L’INFLUENCE FRANÇAISE AU MOYEN-ORIENT
Par Jacques BENILLOUCHE
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Trois dossiers, la gouvernance au Liban, la crise en Syrie et le programme nucléaire iranien, représentent les affaires sensibles auxquelles est confrontée la diplomatie française. La France doit relever le défi de l’influence croissante des puissances régionales et de l’interventionnisme russe et américain. L’objectif d’Emmanuel Macron, s’inspirant de la stature gaullienne, consiste à rétablir le poids diplomatique de la France au Moyen-Orient dans une région en pleine mutation. Mais il doit faire face aux nouveaux acteurs, l’Arabie et l’Iran, qui sont prêts à la guerre pour se protéger ou garantir leur hégémonie.
La
France recule au Moyen-Orient en raison de sa stratégie statique en Syrie et
son engagement unilatéral dans le conflit palestinien du côté arabe. Elle ne
s’est pas opposée à l’intervention musclée de la Russie en Syrie et elle a du
mal à contrer le nouveau président américain qui a décidé d’appliquer sa propre
politique, dure et unilatérale. Elle n’a enfin pas réussi à rassurer les
monarchies du Golfe et Israël sur les menaces croissantes de l’Iran.
Le
Moyen-Orient est actuellement gangrené par les rapports conflictuels entre
l’Arabie et l’Iran qui agissent souvent par alliés interposés. L’Iran s’appuie
sur les groupes chiites en Irak, protège le régime de Bachar El-Assad, finance
et arme le Hezbollah libanais et soutient les rebelles Houthis au Yémen. De son
côté, l’Arabie aide militairement le gouvernement yéménite dans son combat
contre les Houthis, protège Saad Hariri au Liban, s’appuie sur les groupes
dissidents anti-Assad et collabore avec le gouvernement irakien.
Le
premier ministre libanais Hariri avait dénoncé la mainmise du Hezbollah sur le
Liban, tandis que le Hezbollah et le président Michel Aoun accusaient l’Arabie
saoudite d’ingérence dans les affaires libanaises. La France ne s’est pas «mouillée»
au Liban. Dans la mini-crise qui avait entraîné la fausse démission du premier
ministre libanais, le gouvernement français avait volé au secours de Saad
Hariri pour éviter la déstabilisation du pays et pour s’imposer comme médiateur
de la crise.
Le Drian en mission en Iran |
Pourtant
la France, qui avait exigé le départ de Bachar Al Assad en se ralliant à la
coalition dirigée par l’Arabie et en soutenant les rebelles syriens, a dû
réorienter sa stratégie avec l’entrée en force de la Russie et de l’Iran dans
le conflit. Emmanuel Macron a fait un geste symbolique en participant avec les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne aux frappes du 13 avril, contre des sites
syriens, pour s’élever contre la guerre chimique de Damas, sans résultat
tangible.
Mais si le président français a mis tout son poids diplomatique sur la balance, il n’a pas pu infléchir la position de Donald Trump sur l’Iran. Il avait envoyé à Téhéran le 4 mars son ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour obtenir des concessions des Mollahs, en vain. Le Drian est rentré bredouille.
Mais si le président français a mis tout son poids diplomatique sur la balance, il n’a pas pu infléchir la position de Donald Trump sur l’Iran. Il avait envoyé à Téhéran le 4 mars son ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour obtenir des concessions des Mollahs, en vain. Le Drian est rentré bredouille.
Emmanuel
Macron est dérouté par la politique unilatérale de Trump qui cherche à rassurer
ses alliés saoudiens et israéliens. Le rétablissement des sanctions, pour
épuiser l’économie iranienne, porte surtout préjudice aux Européens qui perdent
un marché en grande expansion parce que l’extraterritorialité des sanctions
américaines limite considérablement les transactions en dollars. La France est toujours
favorable à l’accord de 2015 qui empêche l’Iran de poursuivre son programme
nucléaire militaire.
