POUR ISRAËL, LE RISQUE NUCLÉAIRE EST PRIORITAIRE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Israël
doit faire face à des menaces tout azimut sur plusieurs théâtres d’opérations
mais le risque le plus important auquel il est confronté reste le risque
nucléaire. Les crimes et les attentats qui endeuillent le pays et la terreur
palestinienne ne détournent pas Israël du danger existentiel face à l’arme
nucléaire. Il s’agit de deux risques différents qui se traitent avec des
mesures distinctes. Le développement des conflits régionaux peut conduire à
l’usage d’armes de destruction massive. Par deux fois, le complexe nucléaire de
Dimona s’est trouvé sous le feu d’ennemis irréductibles, en 1991 et récemment
en 2014.
Centrale de Dimona |
Le
premier ministre Benjamin Netanyahu a mis en garde l’Iran après le tir de
missiles du 18 juin sur la Syrie qui a été interprété comme un pied de nez à
Israël. L'Iran affirme que les missiles tirés ont détruit avec succès des
positions du groupe Daesh. Téhéran a tiré pour la première fois, depuis le début
du conflit syrien, six missiles de moyenne portée depuis son sol. Il a voulu
envoyer un message aux pays voisins, comme l’Arabie saoudite, aux Émirats
arabes unis, au Koweït, et accessoirement à destination d’Israël. Selon le
président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement, Alameddine Borujerd,
l'Iran est «entré dans une nouvelle phase de la lutte contre le terrorisme». Il est improbable que ce soit le seul objectif des Iraniens.
Les
Israéliens surveillent cependant l'activité de l'Iran en Syrie et surtout le
tir sur des cibles à une faible distance d’Israël. Une "erreur" volontaire est
vite arrivée. Selon Netanyahou : «Cette activité porte également sur
les tentatives iraniennes de s'installer en Syrie et, bien sûr, de transférer
des armes sophistiquées aux Hezbollah libanais».
Quelques chefs militaires |
Les
chefs militaires israéliens sont obligés de hiérarchiser les risques tout en
contrôlant une éventuelle escalade. Les systèmes de dissuasion et de défense se
renforcent mutuellement en permanence car le long terme est impossible à
envisager puisque la situation évolue au jour le jour. Le président Donald
Trump vient de remettre en cause la politique précédente de Barack Obama en
réintégrant l’Arabie saoudite dans la stratégie américaine au Moyen-Orient et
en lui vendant de nombreuses armes, certaines de haute technologie.
La
querelle entre le Qatar et Ryad a entraîné par ailleurs le développement de
liens plus étroits entre l’Iran, le Hezbollah et le Hamas. Mais un nouveau
danger vient d’apparaître avec l’activisme de Daesh qui cherche à supplanter les
terroristes palestiniens et ceux du djihad islamique de Jordanie.
La parade du Hezbollah |
Par ailleurs, les stratèges israéliens analysent à leur manière l’évolution des relations entre
Moscou et Washington, à la limite de la guerre froide, en ne négligeant pas la
concurrence nucléaire des deux grandes puissances et de ce point de vue ils
doivent mesurer ce risque. Par ailleurs, les analystes craignent de voir l’Égypte
s’engager dans la course aux armes nucléaires. Bien sûr le président Al-Sissi
collabore ouvertement avec Israël dans le combat contre les djihadistes du
Sinaï. Mais la chute du président Mohamed Morsi n’a pas du tout éradiqué le
danger des Frères musulmans qui pourraient s’appuyer sur le Hamas, le Qatar et
l’Iran pour faire tomber le régime d’al Sissi et mettre l’arme nucléaire, éventuellement
acquise, entre des mains dangereuses.
Base El-Udeid |
Certes
les Américains veillent à partir de leur quartier général CENTCOM au Qatar et avec
les facilités aériennes qui leur sont offertes à la base Al-Udeid au Qatar. Mais
tout évolue dans la région et pour preuve, le soutien affiché de la Turquie au
Qatar.
Israël
est confronté à une nécessaire planification de sa sécurité sur plusieurs
directions stratégiques différentes. Il s’appuie sur le développement de sa
haute technologie militaire pour garantir la dissuasion et pour assurer sa
supériorité en matière de cyberdéfense et de cyberguerre. Les planificateurs de
la défense nationale israélienne sont convaincus de l’avance d’Israël sur tous
les autres acteurs de la région mais ils sont conscients qu’ils doivent
imaginer les mesures à prendre en cas de rivalité aigue entre Washington et
Moscou.
Les
États qui détiennent l’arme nucléaire ne peuvent pas être mis sur un même
niveau d’égalité et ne peuvent surtout pas être comparés à Israël. Certes rien
ne transpire au sujet des forces nucléaires israéliennes, soumises à la
censure, mais en tout état de cause, jamais les dirigeants israéliens n’ont
menacé de leurs éventuelles «bombes» un pays, même ennemi.
Ces armes présomptives, si elles existent, ne sont pas menaçantes mais
uniquement défensives pour garantir l’existence du pays. Israël se satisfait du
fait qu’aucun de ses ennemis ne dispose pour l’instant de l’arme nucléaire mais
ne fait pas confiance à l’accord nucléaire irano-américain parce qu’il a une
durée de vie limitée. D’autres pays
arabes sont sur les rangs. On constate déjà des velléités de l’Arabie et de l’Égypte
à acquérir l’arme suprême pour se défendre contre l’Iran. Mais ces régimes sont
fragiles et l’arme risque de tomber entre des mains dangereuses.
