MAHMOUD ABBAS SENT LA SITUATION LUI ÉCHAPPER
Par Jacques BENILLOUCHE
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Délégation du Hamas au Caire |
Le
président Mahmoud Abbas panique devant une situation politique qui le dépasse
et qu’il ne contrôle plus. Son navire fuit de toutes parts et l’axe de sa direction
est brisé. Il craint que le Hamas ne signe seul un pacte de trêve avec Israël
et il menace d’imposer des mesures punitives à la bande de Gaza s’il était
signé. Selon un haut dirigeant du Fatah, le président palestinien a confirmé,
lors d'une séance à huis clos, qu'il ne permettrait pas au Hamas de signer une
trêve avec Israël sans son approbation.
Saëb Erakat, secrétaire
général du Comité exécutif de l'OLP, avait révélé le 25 août qu’une délégation
palestinienne dirigée par le Hamas prévoyait de signer une trêve parrainée par
l’Égypte. Cependant le problème reste que l'OLP est une organisation représentant
la plupart des factions palestiniennes, à l’exception du Hamas, et qu’elle se
considère comme seule négociatrice officielle au nom des Palestiniens. Erakat a déclaré que la
monopolisation par le Hamas d'un accord avec Israël détruirait les efforts
visant à l’unification du Hamas et du Fatah.
En cas de signature d’un protocole sans
l’imprimatur de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité mettra un terme au
financement de la bande de Gaza sous prétexte que : «La signature
de la trêve renforcerait la division entre la bande de Gaza et la Cisjordanie
et détruirait la cause palestinienne». Le porte-parole du Hamas, Sami
Abu Zouhri, a déclaré en écho que «les menaces d'Erakat d'arrêter tout
financement pour Gaza reflètent l'insistance du Fatah à étrangler Gaza et à
empêcher toute possibilité de le sauver. Ce plaisir dans la souffrance de Gaza
révèle la vérité de cette organisation face à notre peuple».
Azzam Al-Ahmad à gauche |
Le 28 août, le Fatah avait informé la présidence
égyptienne qu'il rejetait l’accord avec Israël et avait posé les conditions
d'une réconciliation avec le Hamas totalement inacceptables pour les islamistes,
à savoir l'arrêt des négociations d'apaisement avec Israël et l’obligation d’un
consensus national pour signer tout accord. Une délégation du mouvement, comprenant
en particulier Azzam al-Ahmad, membre du Comité central, avait rencontré le
responsable du dossier palestinien auprès des Services égyptiens des renseignements,
le général Ahmed Abdul Khaliq, qui avait précisé: «La réponse du Fatah
a été négative et elle présentait une vision comprenant des conditions
pratiquement impossibles et un refus diplomatique de poursuivre le processus de
réconciliation».
Mahmoud Abbas a menacé le Hamas mais aussi Israël et
les Etats-Unis de mesures de rétorsion, laissant entendre qu’une prochaine réunion du Comité central déboucherait sur des décisions décisives, en particulier l’arrêt
du versement des salaires à Gaza. Abbas ne semble pas mesurer que la bande de
Gaza souffrirait d’une crise énorme si ces mesures étaient appliquées. Mais
pour l’instant il se borne à envoyer un message de pression au Hamas qui lui,
de son côté, est cependant à la recherche de sources de financement
alternatives pour remplacer l'AP. Le président palestinien a exigé de l’Égypte l’exclusion
des négociations de trois factions dans le cadre de leadership de l'OLP : le
mouvement de résistance populaire, les comités de résistance populaire et le
mouvement des moudjahidines. L’Égypte n’a pas donné
suite.
Général Abbas Kamel |
Le chef égyptien des services de renseignements, le
général Abbas Kamel, cherche à persuader la délégation du Fatah d'approuver les
propositions du Caire pour mettre fin à la division et à la levée des sanctions
imposées par l'Autorité palestinienne afin de favoriser la formation d'un
gouvernement d'unité nationale et l'organisation d’élections présidentielles et
législatives palestiniennes. Si le Fatah acceptait les propositions, Abbas
Kamel est certain de trouver une solution au dilemme de savoir qui signerait un
projet de trêve avec Israël pour au moins cinq ans. Le Fatah exige qu’Azzam
al-Ahmad signe l'accord, comme en 2014, lors de l’accord de cessez-le-feu qui
avait mis fin à la guerre de Gaza.
À la lumière des progrès attendus dans les pourparlers,
l'Égypte lancera un appel pour que toutes les factions palestiniennes se
rendent au Caire pour parvenir à un accord sur la réconciliation et la
signature de l'accord de trêve. Si les pourparlers échouent, le Caire se passerait de la
participation de Mahmoud Abbas et du Fatah. Une délégation comprenant un membre
du Comité central de l’OLP et du Fatah, Azzam al-Ahmad, des membres du Comité
central, Rawhi Fattouh et Hussein al-Sheikh, s’est rendue au Caire pour
rencontrer le général Abbas Kamel afin de discuter des perspectives de parvenir à
un accord sur une trêve avec Israël, et sur des projets humanitaires dans la
bande de Gaza.
La trêve proposée entre Israël et le Hamas comprend
la mise en œuvre d'un cessez-le-feu entre Gaza et Israël, et l'arrêt de la
grande marche du retour, en échange de l'assouplissement du blocus israélien
contre Gaza, de l'ouverture d'une route maritime entre Gaza et Chypre, et de l’augmentation
de l’espace de pêche maritime pour les Gazaouis. L’Égypte précise que les
négociations bilatérales entre le Hamas et Israël ne sont pas menées uniquement
par le Hamas mais aussi par l’Égypte et les États-Unis qui ont leur mot à dire.
Mahmoud Abbas est réticent vis-à-vis de cet accord
pour des raisons politiques parce que le rapprochement avec Gaza ferait
apparaître des concurrents puissants avec lesquels il devrait partager le
pouvoir. Il s’inquiète du poids politique de plus en plus important que prend
le Hamas qui risque d’être reconnu comme une organisation légitime avec
laquelle il faudra compter. Mais cet accord n’est pas un accord de paix et ne
va pas au-delà d'une trêve humanitaire. Israël veut neutraliser le front
de Gaza et éviter la confrontation avec le Hamas pour se concentrer sur le nord
du pays et pour réaliser la création d'une nouvelle alliance régionale. Israël
est conscient qu'une confrontation avec le Hamas serait coûteuse. De son côté, l’administration
américaine préfère le retour de l’Autorité palestinienne aux négociations mais n’en
fait pas un préalable.
Mahmoud Abbas tente à tout prix de reprendre
l’initiative internationale mais il utilise une mauvaise voie. Il a envoyé son
ministre des Affaires étrangères en Corée du Nord pour participer au 70ème anniversaire de l’indépendance du pays, et pour transmettre un message au
leader nord-coréen Kim Jong-un dans lequel il critique Donald Trump et «dénonce la
judaïsation, la colonisation, la confiscation des avoirs, la destruction des
maisons des Palestiniens ainsi que les invasions des militaires israéliens
contre la mosquée al-Aqsa». Il ne fait qu’aggraver son cas vis-à-vis
des Américains. C’est la preuve qu’il sent que la situation lui échappe
totalement.
Diviser pour régner
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