LA COURSE CONTRE
LA MONTRE DE NETANYAHOU
Par Jacques
BENILLOUCHE
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La
loi sur la Knesset est précise. Benjamin Netanyahou doit présenter son
gouvernement avec mercredi 29 mai à minuit. Pour l’instant, il ne dispose pas
de majorité. 60 députés le soutiennent après le refus d’Avigdor Lieberman de
rejoindre la coalition. Le premier ministre peut fonctionner certes avec un gouvernement
minoritaire pour des textes secondaires à la majorité simple des présents. Mais
certaines lois exigent une majorité de 61 voix pour être adoptées ce qui limite
la marge de manœuvre de Netanyahou.
Machiavel |
Dès
mercredi minuit, le président de l’État doit être informé que le premier
ministre en charge n’a pas réussi à constituer une coalition. Dans ce cas,
Réouven Rivlin a le pouvoir de désigner un autre député du parti Likoud ;
on songe beaucoup à Gideon Saar, l’opposant résolu au sein du parti. Il peut
aussi proposer à Benny Gantz, chef du parti d’opposition Bleu-Blanc, de former
son propre gouvernement. Mais Netanyahou
veut faire obstacle au scénario d’une désignation d’un autre candidat que lui,
a fortiori de la désignation de son adversaire le plus déterminé, Saar, dans
une sorte de moi ou le chaos.
Il doit donc prendre de vitesse
le président Rivlin en décrétant la dissolution de la Knesset par une loi votée
à la majorité de 61 députés. Avigdor Lieberman qui a refusé de donner ses cinq
voix pour une coalition a accepté de se joindre au vote de la dissolution, acquise
à une majorité de 65 sièges. Les députés, perdant de ce fait leurs fonctions,
ne peuvent plus être sollicités pour constituer une nouvelle coalition et les
pouvoirs du président se trouvent bloqués. De nouvelles élections doivent donc
intervenir dans les 90 jours. Compte tenu du système électoral à la
proportionnelle intégrale, il n’est pas certain que le résultat soit
foncièrement différent de celui du 9 avril 2019.
Mais toutes les candidatures
pouvant être remaniées, certaines listes qui avaient été éliminées pour ne pas
avoir franchi le seuil de 3,25%, pourraient être autrement considérées par les
électeurs et donc passer. En revanche, des micro-partis de 4 ou 5 députés risquent
d’être sanctionnés et disparaître de la nouvelle Knesset et des partis
qui s’étaient présentés de manière autonome pourraient décider de fusionner
pour prétendre au minimum exigé. D'ailleurs, le Likoud et Koulanou, qui a dépassé de
justesse le seuil électoral, ont d’ores et déjà signé un accord de fusion.
Le flou restera total et l’on
voit mal comment les électeurs pourraient se déjuger à quelques mois d’écart.
Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Le premier ministre est dans son
droit de dissoudre moins de deux mois après le vote des électeurs et le
prononcé du serment des députés. Plusieurs partis (Likoud, Avoda, Meretz, Union
nationale et partis arabes) organiseront des primaires. Il n’existe pas de
primaires pour Bleu-Blanc, Israël Beitenou, Shass et Judaïsme unifié.
Il est certain que d’autres
solutions auraient pu être trouvées. Le parti Bleu-Blanc avait proposé une
union nationale avec le Likoud mais sans la participation de Netanyahou. Des
rumeurs avaient couru que des «frondeurs» du Likoud, sous la conduite de
Gideon Saar étaient prêts à rejoindre Benny Gantz. Mais c’était sans compter
sur l’acharnement de Netanyahou à empêcher tout rapprochement entre eux, au
prix d’ailleurs de 554 millions de dollars, le nouveau budget des élections
avec les conséquences économiques d’une nouvelle journée de congé payé, le jour
du vote.
De nouvelles élections ne
bloqueront pas les procédures judiciaires contre le premier ministre puisqu'aucune loi d’immunité ne peut être votée en l’absence de gouvernement.
A l’instant où ces lignes sont écrites, tout est encore ouvert et toute
surprise n’est pas impossible à quelques heures du délai imparti, bien que chacune
des parties reste sur ses positions intransigeantes. Le suspense pourrait être dénoué
par une décision de dernière minute d’Avigdor Lieberman.
Mais quoiqu’il arrive,
des traces de ce bras de fer subsisteront et pèseront sur les relations au sein
d’une éventuelle nouvelle coalition. Le pays aurait pu se passer de ces
péripéties alors que le danger rode aux frontières, que des décisions
politiques sont imminentes de la part des États-Unis et que l’Europe notre
principal partenaire est en recomposition totale.
On ne peut s’empêcher de se
demander comment ce qui était considérée le 9 avril comme une victoire
éclatante de Netanyahou a pu se transformer en un fiasco pareil par le seul
fait de l’imprévisible Avigdor Lieberman. La constitution du gouvernement ne devait être qu'une formalité rapide. Mais Netanyahou a choisi lui-même sa
propre route qui n’est pas sans danger. Comme le dit le Livre «La fierté va
avant la destruction, un esprit hautain avant une chute».
Aucune loi de dissolution de la Knesset en cas de non-obtention de coalition par le premier candidat indiqué par le Président ne devrait pouvoir être votée tant que le processus légal prévu n'a pas été intégralement appliqué. Il est trop aisé de bloquer ainsi des pouvoirs pourtant prévus en période de transition gouvernementale. C'est une faille de légalité constitutionnelle dans le système israélien et c'est une offense à la démocratie sous des semblants de démocratie... Diabolique!
RépondreSupprimerMême avec un accord de dernière minute, Bibi est mal barré, il sera désormais très difficile pour lui de faire passer sa loi sur l'immunité qui somme toute est la seule raison qui le motive à procéder à ces manoeuvres pour rester au pouvoir.
RépondreSupprimerAh, Avigdor Lieberman ! Autant que je m'en souvienne, sur Slate - était-ce en 2012, ou en 2013 ? - j'avais intitulé un commentaire à l'un de vos articles : "Avigdor Lieberman : le Dark Vador de la vie politique israélienne" !
RépondreSupprimerL'espoir des ennemis d'Israel; un gouvernement paralyse, la grande victoire électorale de Lieberman avec seulement 5 deputes+ un programme anti-Yeshiva. Le rêve de ceux qui haïssent le projet sioniste et la Diaspora. semble se concrétiser.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerIl paraît que les députés ont voté une dissolution.