RÉCHAUFFEMENT DES RELATIONS ENTRE ISRAËL ET LE BAHREÏN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Roi Hamad Ben Issa Al Khalifa |
Israël a été invité par
le Bahreïn à participer à Manama à une conférence internationale sur «le
patrimoine mondial» qui se tiendra du 24 juin au 4 juillet. A ce jour, le
Bahreïn n’a aucune relation diplomatique avec Israël. Le royaume justifie cependant l'invitation en précisant «qu’il s’agit d’une conférence internationale organisée
par l’UNESCO et que Bahreïn en était le seul hôte d’autant plus que tout membre
de l’ONU peut participer à cette conférence».
Cheikh Khaled Ben Ahmed Al-Khalifa |
Ce geste de
réchauffement des liens entre Israël et le régime de Manama prouve que les deux
pays sont sur la voie d’une normalisation. Cela s’explique car le Bahreïn est un
proche allié de l’Arabie saoudite. Il ne manque pas par ailleurs de soutenir
ouvertement Israël et surtout Tsahal. Ainsi, en réaction aux frappes
israéliennes contre la Syrie, le ministre bahreïni des Affaires étrangères,
Cheikh Khaled ben Ahmed al-Khalifa, avait affirmé qu’Israël avait le droit de
se défendre : «Tant que l’Iran perturbe le statu quo dans la région et
considère qu’il peut attaquer à sa guise les autres pays avec ses troupes et
ses missiles, tout pays de la région, y compris Israël, a le droit de se
défendre en détruisant les sources du danger».
Le Bahreïn fut
le premier pays du Golfe à prendre position en faveur d’Israël. Jamais un
responsable de haut niveau de ces pays ne s’était déclaré aussi ouvertement.
Cela est d’autant plus marquant que le quotidien bahreïni Akhbar Al-Khalij, le
plus lu dans le royaume, en avait fait sa une. L’Orient-le Jour avait relevé ce
défi : «Bahreïn a brisé un tabou après les frappes israéliennes
contre des positions iraniennes en Syrie, qui auraient abouti à la destruction
de 70 cibles militaires iraniennes». Pour le quotidien
libanais : «Le message est clair. Israël et les pays du Golfe
partagent la même aversion pour la République islamique d’Iran, le même ennemi».
Jusqu’à présent, le rapprochement
entre les États du Golfe et Israël se faisait de manière discrète et non
officielle. Mais le ministre bahreïni a donc innové parce que l’Iran est perçu
comme une grande menace. L’initiative bahreïnie peut être interprétée comme un
ballon d’essai car Manama n’a pas pu faire une telle déclaration sans en
référer d’abord à l’Arabie Saoudite. Bahreïn affiche ainsi la nouvelle vision
stratégique des pays du Golfe, en réponse à l’influence croissante de Téhéran
dans les pays arabes.
Marvin Hayer et Abraham Cooper à Bahrein |
La déclaration du
royaume ne remet toutefois pas en question la politique des pays du Golfe par
rapport au conflit israélo-palestinien. Ils font une nette distinction entre
leur position par rapport aux tensions irano-israéliennes et leur soutien à la
cause palestinienne. Les pays du Golfe demeurent officiellement fidèles au plan
arabe de paix de 2002 du défunt roi Abdallah d’Arabie saoudite, qui implique une reconnaissance d’Israël en
contrepartie de la création d’un État palestinien sur la base des frontières de
1967.
Un certain instinct de
préservation de la dynastie régnante a précipité la concrétisation du
rapprochement avec Israël. L’axe Washington/Tel-Aviv/Riyad contre Téhéran a
poussé Bahreïn à se ranger derrière ceux
qui menacent le moins ses intérêts. Le retrait américain de l’accord de Vienne
sur le nucléaire iranien satisfait les Israéliens et les Saoudiens. Il est donc
politiquement payant pour Manama de dénoncer l’agressivité de l’Iran pour
renforcer sa relation avec Riyad et Washington.
Bahreïn est cependant atypique
car c’est un pays dirigé par la seule dynastie sunnite à régner sur une
population majoritairement chiite, dont une partie se soulève périodiquement. Cela justifie ainsi l’emballement répressif du
roi al-Khalifa contre les cellules
terroristes affidées de Téhéran. Bahreïn se range donc derrière Donald Trump
qui a justifié le retrait de l’accord nucléaire par la «politique régionale
iranienne de soutien au terrorisme».
Depuis 2017, le régime
de Manama a multiplié ses actes en vue de normaliser ses liens avec Israël. Le dernier
acte fut sa participation, avec les Émirats arabes unis, à la course cycliste
organisée par Israël pour célébrer le 70e anniversaire de sa création. A la
suite de quoi, en mai 2018, Bahreïn a été le théâtre de manifestations
en soutien aux Palestiniens. À al-Juffair, de jeunes bahreïnis ont
défilé dans les rues menant à la base militaire américaine et y ont allumé
d'immenses feux pendant deux jours consécutifs. Les policiers bahreïnis
ont sévèrement réprimé ces manifestations. Les forces de sécurité avaient
investi le 16 mai, plusieurs habitations à Sitra, à Manama, à Shakhura, à
al-Diya et à Abu Saiba pour interpeller des meneurs. Cela implique que la
décision de Manama ne fait pas l’unanimité et que le royaume prend des risques,
peut-être calculés.
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