Le vendredi 30 mars, les Juifs
célébraient partout dans le monde et donc aussi en Israël Pessah, la sortie des
Hébreux d’Egypte et la fin de leur esclavage. Hasard du calendrier, le 30 mars
les Palestiniens commémorent chaque année «le jour de la terre» ainsi nommé en souvenir de la grève
générale organisée en 1976 dans les villes arabes de Galilée et du Néguev, pour
protester contre les confiscations de terres par l’Etat et au cours de laquelle
six manifestants arabes furent tués par la police.
C’est cette date anniversaire qui fut
choisie pour appeler les Gazaouis à marcher vers la frontière avec Israël. Cela
fut présenté, au départ dans les media en France, comme une «marche pacifique» organisée par la
société civile contre le blocus de Gaza par Israël, sans se poser la question
de l’absence de marche vers la frontière entre Gaza et l’Égypte, qui subit un
blocus identique. Sans se demander non plus comment la société civile gazaouie,
soumise à une dictature islamique, pouvait organiser une manifestation d’une
telle ampleur sans l’autorisation et l’appui logistique du Hamas. Le mobile
réel de cette manifestation fut rapidement dévoilé par son
intitulé : «La marche du grand
retour», mais elle devait rester pacifique.
Depuis plusieurs jours déjà, Israël,
utilisant tous les moyens de communication en sa possession, avait averti la
population gazaouie et surtout ses dirigeants que ses soldats tireraient sur
tous les manifestants qui les menaceraient ou tenteraient de franchir ou
d’endommager la barrière de séparation constituée par un mur de barbelés. Il y
a quinze jours, environ, plusieurs Palestiniens avaient réussi à la franchir, le
risque d’un passage en force n’était pas totalement nul.
Au milieu de ces milliers de
personnes, hommes femmes et enfants, venus manifester pacifiquement, il devait certainement
se trouver plusieurs centaines d’individus prêts à en découdre pour la gloire
d’Allah. Ce n’était pas seulement une kermesse comme le décrit Piotr Smolar, le
correspondant du Monde en Israël, très sensible aux souffrances des Gazaouis,
qui écrit : «la plupart
sont restés sagement à distance, loin de la frontière, mangeant des glaces ou
picorant des graines, s’interrompant pour la grande prière».
Le bilan est lourd 17 morts, dix
d’entre eux ont été identifiés comme étant des membres de groupes terroristes
palestiniens et plusieurs centaines de blessés. Le Hamas a publié, en prévision
des prochains vendredis, des recommandations à l’intention de ses membres pour
se camoufler de façon à ne pas être pris pour cible par les snipers de Tsahal,
L’armée israélienne a tiré à balles réelles, il aurait mieux valu qu’elle tirât
des balles de caoutchouc. Les risques de débordement auraient-ils été plus
grands ? Je ne suis pas expert en la matière pour en juger mais il est
certain qu’il y avait au milieu de cette foule pacifique des éléments armés. Les
manifestations devraient aller crescendo, chaque vendredi, jusqu’au 15 mai,
jour où les Palestiniens commémoreront la Nakba «la grande catastrophe» la défaite des arabo-palestiniens en 1948
et l’exode des Palestiniens qui s’en suivi. Jusqu’à cette date tout peut
arriver, il suffit d’une étincelle !
En soutenant cette manifestation, le
Hamas voulait se remettre en selle politiquement, se recrédibiliser aux yeux
des Palestiniens, mais il est aussi responsable de ce bilan sanglant car il
savait comment les Israéliens réagiraient. Il voulait aussi marquer des points
contre Mahmoud Abbas qui est entrain de l’asphyxier financièrement en refusant
de continuer à payer ses fonctionnaires à Gaza. Les États arabes qui le
finançaient, le soutiennent de moins en moins, et la lutte armée a montré ses
limites avec l’impossibilité de vaincre Israël. C’est une lutte interne qui se
mène au sein de l’Autorité Palestinienne pour succéder à Mahmoud Abbas. En nommant cette manifestation, «marche du grand retour», le Hamas redonne
corps à une illusion qu’on croyait effacée, celle du retour des Palestiniens
dans les lieux-mêmes qu’ils avaient quittés. Il veut montrer en agissant ainsi
que, s’il ne place plus ses espoirs dans la lutte armée, il n’en défend pas
moins les fondamentaux de la lutte des Palestiniens.
Le prince héritier d’Arabie saoudite
Mohamed Ben Salman a déclaré lundi dernier : «je pense que les Palestiniens et les Israéliens
ont droit à leur propre terre». C’est le droit à l’existence de
l’Etat d’Israël, enfin reconnu ! mais le prince héritier a ajouté : «mais nous devons obtenir un accord de
paix pour garantir la stabilité de chacun
et entretenir des relations normales». Une nouvelle chance de sortir
de l’impasse actuelle ; encore faudrait-il, de part et d’autre, vouloir la
saisir en acceptant les compromis douloureux mais nécessaires.
Vous lisant impossible de ne pas se demander combien il y en eût de ces "grands retours" du peuple juif vers Israël, au cours de leur longue histoire ?
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