SYRIE : UNE FRAPPE MILITAIRE
PRÉVISIBLE
Par Jacques BENILLOUCHE
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F15 |
Benjamin Netanyahou avait tenu à
informer les Etats-Unis de l’évolution critique de la situation en Syrie. Il avait
envoyé, le 18 août 2017 à Washington, une délégation sécuritaire composée de
Yossi Cohen, chef du Mossad, du général de division Herzl Halevi, chef des
renseignements militaires, et du directeur du Bureau des affaires
politico-militaires du ministère de la Défense, Zohar Palti. La délégation n’a
pas obtenu les assurances de Trump quant à une intervention pour empêcher
l’Iran de prendre pied en Syrie.
De l’avis de tous les observateurs
politiques et même de l’entourage du premier ministre, le voyage de Benjamin
Netanyahou en Russie avait été un fiasco. La rencontre
du 23 août avait même été qualifiée de «trahison russe» parce que
Vladimir Poutine avait opposé une fin de non-recevoir aux demandes du premier
ministre israélien. La
délégation israélienne, encadrée de responsables sécuritaires, le chef du Mossad
Yossi Cohen et le président du Conseil de sécurité nationale Meir Ben-Shabbat,
est rentrée bredouille de Russie alors qu’elle avait pour objectif de mettre en
garde Poutine contre les dangers de l’Iran en Syrie.
La Pravda, quotidien gouvernemental,
avait donné une explication inquiétante pour Israël : «l’indifférence
affichée par Poutine à l’égard de Netanyahou et de ses menaces de guerre
directe contre la Syrie, l’Iran et le Hezbollah prouve à quel point le
président russe est conscient des limites de l’action israélienne». Face à
cette fin de non-recevoir, Netanyahou avait assuré que le gouvernement d’Israël
gardait les mains libres pour prendre toutes les mesures nécessaires pour sa
défense.
Enfin, Israël avait été désappointé par la nouvelle
publié par le journal arabe londonien généralement bien
informé, Asharq Al-Awsat, précisant qu’une réunion venait de se tenir entre
délégations américaine et russe en Jordanie. Les Américains ont accepté la
présence des forces et milices iraniennes à huit kilomètres de la frontière du
Golan. Netanyahou pouvait difficilement accepter ce coup de poignard dans le
dos d'Israël de la part d’un ami et d’un allié.
Face à cet incompréhension générale,
les infrastructures militaires dans l’ouest de la Syrie, à proximité de Masyaf,
devenaient une cible prioritaire. Cette
localité se trouve à 60 kms de la ville de Tartous qui abrite la base navale
russe et à 70 kms de la base aérienne russe Hmeimim équipée de missiles de
défense aérienne S-400. Selon les milieux syriens, la frappe a eu lieu contre un
camp d'entraînement de l’armée stockant des missiles sol-sol à courte portée et
une branche du Centre de recherches et d'études scientifiques de Syrie (CERS). Le programme d'armes CERS comprend le développement de S-60 en vue du transfert
au Hezbollah. En fait, les services sécuritaires israéliens sont convaincus que
Téhéran s'efforce de construire une usine de production d'armes et de missiles
de précision pour renforcer l'arsenal du Hezbollah et en particulier pour la
production de S-60 conçus comme armes anti-aériennes ou contre des cibles
terrestres.
S60 |
Deux pays pourraient avoir commandité ces actions
militaires. Bien sûr, Israël ne confirme jamais ces frappes, mais les
Américains auraient aussi intérêt à détruire ce genre d’installations qui
préfigurent un programme nucléaire. Il est vrai que Donald Trump avait promis
que la Syrie ne serait plus autorisée à mener une guerre chimique contre ses
citoyens. Son administration avait souvent accusé cette installation de Masyaf d'aider
à développer le gaz sarin utilisé contre les civils. Malgré cela, Israël est tenu responsable de ces frappes.
Les Israéliens ne s’inquiètent pas uniquement de la Syrie
mais surtout de la collusion entre l’Iran et la Corée du Nord, son pourvoyeur
d’armes et de missiles et demain peut-être de bombes nucléaires. C’est pourquoi,
Israël s’est substitué à la communauté internationale passive pour sa
propre œuvre de salubrité internationale, en visant des installations syriennes chargées
des programmes de guerre chimique et
de missiles. Les Israéliens s’étaient appuyés sur un rapport confidentiel des
Nations-Unis, publié le 24 août par le journal allemand Allgemeine Zeitung,
révélant que deux expéditions nord-coréennes avaient été interceptées au cours
des six derniers mois à destination de la Syrie. Il s’agirait d’une commande
passée par la Syrie auprès de KOMIND (Corée Mining Developing Trading Corp). On ignore qui a réquisitionné ces cargaisons mais certains ont une idée précise.
