L’ILLUSION D’UN ACCORD FATAH-HAMAS
Par
Jacques BENILLOUCHE
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C’est
devenu cyclique ; tous les six mois les Palestiniens ressortent l’idée d’une
nouvelle réconciliation. Les frères ennemis ont réellement une difficulté pour
s’entendre. Comment concilier la laïcité des uns et l’islamisme intégriste des
autres ? Les principaux partis palestiniens ont annoncé, le 17 janvier
2017 à Moscou, avoir trouvé sous les auspices de la Russie un accord sur la
formation d’un gouvernement d’union nationale avant la tenue d’élections. Ces
mêmes élections qui sont retardées de mois en mois, tant les parties ont peur de
ce que la démocratie décidera.
Azzam al-Ahmad du Fatah et Haniyeh du Hamas |
Azzam
al-Ahmad du Fatah et membre du Conseil législatif palestinien, a donné le ton : «Après notre réunion à Moscou, nous
sommes tombés d’accord pour nous adresser dans un délai de 48 heures à Mahmoud
Abbas pour lancer des consultations sur la création d’un gouvernement d’union
nationale». Il s’agira certainement encore de vœux pieux car un calendrier précis
doit être respecté puisque la formation de ce gouvernement d’union nationale
doit précéder celle d’un Conseil national comprenant des représentants
palestiniens en exil et la tenue d’élections.
Les
Russes ont cependant réussi à réunir des représentants palestiniens de toutes
tendances, Fatah, Hamas, djihad islamique et autres factions palestiniennes qui
ont discuté de manière non officielle pour rétablir «l’unité du peuple
palestinien» et qui ont été reçus par le ministre russe des Affaires
étrangères Sergueï Lavrov. Ils en ont profité pour fustiger l’incapacité du
Quartet (États-Unis, Russie, UE, ONU) à faire avancer le règlement du conflit
israélo-palestinien. Ils comptent sur la Russie pour «faire avancer les
décisions prises par la communauté internationale, y compris les résolutions de
l’ONU».
Tous
les accords entre Fatah et Hamas sont des exemples d’accord sans lendemain car
ils esquivent tous les problèmes réels en ne s’attachant qu’à l’illusion d’une
réconciliation. Le monde change mais les principes restent au Proche-Orient.
Les dirigeants palestiniens et israéliens se comportent comme si rien ne
s’était passé dans la région et comme si aucune révolution n’était intervenue
dans le monde arabe. Les procès d’intention persistent et la méfiance est
élevée au rang de dogme.
Tous
les accords précédents paraphés par les deux factions palestiniennes rivales
ont été à chaque fois salués comme «historiques». Le Premier ministre
israélien Benjamin Netanyahou s’est toujours montré sceptique, sinon négatif : «Vous
ne pouvez pas avoir la paix à la fois avec Israël et le Hamas». Et cela
parce que le Hamas prévient par avance ses adversaires que le gouvernement
transitoire n'aura pas de mandat pour négocier avec Israël, ce qui ferme les
portes à toute négociation.
Le
premier ministre israélien prétend que son attitude est liée à la faiblesse de
l’Autorité palestinienne alors que lui-même n’a pas de prise sur sa coalition qui
l’empêche de prendre des décisions courageuses. Il s’appuie sur les effets stériles des
précédents trois pactes de réconciliation entre Hamas et Fatah qui ont été
signés dans le passé, sans grand résultat. Mais le contexte, aujourd’hui, est
différent. La Syrie qui parrainait le Hamas est dans la tourmente
et elle entraîne dans l’inconnu l’Iran qui soutient son vassal au
Proche-Orient. Les Iraniens n’en demeurent pas moins actifs en sous-main pour aider les
organisations islamistes à émerger dans les pays où la révolution est passée.
Les
lignes ont ainsi bougé et nul ne peut rester insensible aux changements qui
sont attendus. Alors que la majorité des Israéliens ne veut rien entendre à une
éventuelle restitution d’une partie de la Cisjordanie, chaque faction
palestinienne recherche ses propres intérêts. L’ambition, pour l’instant, de
Mahmoud Abbas est d’améliorer sa crédibilité et sa légitimité internationale face
aux Nations-Unis. Quant au Hamas, il voit disparaître ses appuis et ses moyens
syriens ; seul le Qatar, proche de l’idéologie des Frères musulmans,
accepte encore de le financer.
Un
accord éventuel peut conduire les Palestiniens et certains pays occidentaux à
un optimisme relatif alors que les Israéliens restent sceptiques sur l’issue
réelle d’un accord réalisé en toute hâte, même sous l’égide de la Russie. Netanyahou
ne fera jamais confiance à un gouvernement qui comprend «les terroristes du
Hamas» tandis que Mahmoud Abbas n’est pas prêt à renoncer à la position
dominante du Fatah en Cisjordanie et au principe que l’accord éventuel de paix avec
Israël ne doit être négocié qu’avec la seule l’OLP car toute nouvelle Autorité,
sortant d’élections, aura en son sein des membres islamistes.
Le
gouvernement Netanyahou n’a pas de stratégie à opposer à l’accord Fatah-Hamas
d’autant plus que le Hamas exige toujours l'établissement d'un «État
palestinien indépendant et souverain en Cisjordanie et dans la bande de Gaza
avec Jérusalem pour capitale, sans renoncer d'un pouce au droit au retour».
Il n’est pas certain que la stratégie de violence prônée par le Hamas
puisse aujourd’hui faire des adeptes avec la nouvelle administration américaine.
Les États-Unis pensent que l’idéologie du Hamas et de ses alliés, les Frères
musulmans et Al-Qaeda, semble avoir souffert des soulèvements arabes dans des
pays qui ne veulent pas tomber d’une dictature militaire à une dictature
religieuse.
La
victoire de Donald Trump pourrait amener les Palestiniens à réviser leur
position vis-à-vis des négociations avec les Israéliens et toute éventuelle réunification
devrait inciter les deux parties à tracer les contours d’un projet commun qui sera proposé
lors de prochains pourparlers de paix.
L’idée que la
violence et le terrorisme pourraient permettre aux Palestiniens de recouvrer
leurs droits semble dépassée; l’avenir du conflit israélo-palestinien passe par la
marginalisation des extrémistes islamistes pour que les Arabes, enfin, se battent pour
les droits de l'homme, la dignité et l’émergence de gouvernements démocratiques.
Il est fort improbable que le Hamas choisisse la voie de la démocratie bien qu’on constate
une évolution notable de la situation vers moins de violence contre Israël. Les
Israéliens, quant à eux, se satisfont de la stagnation de la situation et seul
un changement du logiciel politique du peuple palestinien vers une initiative
pacifique et originale pourrait les contraindre à comprendre que la donne a
changé.
En quoi Israël devrait être contraint de comprendre "que la donne a changé " comme dit dans l'article dans la mesure où même si un accord devait être conclu entre le Fatah et le Hamas, ce dernier n'acceptera jamais un état palestinien démilitarisé.
RépondreSupprimerDernière observation que les occidentaux ont du mal a intégrer: en fait cette paix est plus que jamais tripartite puisque comme il est très justement dit:"Il est fort improbable que le Hamas choisisse la voix de la démocratie".
Bien cordialement