L’Europe et la France en particulier ont peu
de poids pour préserver le traité nucléaire parce qu’elles ne peuvent résister
à la pression américaine, dans le cadre d’une marge de manœuvre faible. Emmanuel
Macron est convaincu qu’il pourra renégocier l’accord en y intégrant le
programme balistique et la nuisance régionale de l’Iran. Pour cela il faudrait
que l’Europe ait une stratégie commune sur le dossier iranien ; ce qui
n’est pas le cas. Le président français est prêt à se tourner vers la Russie et
la Chine pour isoler Donald Trump car il sait que le droit international est de
son côté et bafoué par les Américains. Il rêve d’être le médiateur international
pour résoudre la crise actuelle.
Emmanuel
Macron poursuit la politique diplomatique de ses prédécesseurs en orientant ses
objectifs commerciaux vers le monde arabe, à savoir le Qatar, l’Arabie saoudite
et les Émirats arabes unis. Il est conscient qu’il doit agir pour éviter une
escalade des tensions régionales sachant que l’Arabie a opté pour une attitude
totalement anti-Iran : «il faut préserver la stabilité de la région,
lutter contre le terrorisme et surtout travailler à la paix » mais il
estime que «les positions très dures de la part de l’Arabie saoudite
vis-à-vis de l’Iran ne sont pas conformes à ce qu’il pense».
Macron et MBS |
Ce
serait prétentieux et irréaliste de croire que la France pourrait avoir un rôle
déterminant face à l’Arabie et l’Iran. Certes l’homme fort du royaume, MBS le prince
héritier saoudien, semble prendre en compte sérieusement l’action de la France
mais il n’en est pas encore à la hisser au rang de partenaire stratégique de premier
ordre. Il est un fait que les Saoudiens misent sur les Etats-Unis et la Russie,
et même sur la Chine, plutôt que sur la France. Ils sont cependant attentifs à
de bonnes relations avec Emmanuel Macron car il représente un pays membre
permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Cela peut servir dans le futur sur
le dossier syrien ou iranien.
Inauguration du Louvre à Abou Dhabi |
Mais la
diplomatie française n’a pas encore les moyens de peser durablement dans la
région, en raison de ses capacités limitées dans le Golfe. Seuls sont privilégiés les marchés arabes qui constituent un
débouché pour l’exportation d'armement. Israël
intervient peu dans les préoccupations françaises. Il est vrai qu'Emmanuel Macron, malgré les embrassades publiques, n'a aucune capacité de levier sur Netanyahou qui reste insensible aux injonctions européennes. Depuis le général de Gaulle,
rien ne semble avoir changé. Le Quai d’Orsay inspire toujours la diplomatie française, même avec le nouveau président français. Les présidents passent, le Quai demeure.
Très bon article et la fin résume hélas la situation de la France..."péter plus haut que son cu" ce petit pays ferait mieux de s'occuper de ses pauvres et de son immense dette au lieu de commercer avec des dictatures pour garantir les privilèges de ses plus riches sujets, ce genre de politique nous amène, dans l'histoire,à collaborer à des horreurs...beaucoup, beaucoup de temps perdu...!
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerJe ne saurais trop renvoyer vos lecteurs au dernier ouvrage paru de Vincent Nouzille, intitulé : "Histoires secrètes. France-Israël 1948-2018. Les liens qui libèrent", où l'étude des archives lui permet de dire que la "tradition arabe" du Quai d'Orsay est une ligne officielle qui a toujours été reprise par tous les présidents de Mitterrand à Macron en passant par Chirac et Sarkozy.
Par ailleurs il relève aussi que la vie internationale n'est au fond, qu'une succession de maigres avancées et de grosses reculades. "Pas une seule année en soixante dix-ans sans qu'un mot de trop, un événement incontrôlé ou un changement de leadership ne vienne fragiliser un lien en permanence au bord de la rupture."
https://fr.timesofisrael.com/vincent-nouzille-nous-livre-les-coulisses-des-liens-entre-paris-et-jerusalem/
Très cordialement.