Cette entreprise coréenne est connue
pour être la première exportatrice de produits chimiques interdits, de moteurs
à missiles et d’armes conventionnelles. En fait il s’agit d’une réédition de
l’attaque du 7 septembre 2007, durant laquelle les Israéliens avaient détruit
la centrale nucléaire syrienne construite cette fois encore par la Corée du
Nord, pour produire du plutonium. La Syrie et la Corée du Nord collaborent
depuis longtemps au développement d'armes chimiques et d'armes de destruction
massive interdites.
Cette frappe suscite quelques
remarques et quelques conclusions. Les cibles sont bien déterminées et ne sont
pas l’objet du hasard. Les civils syriens en seraient les premiers
bénéficiaires. Comme l’avait signalé Netanyahou à Vladimir Poutine, Israël ne
permettra jamais la production d’armes stratégiques à ses frontières et
détruira tout complexe construit à cet effet, quels qu’en soient les
risques. Israël a défini ses lignes
rouges auprès de l’Europe, des Etats-Unis et de la Russie et il s’y tiendra
malgré la présence de la défense aérienne russe qui fermerait cependant les yeux sur
certains avions militaires.
Bien sûr la Syrie n’est pas contente
et menace : «L'armée syrienne met en garde contre les
conséquences graves de ces activités agressives contre la sécurité et la
stabilité dans la région. L'armée est déterminée à détruire le terrorisme et à
l'effacer dans tout le territoire syrien, et peu importe quel type d'aide est
accordé à ces bandes terroristes. Les auteurs de cette frappe risquent
des conséquences graves les auteurs».
Cependant, les
Syriens ne veulent pas mettre en cause l’inertie volontaire russe et précisent
que la frappe a été lancée depuis l’espace aérien libanais ce qui dédouane Poutine. Des explosions
secondaires ont été entendues qui proviennent des gaz et des missiles
stockés.
Amos Yadlin |
Amos Yadlin, directeur de
l'Institut des études de sécurité nationale, a fait le bilan de la frappe militaire : «Cette
attaque brutale est inhabituelle. Il s'agit d'un site syrien scientifique
militaire dans lequel sont produits, entre autres, des missiles de précision,
dont certains seront significatifs lors de la prochaine campagne militaire.
L'usine qui a été attaquée fabrique également des armes chimiques et des
explosifs qui ont tué des milliers de civils syriens. Si c'était une attaque
israélienne, c'est finalement une déclaration morale israélienne sur le
massacre en Syrie».
Le chef d'Etat-Major et Avigdor Lieberman |
Enfin, le ministre de la Défense
d'Israël Avigdor Lieberman a lancé un avertissement voilé à la Syrie et à
l'Iran : «Nous sommes déterminés à empêcher nos ennemis de porter
atteinte, ou même de créer une occasion pour porter atteinte, à la sécurité des
citoyens d'Israël. Nous ferons tout pour empêcher l'existence d'un corridor
chiite de Téhéran à Damas».
Une analyse très complète et très bien informée de ce qui vient de se passer en Syrie avec, semble t il, l'accord de la Russie. Merci Jacques Benillouche .
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerJ'avais cru comprendre, qu'à plusieurs reprises, le président Macron avait évoqué "la ligne rouge" du dossier syrien.
Dans sa conférence de presse avec Poutine à Versailles, n'avait-il pas dit : "l'utilisation de l'arme chimique par qui que ce soit (fera) l'objet de représailles et d'une riposte immédiate de la part des Français" ?
Dans son grand entretien du Point du 31 août dernier n'avait-il pas affirmé : "Je ne fais pas, sur ce sujet de la destitution de Bachar el-Assad un préalable à tout, mais j'ai deux lignes rouges : les armes chimiques et les accords humanitaires" ?
N'avait-il pas enfoncé le clou disant : "Quand vous fixez des lignes rouges, si vous ne savez pas les faire respecter, vous décidez d'être faible. Ce n'est pas mon choix", se référant à l'attitude de Obama et Hollande qui avaient finalement renoncé à faire respecter la "ligne rouge" en 2013 ?
Faut-il croire qu'entre temps il s'est ravisé, préférant laisser à Israël le soin de détruire les stocks d'armes syriens, seul ?
Pour ma part, j'ai de la peine à le croire, d'autant que toutes nos chaînes n'en ont pas encore soufflé mot, puisqu'elles sont toutes focalisées sur l'ouragan Irma ?
Très cordialement.
RépondreSupprimerJacques Benillouche explique pourquoi l'Aviation Israélienne a frappé en Syrie.
La présence iranienne étant de plus et plus forte et inquiétante, Israël a préféré "prévenir que guérir".
Israël aurait eu tord, et bien mal avisé de se priver de cette opportunité rare de nettoyer un moyen orient antisémites et génocidaire de ses bourreaux ainsi que de ces armes sales, à un moment tout aussi rare où le monde arabo-musulman ne se soulèvera pas profitant de cette situation pour exalter l'antisémitisme des musulmans, qui ne dort jamais...!
RépondreSupprimerTrès bon article,qui nous éclaire sur cette situation.
RépondreSupprimerBravo au gouvernement et aux militaires pour prendre rapidement les mesures qui s'imposent pour la sécurité d'Israel et de ses habitants.
Luc de Nice