Israël
a toujours privilégié les armes conventionnelles pour se défendre ou attaquer
et réserve l’arme nucléaire éventuelle uniquement pour riposter à une attaque
nucléaire. Il n’exclue pas de voir un pays user d’irrationalité absolue en lançant
une attaque nucléaire, tout en accusant des forces djihadistes de l’avoir commanditée.
Les pays radicaux n’ont aucune notion de la dissuasion nucléaire passive telle
qu’on l’a connue avec les États-Unis et l’URSS qui s'étaient neutralisés mutuellement. On ne peut pas exclure un coup
de folie de dirigeants aux abois.
Rien n’est diffusé sur le genre de représailles envisagées par Israël et sur sa doctrine de ciblage contre une attaque nucléaire. Les cibles civiles sont a priori écartées pour viser uniquement les sites militaires. Certains analystes estiment qu’une réaction nucléaire limitée serait indispensable après une attaque chimique ou biologique ; tout dépendra bien sûr des dommages civils subis par le pays.
Rien n’est diffusé sur le genre de représailles envisagées par Israël et sur sa doctrine de ciblage contre une attaque nucléaire. Les cibles civiles sont a priori écartées pour viser uniquement les sites militaires. Certains analystes estiment qu’une réaction nucléaire limitée serait indispensable après une attaque chimique ou biologique ; tout dépendra bien sûr des dommages civils subis par le pays.
L’usage
d’armes de destruction massive par un ennemi entraînera une riposte graduée en
fonction du degré du risque existentiel d’Israël. Mais Tsahal préfère appliquer
sa doctrine d’attaque préventive à l’aide des forces conventionnelles pour
éviter une action dévastatrice de la part de ses ennemis. Pour Israël, le
recours éventuel à une arme nucléaire reste l’exception sauf si les populations
civiles sont massivement touchées dans le cadre d’une action suicidaire. L’action
est en effet suicidaire car les représailles seront terribles. Le sort des
populations civiles est la limite rouge tracée par Israël qui refuse autrement de
s’engager dans une guerre nucléaire.
Il
est vrai cependant que les menaces de sécurité les plus
urgentes émanent des terroristes arabes, soutenus par l'Iran, qui pourraient se
procurer des armes de destruction massives. Israël analyse donc tous
les moyens possibles pour neutraliser ces menaces, y compris l’auto-défense
anticipée, la dissuasion et la défense antimissile balistique
sans oublier la nouvelle stratégie de défense maritime. Israël a une
défense tout azimut sans privilégier une menace existentielle par rapport à une
autre. Toutes les menaces sont traitées avec le même soin.
Dans son traité majeur de stratégie
militaire, intitulé «De la guerre», Carl von Clausewitz
avait écrit : «Tout est très simple. Même la chose la plus simple est
difficile». Depuis lors, il inspire les stratèges militaires en leur
donnant des instruments conceptuels et dialectiques extrêmement puissants, pour
leur permettre de saisir toute la complexité de la stratégie et surtout de
gérer l'incertitude. L’incertitude est le sentiment que détestent toutes les
armées nationales.
Magnifique analyse... on attends la suite. Merci Monsieur Benillouche. Continuez à nous éclairer de la sorte.
RépondreSupprimerIl manque un élément important dans cette analyse : à savoir que nos ennemis n'ont pas peur de mourir. Et donc que toutes les prospectives qui s'appuient sur la dissuasion sont infondées en ce qui concerne la probabilité d'une attaque nucléaire contre Israël. Ce que nous pressentons tous, c'est que dès que l'Iran aura l'arme nucléaire, elle s'en servira. Je répète : DES QUE L'IRAN AURA L'ARME NUCLEAIRE, ELLE S'EN SERVIRA. C'est à partir de là qu'il faut construire une réflexion stratégique. Celle pourrait s'articuler sur trois axes : 1) déstabiliser le régime iranien et promouvoir d'autres dirigeants à Téhéran. 2) se doter d'une défense Dôme de Fer à 100 % efficace.3) Obtenir la reddition de l'Iran par une tierce partie.
RépondreSupprimerA un autre niveau d'analyse (celui que l'Histoire juive), il est clair que si une attaque atomique a lieu, elle ne sera que l'un des moments de l'affrontement Israël / Yichmaël. L'horreur d'une attaque nucléaire masque la dimension religieuse (et éternelle) du conflit. Nous juifs, avons la chance d'avoir un Créateur qui se définit Lui-même comme איש מלחמה. A partir de là, si nous croyons que ce même Créateur nous assure qu'il a les yeux fixés sur la Terre sainte du premier au dernier jours de l'année, la question devient : "Le D.ieu d'Israël laissera-t-IL l'Iran nous bombarder impunément ?" J'ai déjà répondu à cette question lors de précédents commentaires.
@yaacov neeman
RépondreSupprimerSans vouloir vous offenser Monsieur, à la question que beaucoup se posèrent : Dieu laissera-t-il faire la Shoah ? La réponse fut oui.
Bien cordialement