ISRAËL : LA CAPACITÉ DE NUISANCE DES ULTRA-ORTHODOXES
Par Jacques BENILLOUCHE
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Chefs orthodoxes |
La crise politique générée par les ultra-orthodoxes est récurrente en Israël. Ils remettent régulièrement sur le devant de la scène leurs exigences religieuses en abusant de leur situation de groupe charnière à la Knesset. La majorité étriquée de 67 députés sur 120 donne aux 13 sièges des orthodoxes religieux une importance démesurée par rapport à leur influence véritable dans le pays : 7 députés Shass (orthodoxes séfarades) et 6 députés de Judaïsme Unifié de la Thora (orthodoxes ashkénazes). Le paradoxe est que ces orthodoxes sont souvent antisionistes, allant jusqu’à ne pas reconnaître l’existence de l’État d’Israël qui, pour eux, doit être l’œuvre exclusive du Messie. Cela explique leur refus de s’enrôler dans l’armée car ils estiment que le sionisme est un acte de défiance contre Dieu.
Orthodoxes brûlant la drapeau israélien |
Mais Netanyahou a besoin d’eux pour garantir la survie de la coalition dont l’avenir demeure incertain. L’un des partis religieux avait fait preuve d’intransigeance en rejetant le compromis proposé pour éviter la mise en minorité du gouvernement et la tenue d’élections anticipées. Mais le 12 mars, la situation s’était éclaircie avec l’adoption d’une nouvelle proposition de loi. La crise politique est suspendue mais non réglée définitivement car le texte doit encore être approuvé par la Knesset alors qu’Avigdor Lieberman s’y oppose et exige que, même s’ils sont exemptés de service militaire, les jeunes ultra-orthodoxes doivent s’enregistrer auprès de l'armée sous peine d’être considérés comme des déserteurs et condamnés à vingt jours de prison.
Le premier ministre, en échange du vote du
budget par les orthodoxes, a donc accepté de proposer une loi prolongeant
l'exemption de service militaire dont bénéficient la majorité des étudiants des
écoles talmudiques, ce qui lui donne quelques semaines de répit politique.
Selon l'accord, le texte a été adopté en première lecture cette semaine et
son approbation finale, prévue pour les prochains mois, serait soumise à
l'accord du procureur général et du ministre de la Défense, qui ont exprimé
leurs réserves sur le sujet. Le procureur général réclame des amendements tandis
que le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, exige que le texte soit
validé par le comité créé au sein de son ministère, menaçant lui aussi de
quitter la coalition avec ses 6 députés, ramenant la majorité à 61 sièges sur
120.
Manifestation contre le service militaire |
Mais
il s’agit d’un sursis au gouvernement car les orthodoxes exigent l’exemption
formelle du service militaire des étudiants des yéshivot (écoles talmudiques)
en contournant les décisions de la Cour Suprême qui avait censuré les mesures qui créaient des disparités entre conscrits. Le Judaïsme unifié de la Torah (JUT) veut immuniser l’exemption
contre les interférences de la Cour en modifiant la Loi fondamentale
d’Israël, faisant fonction de Constitution, pour y inscrire la valeur
supérieure des études juives sur l’égalité entre les citoyens.
L’ajournement
de cette disposition contestée rassure certains membres de la coalition qui
considèrent que le JUT a reculé par rapport
à son intransigeance du départ. Il est
vrai que les sondages lui sont défavorables et que son allié le Shass risque de
disparaître de la prochaine Knesset. Le temps n’étant pas propice à des
élections anticipées, ils se satisfont du statu quo qui date d’un accord conclu
en 1948 avec David Ben Gourion qui tenait à avoir le soutien des deux courants
représentant les Hassidiques et les Lituaniens, deux forces majeures de l’orthodoxie
juive, originaires d’Europe de l’Est. Ben Gourion avait alors «acheté» leur complicité passive à la création de l’État à laquelle
ils s’opposaient. Mais à l’époque, seuls
400 jeunes étaient concernés alors qu’ils sont aujourd’hui plus de 70.000. Leur
nombre croissant indispose la majorité de la population israélienne qui exige
un partage de la charge sécuritaire.
De
son côté, l’armée n’est pas très favorable à l’incorporation d’ultra-orthodoxes
peu efficaces dans une unité spéciale qui exige des aménagements coûteux
imposant des heures dédiées aux études religieuses et le maintien strict de la
non-mixité. Ils représentent une charge logistique et financière pour Tsahal.
Leur incorporation est purement symbolique pour prouver que l’armée est l’armée
de tout le peuple.
