Pages

jeudi 22 mars 2018

Qui en veut au premier ministre palestinien ?



QUI EN VEUT AU PREMIER MINISTRE PALESTINIEN ?

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps

            
Hamdallah et ses gardes du corps fortement armés
          Le premier ministre palestinien Rami Hamdallah, a échappé le 13 mars 2018 à une tentative d’assassinat à l’occasion de son entrée à Gaza. Un engin explosif de forte puissance, au vu du gros champignon de nuage qui s’est élevé au-dessus de la scène, avait été placé sur le trajet de son convoi, à quelques centaines de mètres au sud du passage d'Erez. C’est une région placée sous la supervision stricte des services de sécurité du Hamas sans exclure l’intervention d’un membre d’un autre groupe dissident.



            Rami Hamdallah est considéré dans les milieux politiques comme un modéré qui a déjà subi une grande tragédie lorsque ses trois enfants ont été tués dans un accident de voiture en 2000. Relativement jeune, né en 1958, il avait été choisi en tant que technocrate en juin 2013 pour remplacer Salam Fayyed qui avait tenu six ans à la tête du gouvernement palestinien. Cet universitaire n’est membre d’aucun parti et s’est tourné tardivement vers la politique. Bas du formulaire
          Avant de devenir premier ministre, Hamdallah enseignait la linguistique en tant que président de l'Université nationale An-Najah après avoir suivi des études à l'Université de Jordanie en 1980 puis en Grande-Bretagne. Il avait obtenu une maîtrise de l'Université de Manchester en 1982 et un doctorat en linguistique à l'Université de Lancaster six ans plus tard.    Peu politique au début de sa carrière, il misait tout sur l’éducation : «les Palestiniens n'ont qu'un seul investissement à faire, l'enseignement supérieur. Nous n'avons pas de ressources naturelles, nous n'avons pas de pétrole. Tout ce que nous avons, ce sont nos cerveaux, et le seul moyen est l'éducation supérieure, nous devrions en éduquer autant que possible». 
        Il avait des relations étroites avec deux proches de Yasser Arafat. Tayeb Abdul Rahim, fut le secrétaire général du gouvernement Arafat, et aujourd'hui secrétaire général de Mahmoud Abbas. Tawfiq Tirawi, ancien chef des services de renseignement palestiniens en Cisjordanie et actuel conseiller de sécurité d'Abbas. Alors que la santé de Mahmoud Abbas décline, il fait partie des successeurs potentiels du président.
            Évidemment Israël a été pointé du doigt comme instigateur de l’attentat. Or les Israéliens n’ont aucun intérêt à éliminer un modéré qui collabore avec eux sur le plan sécuritaire. Ils ne sont pas intéressés à créer une instabilité politique préjudiciable à leurs intérêts alors que le gouvernement palestinien de Hamdallah travaille en étroite collaboration avec Israël pour empêcher les attaques contre Tsahal et les civils israéliens en Cisjordanie.
Majid Faraj en veste bleue

            En fait, les auteurs de l’attentat ont voulu certainement porter un coup mortel à la réconciliation entre Palestiniens et neutraliser les efforts égyptiens. Le général Majid Faraj, chef des renseignements, qui faisait partie du cortège, était tout aussi visé ce qui pousse l'Autorité palestinienne à accuser le Hamas d'être responsable de la mise en danger de la sécurité du convoi. Hamdallah a préféré retourner immédiatement en Cisjordanie, via le territoire israélien. 
            Les auteurs de l’attentat avaient agi de manière professionnelle en visant la totalité des véhicules du convoi pour toucher les plus hauts responsables de l’AP. Deux hypothèses sont alors avancées. L’organisation responsable de l’attentat voulait s’opposer au Hamas parce qu’elle refuse la réconciliation avec le Fatah. D’autres pensent que le Hamas était forcément informé du projet et qu’il avait préféré fermer les yeux en exigeant simplement un acte d’avertissement sans porter atteinte à la vie des ministres. Ce n’est pas la première fois que des opposants au Hamas agissent à Gaza. Tawfiq Abu Naim, chef de la sécurité, avait été blessé en octobre 2017 et toutes les accusations étaient dirigées contre des groupes salafistes extrémistes qui avaient été l’objet de mesures sécuritaires.

            Les regards sont aussi portés sur Mohamed Dahlan, l’ancien homme fort de Gaza, adoubé par de nombreux fidèles locaux qui préparent son retour.  Opposé de longue date à Mahmoud Abbas, il est en désaccord avec certains membres du Hamas. En fait, il s’agit de porter atteinte aux relations déjà bien établies entre l'Autorité palestinienne et le Hamas. L'engin explosif contre le convoi de Hamdallah a explosé quelques heures seulement avant la convocation d'une conférence spéciale à Washington sur les moyens de faire face à la grave crise humanitaire dans la bande de Gaza. L'AP et le Hamas avaient décidé de boycotter la conférence, qui comportait des représentants américains et israéliens. Si l’on voulait s’opposer à l’amélioration de la situation à Gaza, on ne s’y serait pas pris autrement. La bombe contre Hamdallah a détruit toutes les chances de parvenir à une solution humanitaire à Gaza.

1 commentaire: