L’ALGÉRIE ACCUSE LE
MOSSAD D’ESPIONNAGE
Par Jacques BENILLOUCHE
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En référence au dicton «on ne prête qu’aux riches», le Mossad est toujours accusé d’être derrière les tentatives d'infiltrations d'agents de renseignements étrangers. Le journal algérien Al Watan révèle que les services de sécurité du pays ont démantelé, le 14 janvier, un réseau d’espionnage international travaillant pour le compte d’Israël au moyen d’équipements d’espionnage hypersophistiqués. Ces informations ont été confirmées par le site arabophone RT.
Tribunal de Ghardaïa |
Dix ressortissants africains ont été placés sous mandat
de dépôt par le juge d’instruction du tribunal de Ghardaïa. Pour l’instant aucune preuve ne vient étayer
leur appartenance au Mossad. Ce groupe d’étrangers est accusé de
faire partie d’une cellule d’espionnage au profit d’Israël après plusieurs
semaines de filature et de renseignements. Une perquisition a permis de
récupérer un important lot d’équipements de communication et de transmission de
dernière génération.
Ces accusés d’espionnage disposent de
différentes nationalités. Originaires du Mali, du Kenya, du Liberia, du
Nigeria, d’Éthiopie et du Ghana, ils ont pu entrer en Algérie en usant du statut de
réfugiés maliens. Les enquêteurs estiment qu’«ils ont été enrôlés par les
services de renseignement israéliens avant d’entrer sur le sol algérien».
Said Sahnoune |
Ce n’est pas la première fois que
les Algériens prétendent que le Mossad s’intéresse à eux. En janvier 2014, ils
ont publié à grand renfort de détails les exploits du journaliste Saïd
Sahnoune, espion algérien qui avait alors fait ses premières confidences après
avoir obtenu le droit d’asile en Espagne. Il avait révélé avoir été recruté à
Tel-Aviv en 1998 après une série de tests réussis. Son agent traitant, un
certain Sami, avait accepté ses conditions de ne pas espionner contre son pays ni
d’être impliqué dans un meurtre.
Il avait commencé sa carrière de
journaliste dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, dans les années 1990, et
avait fondé au Bénin le quotidien Le Matin et en Côte-d'Ivoire La
Paix. Dans ce pays, il avait été invité à participer à un séminaire de la section
arabe de la Histadrout, le syndicat des travailleurs, pour être embauché comme journaliste d'investigation. Il collabora alors avec des
fonctionnaires de l’Ambassade d’Israël qui lui offrirent un voyage à Bangkok
avant de l'envoyer à Tel-Aviv pour officialiser son processus de recrutement et
de formation.
Selon ses révélations, sa fonction
de journaliste lui facilitait des actions d’espionnage pour le compte du Mossad
à Abidjan avec l’objectif de surveiller la colonie libanaise chiite en Afrique
de l'Ouest. Il fut envoyé en mission en Tunisie ainsi qu’au Liban. Il devait cibler les activités d’un Libanais
qui travaillait pour l'OLP, d’un ancien ambassadeur du Liban, d’un militaire et
d’un couple de chiites dans le Sud pour éventuellement les recruter comme
agents du Mossad. Sahnoune avait précisé qu’il touchait un salaire de 1.500
dollars par mois ainsi que des frais de mission de 1.000 dollars qui lui
étaient versés lors de déplacements à Chypre. Il aurait cependant informé les
services algériens du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) de
sa collaboration avec le Mossad qui, en découvrant son statut d’agent double, a cessé toute collaboration en 2002. Sahnoune rentra alors librement en
Algérie.
Il semble qu’il ne serait pas le
seul algérien à avoir été enrôlé par le Mossad. On cite aussi le nom de Isaâd recruté
par l'Institut, connu pour être le canal des recrutements des
jeunes talents arabes. Les Algériens avaient acquis la réputation de grands
hackers capables de pirater des grandes sociétés françaises, belges et
égyptiennes. Repérés par le Mossad, nombreux ont été recrutés pour devenir des
espions au service d’Israël.
Ainsi, en 2010, le jeune Algérien Isaâd
résidant à Maghnia (Tlemcen) avait été localisé depuis l’adresse IP de son
micro-ordinateur. En raison de ses qualités techniques hors normes, il avait
été contacté via Facebook par une jeune et charmante femme, laquelle lui a
proposé un mariage en Tunisie. Quelques mois plus tard, le jeune Algérien se maria à Djerba avec cette jeune femme, d’origine juive, et agent du
Mossad. Le couple, qui avait passé trois mois dans un hôtel luxueux en Tunisie aux
frais du Mossad, prit la direction de Boston où il
avait été enrôlé par le Mossad qui voulait exploiter ses compétences hors pair. Il
ignorait bien sûr qu’il travaillait pour les services secrets israéliens.
Base de Tebessa à la frontière tunisienne |
On peut se poser la question de
l’intérêt du Mossad en Algérie alors que ce pays n’est pas en confrontation
directe avec Israël. Cet intérêt résulte de circonstances historiques. Les
combattants palestiniens chassés du Liban en 1983 avaient été recueillis dans
une base militaire à Tébessa, à la limite de la frontière tunisienne, lieu où les chefs palestiniens tenaient leurs
réunions en toute sécurité. D’autres responsables radicalisés venaient y
séjourner pour échapper aux services secrets occidentaux à l’instar de Abou El Abbés
et Abou Nidal, recherchés par les Américains, Georges Habbache et Nayef
Hawatmeh persona non grata dans les pays arabes pour leur extrémisme.
L’OLP a toujours tenu les assises du
Conseil National Palestinien en Algérie et organisé les rencontres de grande
importance. Les Palestiniens y trouvaient la sécurité, une aide financière et
bien sûr un soutien inconditionnel. Ils y avaient installé une base arrière
militaire. Le Mossad avait donc été chargé d’opérer en Algérie pour y puiser
toutes les informations sécuritaires. L’Algérie était devenue une cible dès
lors que de nombreux Palestiniens y séjournaient avec la bénédiction des
autorités algériennes. Ils avaient été rejoints par des libanais affiliés au
Hezbollah, des Syriens et des Irakiens manipulés par l’Iran, et même des
opposants égyptiens de la mouvance des Frères musulmans.
Smaïn Lamari |
Les services de renseignements
algériens n’étaient pas nés de la dernière pluie et avaient pris des mesures
pour éviter toute infiltration par des puissances étrangères. Paradoxalement,
pour des raisons historiques, ils étaient dirigés par des francophones à
l’exception de la branche palestinienne confiée au commandant Mohamed Tahar Abdessalem,
ancien maquisard, plus féru en action politique que sécuritaire. Il était
devenu le médiateur entre les différentes factions palestiniennes et avait aidé
les services étrangers à organiser la libération d’otages.
Il avait délégué le côté sécuritaire au commandant Smaïn Lamari, chef du service opérationnel. Celui-ci avait fait appel aux Russes pour la formation des agents secrets algériens. La base de Tébessa intéressait donc le Mossad à plus d’un titre. C’est d’ailleurs à partir de renseignements puisés dans cette base qu’un dirigeant de Septembre noir, Atef B’sissou, qui y avait séjourné occasionnellement, avait été repéré, suivi puis éliminé en 1992 dans le quartier de Montparnasse. B'sissou était un officiel palestinien soupçonné d'être impliqué dans le massacre de Munich en 1972.
Atef B'sissou |
Il avait délégué le côté sécuritaire au commandant Smaïn Lamari, chef du service opérationnel. Celui-ci avait fait appel aux Russes pour la formation des agents secrets algériens. La base de Tébessa intéressait donc le Mossad à plus d’un titre. C’est d’ailleurs à partir de renseignements puisés dans cette base qu’un dirigeant de Septembre noir, Atef B’sissou, qui y avait séjourné occasionnellement, avait été repéré, suivi puis éliminé en 1992 dans le quartier de Montparnasse. B'sissou était un officiel palestinien soupçonné d'être impliqué dans le massacre de Munich en 1972.
Il semblerait que la plupart des
opérations menées par le Mossad en Tunisie aient été menées depuis l’Algérie.
L’assassinat d’Abou Djihad, numéro 2 de l’OLP, avait été le fruit d’opération
d’espionnage depuis l’Algérie. Des agents palestiniens de son entourage avaient
été recrutés ainsi que plusieurs Tunisiens. L’ancien commissaire de police en
charge de la sécurité de la zone de Carthage où résidait Abou Djihad, avait
d’ailleurs été arrêté, en août 1990, alors qu’il était à la tête des services
spéciaux tunisiens pour complicité avec le Mossad ou seulement négligence. Le recrutement d’agents en Algérie se faisait
essentiellement sur une base pécuniaire ce qui était facilité par le fait que les
Algériens voyageaient en France et dans tous les pays d’Europe sans visa.
Les Algériens prennent prétexte aujourd'hui que de
nombreux Africains clandestins, passés par Tel-Aviv, sont renvoyés dans leur
pays. Ils sont accusés d’être en fait des agents israéliens disponibles pour effectuer
des missions bien rémunérées. Rien ne vient corroborer cette accusation. On ne prête qu’aux riches.
Mais si le Mossad renonçait à ses espions, comment Michel Hazanavicius pourrait-il continuer à faire ces films d'espionnage qui nous réjouissent tant ?
RépondreSupprimerNe pas oublier aussi le racisme légendaire des algériens notamment concernant les populations réfugiées sub sahariennes...
RépondreSupprimerL'on se délecte toujours à vous lire Mr BENILLOUCHE ; s'agissant cette fois de mon pays l'Algérie, j'apprends des choses en lisant ce billet sans toutefois me faire trop d'illusion sur le pouvoir qui crie quelque fois "aux loups" faisant appel à la menace "étrangère" et ses mains mystérieuses de l'Occident incluant le Mossad !!! L'on est habitué...
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