QUI EN VEUT AU PREMIER MINISTRE PALESTINIEN ?
Par Jacques BENILLOUCHE
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Hamdallah et ses gardes du corps fortement armés |
Le premier ministre palestinien Rami Hamdallah, a échappé
le 13 mars 2018 à une tentative d’assassinat à l’occasion de son entrée à Gaza.
Un engin explosif de forte puissance, au vu du gros champignon de nuage qui s’est
élevé au-dessus de la scène, avait été placé sur le trajet de son convoi, à
quelques centaines de mètres au sud du passage d'Erez. C’est une région placée sous
la supervision stricte des services de sécurité du Hamas sans exclure l’intervention
d’un membre d’un autre groupe dissident.
Rami Hamdallah est considéré dans les milieux
politiques comme un modéré qui a déjà subi une grande tragédie lorsque ses
trois enfants ont été tués dans un accident de voiture en 2000. Relativement
jeune, né en 1958, il avait été choisi en tant que technocrate en juin 2013
pour remplacer Salam Fayyed qui avait tenu six ans à la tête du gouvernement
palestinien. Cet universitaire n’est membre d’aucun
parti et s’est tourné tardivement vers la politique.
Avant de devenir premier
ministre, Hamdallah enseignait la linguistique en tant que président de
l'Université nationale An-Najah après avoir suivi des études à l'Université de
Jordanie en 1980 puis en Grande-Bretagne. Il avait obtenu une maîtrise de
l'Université de Manchester en 1982 et un doctorat en linguistique à
l'Université de Lancaster six ans plus tard. Peu
politique au début de sa carrière, il misait tout sur l’éducation : «les
Palestiniens n'ont qu'un seul investissement à faire, l'enseignement supérieur.
Nous n'avons pas de ressources naturelles, nous n'avons pas de pétrole. Tout ce
que nous avons, ce sont nos cerveaux, et le seul moyen est l'éducation supérieure,
nous devrions en éduquer autant que possible».
Il avait des relations
étroites avec deux proches de Yasser Arafat. Tayeb Abdul Rahim, fut le
secrétaire général du gouvernement Arafat, et aujourd'hui secrétaire général de
Mahmoud Abbas. Tawfiq Tirawi, ancien chef des services de renseignement
palestiniens en Cisjordanie et actuel conseiller de sécurité d'Abbas. Alors que
la santé de Mahmoud Abbas décline, il fait partie des successeurs potentiels du
président.
Évidemment
Israël a été pointé du doigt comme instigateur de l’attentat. Or les Israéliens
n’ont aucun intérêt à éliminer un modéré qui collabore avec eux sur le plan
sécuritaire. Ils ne sont pas intéressés à créer une instabilité politique
préjudiciable à leurs intérêts alors que le gouvernement palestinien de
Hamdallah travaille en étroite collaboration avec Israël pour empêcher les
attaques contre Tsahal et les civils israéliens en Cisjordanie.
Majid Faraj en veste bleue |
En
fait, les auteurs de l’attentat ont voulu certainement porter un coup mortel à
la réconciliation entre Palestiniens et neutraliser les efforts égyptiens. Le
général Majid Faraj, chef des renseignements, qui faisait partie du cortège,
était tout aussi visé ce qui pousse l'Autorité palestinienne à accuser le Hamas
d'être responsable de la mise en danger de la sécurité du convoi. Hamdallah a préféré
retourner immédiatement en Cisjordanie, via le territoire israélien.
Les
auteurs de l’attentat avaient agi de manière professionnelle en visant la totalité
des véhicules du convoi pour toucher les plus hauts responsables de l’AP. Deux
hypothèses sont alors avancées. L’organisation responsable de l’attentat
voulait s’opposer au Hamas parce qu’elle refuse la réconciliation avec le
Fatah. D’autres pensent que le Hamas était forcément informé du projet et qu’il
avait préféré fermer les yeux en exigeant simplement un acte d’avertissement
sans porter atteinte à la vie des ministres. Ce n’est pas la première fois que
des opposants au Hamas agissent à Gaza. Tawfiq Abu Naim, chef de la sécurité,
avait été blessé en octobre 2017 et toutes les accusations étaient dirigées
contre des groupes salafistes extrémistes qui avaient été l’objet de mesures
sécuritaires.
Les
regards sont aussi portés sur Mohamed Dahlan, l’ancien homme fort de Gaza, adoubé
par de nombreux fidèles locaux qui préparent son retour. Opposé de longue date à Mahmoud Abbas, il est
en désaccord avec certains membres du Hamas. En fait, il s’agit de porter atteinte
aux relations déjà bien établies entre l'Autorité palestinienne et le Hamas. L'engin
explosif contre le convoi de Hamdallah a explosé quelques heures seulement
avant la convocation d'une conférence spéciale à Washington sur les moyens de
faire face à la grave crise humanitaire dans la bande de Gaza. L'AP et le
Hamas avaient décidé de boycotter la conférence, qui comportait des représentants
américains et israéliens. Si l’on voulait s’opposer à l’amélioration de la
situation à Gaza, on ne s’y serait pas pris autrement. La bombe contre Hamdallah
a détruit toutes les chances de parvenir à une solution humanitaire à Gaza.
Reste plus qu'à attendre le prochain épisode...
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