobre sans l’aide humaine
française. La menace fut prise au sérieux.
Le conflit franco-tunisien
allait cependant dévier, par la volonté d'Israël, à travers le Mossad (les
services secrets israéliens) vers un problème judéo-tunisien. Le jeune État
d’Israël, peu peuplé, ne devait sa survie et son développement qu’à l’afflux de
Juifs en provenance de l’étranger. Sa raison d’exister, son expansion, sa
croissance et sa sécurité dépendaient de l’augmentation de sa démographie. Mais
peu de candidats juifs choisissaient une vie austère, difficile et pleine de
sacrifices à cette époque. Quelques centaines d’idéalistes sionistes s’y
étaient effectivement installés. Mais une grande partie reprenait le chemin du
retour pour n’avoir pas supporté la rudesse de la vie.
L’alyah, la montée en Israël,
objectif prôné par les vieux pionniers, était devenue une immigration de
nécessité et non un choix librement consenti. Les rescapés de la Shoah et des
pogroms avaient fui l’antisémitisme de leur pays et les conséquences
dramatiques de la guerre mondiale. Les Irakiens, les Yéménites et les Syriens
avaient trouvé un refuge contre les menaces arabes. En revanche, les Européens,
les Américains et même les Africains du Nord coulaient des jours heureux dans
leur pays, en ne trouvant aucune raison de le quitter.
Les plages de Tunis |
Mais les Juifs avaient tendance
à réagir par instinct dès qu’ils sentaient leur sécurité remise en question. Les
conséquences de la Shoah les avaient convaincus qu’ils devaient anticiper le
danger pour ne pas se trouver sans défense. Aucun danger ne se profilait
pourtant à l’horizon tunisien puisque le conflit de Bizerte concernait la France.
Le départ des Français ouvrait de nouvelles opportunités. Les Juifs avaient des
situations établies dans le pays et le retrait de la France leur avait ouvert
des postes dans l’administration d’où ils étaient exclus auparavant, à l’époque
coloniale. Ils contrôlaient l’économie et occupaient les fonctions clés dans les
hôpitaux, dans les banques et dans l’enseignement. Ils étaient majoritaires
dans les professions libérales. Une vie insouciante s’offrait à eux dans le
cadre de conditions matérielles aisées. Ils ne souffraient d’aucun
antisémitisme d’État. Ils bâtissaient même des projets dans un pays déserté par
les cadres coloniaux rapatriés en France.
Mais Israël décida de les
secouer et de les impliquer à sa manière, dans le conflit franco-tunisien, où
ils n’étaient pas partie prenante. Il chercha à mobiliser la population juive,
puis à créer un début de panique pour la sortir de son inertie devant des
évènements qui la laissait indifférente. Il devait susciter un danger potentiel
en l’inventant de toutes pièces. Sous prétexte des troubles, un agent du Mossad
fut envoyé à Bizerte pour pousser les 1.200 juifs à faire leur valise. Des
informations bien distillées leur ont fait comprendre que leur vie était en
danger et qu’après le départ des Français, les Tunisiens procéderaient à des
pogroms pour les punir de leur passivité devant les armées françaises. Toutes
les voitures des Juifs avaient ainsi été réquisitionnées pour leur transfert dans
un premier temps à Tunis, puis, plus tard, vers Israël. Le bruit s’était
répandu que les Juifs seraient accusés de complicité ou d’espionnage pour le
compte de la France. Alors la peur se fit sentir jusqu’à Tunis, d’abord auprès
des étudiants puis vers toute la population juive.
Des informations alarmantes se
propagèrent parmi les Juifs. Des tracts arabes, souvent des faux fabriqués par des
personnes bien intentionnées, incitaient les autorités militaires à mobiliser
les jeunes Juifs par solidarité avec le peuple tunisien, afin de tester leur
civisme sachant que, de toute façon, ils n’accepteraient jamais de combattre la
France, leur patrie d’adoption. Des rumeurs se propagèrent que des Juifs
avaient aidé les troupes françaises. Le gouvernement prit par ailleurs des
mesures pour remplacer les coopérants français par les étudiants juifs, venus
en vacances, qui seraient empêchés de rejoindre les universités françaises.
