LE PARTI TRAVAILLISTE ISRAÉLIEN CHOISIT LE DÉFI ET
LE RISQUE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Peretz - Barak |
Le parti travailliste dirigé par Amir
Peretz a pris de sérieux risques, d’abord en intégrant une candidate issue de
la droite sociale, Orly Levy-Abecassis, puis en refusant la fusion de sa liste
avec celle du Meretz et du parti démocrate d’Ehud Barak. Mais il lance en même
temps un défi à la gauche pour prouver qu’il est capable de draguer des voix
généralement dévolues à la droite. Pour cela, les deux originaires du Maroc
adoptent une démarche claire ; ils s’affichent comme les représentants de
la classe ouvrière et surtout des populations séfarades.
Il est un fait que le Likoud de 1977, dirigé par Menahem Begin,
avait attiré à lui tous les Marocains qui avaient été écartés de la gouvernance
en raison de la discrimination qui régnait à leur égard. Leur position sociale
ne les destinait pas normalement à un parti de droite mais ils y ont pris
racine parce que Begin avait su en faire des alliés. Le parti Mapaï représentait l’élite
ashkénaze de l’époque. Or, Peretz sait qu’il existe au Likoud un vivier d’électeurs
qui votent par habitude plutôt que par conviction. Et quand on voit les listes
actuelles de candidats de droite, on constate qu’aucun effort n’est pour donner
une représentation équilibrée de la population séfarade.
C’est une lourde tâche à laquelle s’attelle le nouveau
couple iconoclaste, avec le risque de
ne plus exister en ne passant pas le seuil électoral de 3,25%. De toute façon,
en prenant la tête d’un parti en perdition, Peretz savait qu’il avait une
mission impossible. Alors il tente le tout pour le tout, retourner chez lui à
Sdérot ou être le faiseur de roi, ou plutôt de premier ministre. D’une certaine
manière il reste logique dans sa stratégie; certains électeurs n’auraient jamais
rejoint un groupe qui comprend le Meretz, l’épouvantail «gauchiste» à leurs
yeux. Or le centre ne pourra parvenir au pouvoir que s’il puise dans le vivier
électoral de la droite en mettant en avant, avec Orly Levy, les questions sociales qui
ont été éludées aux dernières élections par le gouvernement actuel.
Le coût de la vie, les problèmes de santé, le logement
représentaient le cheval de bataille d’Orly Levy et elle ne dépareille pas
auprès de Peretz. Elle n’a pas réussi en avril 2019, non pas à cause de ses
idées, mais par manque de financement pour diffuser son programme électoral. Une
campagne électorale nécessite beaucoup de fonds. Par ailleurs Peretz vise les 153.000
voix qui s’étaient portées sur Moshe Kahlon, retourné à son parti d’origine. Ces
voix de Koulanou, les déçus de l’alliance avec le Likoud, ne pouvaient pas intrinsèquement
se reporter sur le parti allié des Arabes.
Manifestation des Ethiopiens |
Par ailleurs les Ethiopiens qui votent en masse pour le
Likoud, ces laissés pour compte de la société israélienne, ont été choqués par
la perte de deux des leurs, tués par la, police. Leurs voix se sont libérées et peuvent être captées
par un représentant des classes défavorisées.
L’Union démocratique est un parti éclectique qui
ressemble à un attrape-tout en voulant représenter l'ensemble du spectre politique du
pays avec un général, un homosexuel et une jeune passionaria. Mais Nitzan Horowitz, Stav Shaffir et Ehud
Barak sont des Ashkénazes laïcs du monde tel-avivien. Ils représentent un
repoussoir culturel et idéologique pour les ouvriers des zones périphériques.
Rien ne peut les attirer. De son côté, Peretz qui vit à Sdérot l’a compris ;
ils font partie d’un autre monde et pour cette raison il a refusé la fusion
avec Meretz. Ses amis des villes de développement, de Yeruham et Dimona par exemple, ne peuvent
se retrouver que dans un parti avec lequel ils partagent leurs intérêts.
Dôme de fer |
Si ce couple détonnant réussit,
alors tout leur sera ouvert ; le ministère de la santé pour Orly Levy et
la présidence de l’État pour Amir Peretz. Le père du Dôme de fer, l’aura bien
mérité au terme d’une vie politique dense. Mais il devra surmonter les crises
qui touchent tous les partis socialistes dans le monde. Le parti français est
en déroute au profit des sociaux-démocrates d’Emmanuel Macron. Le parti
travailliste anglais perd ses plumes avec des militants qui rejoignent le parti
libéral. Le parti social-démocrate allemand a été absorbé par les Verts. Il n’y
avait aucune raison pour que le parti travailliste israélien ne subisse pas les
mêmes aléas avec en plus le problème récurent du ressentiment séfarade à l’égard
de l’élite ashkénaze. Ce problème n’a jamais disparu et il gangrène encore le
pays, sauf à l’armée.
Pauvreté |
En revanche Orly Levy sait que son électorat ne plane pas
dans les hautes sphères intellectuelles après avoir été abandonné sur le bas-côté
et qu’il vise l’amélioration de sa condition de vie en dehors de toute question
culturelle. Amir Peretz a relevé le défi qu’il s’est donné : «Si j'avais
décidé d'aller avec Meretz, je me serais senti plus à l'aise. Le chef d'un
parti sûr avec 8-10 sièges. Nous avons choisi le chemin difficile». Sa stratégie pourrait être payante.
Mais certains, souvent parce qu’ils
ont peur de leur nuisance, accusent Peretz et Levy-Abecassis d’être des sous-marins
à la solde de Benjamin Netanyahou pour lui servir d’appoint pour sa coalition. C'est une accusation grave mais en politique, tout est possible sauf l’impossible.
"accusation grave" peut-être mais vu le précédent d'avril où Gabaï a failli céder, je connais pas mal de travaillistes qui ne prendront pas le risque cette fois ci et voteront "Union Démocratique".
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