Ce
n’est pas la première fois que la décision est suspendue. En 1999, la Cour suprême israélienne avait déjà stipulé que
l’exemption accordée par le ministère de la Défense contredisait les lois
fondamentales et requiert une législation explicite du Parlement. Et depuis,
aucune loi n’a pu satisfaire les ultra-orthodoxes. L’opposition de gauche et
Israël Beitenou, le parti laïc d’Avigdor Lieberman, s’opposent systématiquement
à une loi favorable aux religieux dans le cadre de deux visions irréconciliables
du monde sur «le caractère juif et le caractère démocratique de l’État,
proclamés dans la Loi fondamentale de 1992».
Cette crise démontre à nouveau la capacité de nuisance
disproportionnée des ultra-orthodoxes par rapport à leur poids réel dans la
population puisqu’ils représentent un dixième des Israéliens et 13 sièges sur
120 à la Knesset.
Cette arrogance risque de nous coûter à tous bien cher... Qu'un groupe aussi minoritaire puisse détenir autant de pouvoir alors qu'il n'a absolument aucune vision pour le bien public de l'ensemble des citoyens finira par faire exploser une marmite que le pouvoir adore remplir de dynamite ces dernières années.
RépondreSupprimerJe place ces ultra religieux dans le meme camp que celui des gauchistes. Ce sont deux varietes de nuisances helas aussi efficaces l'une que l'autre. N'est ce pas le parti Shass qui a permis de faire passer a la Knesseth les accords d'Oslo? Ce parti a trahi pour des avantages financiers. Il serait temps qu'au moins sur ce point il y ait un amenagement pour les ecarter du pouvoir politique.
RépondreSupprimerJe me permettrai de rajouter que "la valeur supérieure des études juives" commande au contraire de leur enseignement et valeurs tordues de faire l'armée et de protéger son pays. Les meilleurs militaires du Roi David étaient jusqu'à preuve du contraire des soldats "religieux".Par quelle perversité de lecture des textes sacrés dont ils se sont appropriés le sens, quelques groupes humains(dont le niveau intellectuel est loin d'etre eleve malgre des annees "d'etude") bénéficiant des avantages de l'Etat ne serait ce qu'au niveau de l'utilisation des services de transport, de voierie, d'avantages fiscaux et j'en passe se soustrairaient au devoir national ?
RépondreSupprimerCette mauvaise foi, cet abus doit cesser quitte à les briser, ceux ci se faisant de plus en plus hair par un peuple dont le sang de ses enfants n'est pas moins rouge que le leur!
Cher M. Bliah qui procédez à de douteuses analogies, quels sont donc ces Israéliens que vous qualifiez de gauchistes ? Sont-ce ceux qui gardent l’espoir, certes tenu, malgré moult réserves, de vivre un jour en paix avec leurs voisins et à sont, à ce titre, favorables à un compromis historique avec les Palestiniens fondé sur le principe de « deux états pour deux peuples » ? Sont-ce ceux qui, en dépit des turbulences que traverse notre petit mais vigoureux état, restent attachés à une démocratie vivante et pluraliste ?
RépondreSupprimerAlors dans ce cas, je suis un gauchiste. Un gauchiste dont le fils aîné a servi dans une unité de renseignements et a, en compagnie de 119 de ses camarades, été honoré lors des festivités du jour de l’Indépendance 1992 par le président Shimon Peres (un dangereux gauchiste lui-aussi) en présence du Premier ministre, du ministre de la Défense et du chef d’état major, comme représentant l’élite de Tsahal et pour leur service à la Nation. Un gauchiste dont le fils cadet, issu d’un mouvement de jeunesse de « gauche », a, son Bac en poche, effectué une année de volontariat (shnat sherout),puis été versé dans l’unité combattante du Nahal et, enfin, au département Education de Tsahal où il agit au service de populations en difficulté. In fine, il aura donné quatre années de son existence à l’Etat. Pas mal pour un gauchiste !
Aussi, je crois que vous devriez mesurer un peu vos paroles avant de renvoyer dos à dos ultra-orthodoxes et « gauchistes » et vous arroger le droit de dire qui est qui, qui fait quoi et ce que vaut chacun depuis, peut-être, comme tant d’autres, le confort douillet d’un appartement parisien. Ces mêmes gauchistes par ailleurs qui, quand bien même ils appartiendraient à B’Tselem ou Shovrim Shtika, n’en sont pas moins souvent issus d’unités d’élite de l’armée, travaillent et paient leurs impôts. A bon entendeur…
En fait, cette crise ne démontre pas la capacité de nuisance disproportionnée des ultra-orthodoxes mais bien plutôt démontre le problème dont souffre Israël et sa société qui relève véritablement du domaine de la psychiatrie, précisément de la schizophrénie. En effet, un Juif, automatiquement théocrate (theos) par sa circoncision, ne peut donc absolument pas être, ou se prétendre démocrate (démos), et encore moins laïc. En clair, en Israël, tant que le pouvoir suprême sera partagé entre "Dieu" et le peuple, eh bien ça donnera toujours ce que nous voyons ici...
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