ISRAËL ANTICIPE LE
NOUVEAU RISQUE AVEC L’IRAK
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Les frappes contre les bases
iraniennes en Syrie s’expliquent certes par la nécessité de détruire, autant de
possible, l’armement qui est délivré de manière quotidienne aux milices
iraniennes, en fait des mercenaires, et surtout au Hezbollah. Mais elles ont aussi pour objectif d’avertir Bachar
Al Assad qu’Israël ne tolérera pas sur le sol syrien les 10.000 miliciens
pro-iraniens, rassemblés à la frontière irakienne, qui se préparent à envahir
le sol syrien, sur son ordre. Leur traversée de la frontière serait un casus
belli.
Abou Mahdi Al-Muhandis |
Le nouveau chef d’État-major, Aviv Kohavi, est donc confronté à une
nouvelle donne sécuritaire. Ces mercenaires, sous le commandement d'Abou Mahdi
Al-Muhandis, irakien d’origine iranienne, appartiennent à l’Unité de mobilisation
populaire irakienne (PMU), plus connue sous le nom de milice Hashd Al-Shaabi.
Ces miliciens en majorité chiites, organisés et contrôlés par Kassem Soleimani,
commandant de la Force Al-Quds du Corps des Gardiens de la révolution, piaffent
d’impatience pour en découdre avec Israël.
Hasd Al-Shaabi à la frontière irakienne |
Les Hashd al-Shaabi regroupent 60 à
70 milices chiites, sunnites, chrétiennes, yézidies et shabaks. La grande majorité est
composée de brigades chiites armées et financées par l'Iran et épaulées par des
conseillers militaires iraniens. Proches du guide de la Révolution Ali
Khamenei, elles ont pour objectif d’instaurer en Irak un gouvernement islamique
chiite.
Tsahal a déjà défini sa stratégie, fondée sur la force et l’anticipation,
face à des troupes prêtes à être envoyées en Syrie pour renforcer les forces
iraniennes. En plus de ces mercenaires, l'armée irakienne a posté dans
les zones frontalières deux brigades, composées chacune de 3.000 à 5.000
hommes.
Il était urgent de faire comprendre à ces éléments venus d’Irak qu’ils ne
seraient pas en sécurité sur le sol syrien car l’aviation israélienne les bombardera
sans répit, malgré les mises en garde russes. Tsahal ne peut prendre aucun
risque quand sa sécurité est en jeu.
Forces irakiennes rassemblées au poste frontière d'Al Quaïm |
Pour l’instant, Israël n’est pas directement menacé par ces miliciens parce
qu’ils ont été appelés en renfort par les Iraniens pour éradiquer les derniers
bastions de Daesh dans les provinces de Homs et de Deir ez-Zor. La Syrie craint
de plus en plus que les terroristes de Daesh ne puissent rééditer l'offensive
de 2014. Mais une fois cette grande offensive terminée, Hashd al-Shaabi
pourrait s’installer définitivement en Syrie pour prêter main forte au Hezbollah. Assad sait pourtant qu’il court un danger avec ces éléments incontrôlables mais il a besoin de cet
appoint militaire, nécessaire pour assurer la sécurité des points de passage
entre l’Irak et la Syrie.
Il feint d’ignorer que l’Iran à d’autres visées sur la région avec la
réouverture de l’autoroute qui relie Damas à Bagdad pour faciliter l’acheminement
par terre des armements à toutes ses milices alliées. Il est prévu que cette route
soit aussi utilisée par les forces russes qui envisagent de construire une base
militaire à proximité des installations américaines en cours d’évacuation.
Les unités d’Hashd al-Shaabi sont informées qu’elles pourraient être prises
pour cibles par Israël et cela d’autant plus qu’elles ont été officiellement
reconnues par le Parlement irakien après avoir joué un rôle majeur dans la
lutte contre Daesh. Le premier ministre irakien Adel Abdel-Mahdi a confirmé que ces milices font officiellement partie des Forces armées irakiennes. Ainsi cela donne une raison majeure à Tsahal d'attaquer ces unités, même en Irak, si
le danger devenait pressant.
Fateh-110 |
Mais un autre danger se préparait à l’horizon. Les services de
renseignement avaient établi que des missiles Fateh-110, opérés par la Garde révolutionnaire iranienne, étaient pointés sur le
Golan avec des lanceurs installés au sud d’Al Kisweh. Le général Qassem Soleimani a donné lui-même l’ordre
de tirer un missile chargé d’une ogive de 250 kg et d’une portée de 300 km pour
tester la défense israélienne. Le Fateh-110 a été intercepté par le système de
défense aérienne Dôme de fer. L’urgence était donc pour Tsahal de viser les
batteries de missiles.
Frappe israélienne |
Les frappes ont fait plus de
21 morts dont 12 Gardiens iraniens de la révolution et de nombreux mercenaires
étrangers ainsi que 4 soldats syriens. Tsahal avait pris pour cible des sites
de stockage militaire de munitions et un camp d'entraînement militaire iranien
dans une zone de l'aéroport international de Damas. La propagande syrienne a
précisé que les défenses anti aériennes de l'armée d'Assad avaient détruit
plus de 30 missiles de croisière et des bombes guidées lors des frappes
aériennes israéliennes. Cette information n'a pas été confirmée par Israël.
Système Raad |
Tsahal a tiré un enseignement de
ces frappes car il est certain à présent que les Syriens disposent de systèmes
iraniens Raad de défense anti aérienne. Les bombardements israéliens avaient
pour but de les détruire pour les empêcher d’atteindre le Liban car ce transfert modifierait fondamentalement la menace au Nord.
Israël voulait aussi tester sa
propre défense anti aérienne. Pour cela, il a poussé Soleimani à utiliser l’un
de ses Fateh-110 qui a été immédiatement détruit par Dôme de fer ce qui
représente un échec cuisant. Aviv Kohavi, à peine arrivé à son nouveau poste,
est en train de peaufiner sa nouvelle stratégie vis-à-vis de l’Iran mais aussi
de l’Irak qui semble de plus en enclin à s’insérer dans le conflit avec Israël.
Mais ces frappes contre l’aéroport de Damas, qui semblent laisser sans
défense la Syrie, engendrent des nouvelles menaces. L’ambassadeur syrien à l’ONU, Bashar Ja'afari,
menace de bombarder l'aéroport Ben Gourion, en «pratiquant son droit
légitime de légitime défense si le Conseil de sécurité des Nations unies
ne mettait pas fin aux attaques répétées israéliennes dans le pays». Tout est
probable et il ne faut pas minimiser ce risque dont Tsahal doit tenir compte. Mais Israël
dispose aujourd’hui du nouvel aéroport Ramon près d’Eilat qui peut servir
immédiatement d’aéroport de secours.
Comme l'a dit l'ancien chef d'État major en parlant du Hamas : A combattre un ennemi faible on s'affaiblit. Vu les menaces redoutables auxquelles doit faire face Tsahal au nord, on peut être rassuré sur sa maîtrise de la situation et son excellence.
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