Toutes ces mesures répercutées
par les agents du Mossad entraînèrent une panique générale chez les Juifs pour
les pousser à quitter le pays, de préférence vers Israël. La boucle était
bouclée. Les Juifs développèrent le syndrome d’encerclement et d’étouffement. Tant
que la France campait à Bizerte, ils pouvaient bénéficier d’une garantie et
d’une assurance contre toute éventuelle exaction de la part des arabes.
Malgré la douceur d’une vie agréable
tunisienne, les Juifs, qui étaient au nombre de 110.000 en 1947, décidèrent
donc de s’expatrier en masse en deux vagues qui avaient choisi de s’installer
en Israël ou en France de 1948 à 1956. Plus de 5.000 Juifs donnèrent le signe
du départ dans le seul dernier trimestre 1961. Les délégués de l’Agence juive
israélienne, tolérés en Tunisie dans leurs fonctions au grand jour, se voyaient
débordés de demandes d’émigration. Après le départ des principaux responsables
en 1952, ils avaient été démantelés mais reconstitués en 1955, sous une forme
clandestine par le Mossad et son bras armé, connu sous le nom de «Misgeret» avec
l’aide de nombreux jeunes Juifs triés sur le volet. La ruée vers le pays des
ancêtres était amorcée.
Shlomo Havillio et sa femme |
L'année suivante, à Jérusalem,
les Juifs tunisiens chantaient le soir de la Pâque la chanson devenue réalité.
Le Mossad avait réussi là où l’Agence juive avait échoué. Les Juifs tunisiens
n’avaient aucune raison de quitter leur pays mais l’intoxication avait réussi à
les convaincre de la nécessité du départ. Shlomo Havillio, commandant en chef
du Misgeret à Paris entre 1955 et 1960 et responsable des opérations au
Maghreb, a admis plus tard : «Les
craintes initiales à propos d’éventuelles réactions des nationalistes tunisiens
à l’égard des Juifs étaient beaucoup plus imaginaires que réelles. La seule
crainte pouvait venir de la présence de révolutionnaires dans la société
tunisienne après l’indépendance».
Dans ce contexte, les dirigeants du Néo-Destour, bien
qu’opposés au sionisme, n’ont rien fait pour empêcher le départ des Juifs de Tunisie.
Ainsi Habib Bourguiba avait déclaré en août 1954 : «Les Néo-destouriens
s’opposent entièrement à l’antisémitisme et à la discrimination envers les Juifs
de Tunisie. Le gouvernement tunisien et les Néo-destouriens feront tout pour
assurer le bien-être des Juifs, mais si certains Juifs préfèrent émigrer pour
telle ou telle raison en Israël, nous ne leur ferons aucune difficulté». Après
Bizerte, il ne restait plus qu’une trentaine de milliers de Juifs à Tunis. Ils
prendront eux-aussi le départ vers l’exil après l’incendie de la synagogue de
Tunis au lendemain de la Guerre de Six-Jours. Les derniers quittèrent leur pays
quand la guerre de Kippour fut lancée.
Juif de Djerba |
Aujourd’hui la Tunisie
compte à peine 1.500 Juifs sur les 110.000 qui y vivaient au début du XXe siècle,
la plupart vivent dans l’île de Djerba. La crise de Bizerte, du 19 au 23
juillet 1961, a été le catalyseur du départ des Juifs de Tunisie qui avaient
misé sur l’indépendance de leur pays et sur le renouveau de son histoire.
Israël avait remis en cause toutes les certitudes d’une vie juive dans les pays
arabes.
Ce que je ous racontez est d'une gravité extrême, à savoir c'est le mossad qui a manipule la communauté juive de Bizerte pour la pousser à quitter la Tunisie et émigrer en Israël,, à es vous des preuves de ce que vous avancez car si cela est vrai cela voudrait dire que le peuplement juif de l'état d'Israël à été bâti sur le mensonge et lintox,, j'ai bien du mal à y croire car étant originaire de Bizerte je peux vous dire que lors de la guerre de Bizerte la population Arabe a rejeté dans le même camp la population juive Tunisienne et la population européenne et à menace de s'en prendre aux juifs après le départ des français,, il ne restait plus aux juifs qu'à faire leur valise et abandonné leur pays natal
RépondreSupprimerBonjour, la propagande de Bensoussan tourne en ridicule l'idée que le Mossad et la "miserez" serait venue intimider les Juifs du Maroc pour les pousser à s'exiler en Palestine.
RépondreSupprimerSi selon vous, c'est ce qu'il s'est produit pour la Tunisie, est-ce possible pour le Maroc ?