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vendredi 11 novembre 2016

Donald Trump a su capter l'électorat juif



DONALD TRUMP A SU CAPTER L’ÉLECTORAT JUIF

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

            

          Non, je n’ai pas reçu de coup de poing à l’estomac avec l’élection de Trump. Je n’ai jamais pris position pour l’un des candidats puisqu’il s’agit surtout d’une affaire américaine qui ne nous concerne pas. La victoire n’était certes pas prévisible, si l’on se référait aux sondeurs décrédibilisés, mais il est de la responsabilités des experts des équipes électorales d'envisager toutes les hypothèses. Cette victoire démontre que la décision finale appartient aux électeurs et que rien n'est acquis.



J’avais cependant fait, le 21 juillet 2016, une analyse qui concernait le changement de stratégie de Trump vis-à-vis de son électorat juif.  Une simple constatation de faits, une sorte de mise en garde intellectuelle. Mais cet article avait été jugé à tort comme une ode à ce candidat alors qu’il s’agissait uniquement de souligner un aspect de la campagne qui avait été négligé par la candidate Clinton.
Trump avait la réputation de ne pas aimer les étrangers et comme tout populiste, de ne pas aimer les Juifs. Il n’était pas perçu forcément comme un antisémite mais comme un anti israélien. Cette réputation l’avait empêché d’être reçu officiellement en Israël durant la campagne électorale car aucun dirigeant israélien ne voulait être accusé de lui faire la courte échelle alors que la grande majorité des Israéliens penchait pour lui, le pourfendeur des islamistes. Il s’est trouvé dans le même cas que Marine Le Pen qui reste interdite dans les milieux gouvernementaux israéliens au même titre que son père.
Mais Donald Trump et ses conseillers avaient décidé de travailler cet aspect négatif de sa réputation auprès de l’électorat juif qui représente six millions d’âmes aux États-Unis. Paradoxalement Hillary Clinton a délaissé son électorat habituel juif qui votait à 70% pour elle. Elle a préféré adopter une position neutre sur le conflit israélo-palestinien. Or les chiffres parlent d’eux-mêmes puisque Hillary Clinton a obtenu 208.000 voix de plus que Donald Trump. Il est facile de constater qu’un transfert de voix des Démocrates vers les Républicains a fait la différence. Les Juifs ont participé à ce transfert parce qu'on les avait caressés dans le bon sens du poil.


On entend déjà l’argument que la victoire de Trump est due à un basculement du vote des Juifs en sa faveur. Effectivement ils sont très massivement présents dans les zones urbaines ou péri-urbaines et vivent pour 43 % dans le Nord-Est des États-Unis, 23 % dans le Sud et 23 % également dans l’Ouest du pays. Les résultats montrent que ces États ont basculé vers Trump. Certains États, historiquement démocrates, ont voté pour le camp des Républicains ; l’exemple le plus typique est l’État de Floride où résident de nombreux Juifs. Donald Trump s'est adjugé la Floride, un des États clés du scrutin de l'élection présidentielle américaine. Il a ainsi remporté 29 grands électeurs en plus en battant Hillary Clinton qui n’a réuni que 47,7% des voix contre 49,1%. L’écart est faible mais suffisant pour faire la différence.
            Ses conseillers avaient compris que les candidats républicains avaient beaucoup de mal à être soutenus par la communauté juive. Les statistiques, lors de la candidature de Mitt Romney en 2012, situent à 30% le pourcentage de votants juifs pour les Républicains. Il ne devait pas y avoir d’exception pour Donald Trump mais lui, contrairement aux précédents candidats, bénéficiait d’un jugement favorable car il compte des amis parmi les Juifs américains et surtout dans sa propre famille, faisant de lui le seul candidat ayant des liens directs avec les Juifs.
            Ce détail précis a été négligé par Hillary Clinton qui était sûre que la communauté juive réagirait aux propos violents de Trump parce qu'elle partage les mêmes problèmes que toutes les minorités. Les prises de position radicales à l’égard des Musulmans et des réfugiés syriens pouvaient choquer. La volonté d’interdire l’entrée des Musulmans aux États-Unis rappelait amèrement le rejet de l’immigration juive durant les années sombres de la Shoah. Trump avait par ailleurs montré de son côté beaucoup d’hésitation à rejeter le soutien qu’il avait reçu du grand leader du Ku Klux Klan, David Duke, promoteur de théories racistes et militant de la «suprématie blanche et d'un nationalisme blanc». Le slogan de Trump «l’Amérique d’abord», à connotation antisémite, avait été perçu comme une volonté d’attirer à lui tous ceux qui militent pour la suprématie blanche.
Ivanka et le rabbin Haskel Lookstein

            Mais les temps avaient changé. Donald Trump avait donc décidé de réorienter sa campagne vers la communauté juive auprès de laquelle il avait un réservoir de nombreux électeurs indécis. En effet, il se trouve à présent lié avec la religion juive car sa fille Ivanka s’est convertie au judaïsme orthodoxe en 2009, sous la direction de l’influent Rabbi Haskel Lookstein. Âgée de 34 ans, Ivanka occupe une place importante dans la campagne électorale. Elle détient une position élevée à la fois dans la famille, dans l’entreprise et même dans la campagne. Si Trump est élu, il sera ainsi le premier président des États-Unis à être le père et le grand-père de Juifs pratiquants.
          Il compte dans son entourage de nombreux Juifs ce qui n’était pas le cas pour les précédents candidats républicains. Le monde juif n’est pas une inconnue pour lui. Il a même réussi à débaucher des soutiens et des donateurs parmi les Démocrates. De nombreux Juifs avaient toujours travaillé avec lui et il a pu en attirer d’autres par son idéologie politique.  Il en a côtoyé beaucoup dans le monde des affaires mais ils étaient tous frileux à l’idée de se «mouiller» en politique avec lui. Ce monde fermé pouvait difficilement accepter ses excès de langage, son côté clown et ses déclarations politiques à connotation antisémite. Mais ce n'est pas un hasard si les deux principaux responsables de la campagne de Trump sont des religieux orthodoxes et s'il compte à présent parmi son entourage politique de nombreux Juifs.
Jason Dov Greenblatt

Jason Dov Greenblatt travaille pour le groupe Trump en tant qu’avocat spécialiste de l’immobilier et a rejoint l’équipe électorale en tant que conseiller juridique et conseiller pour les affaires juives et israéliennes. Il sert de liaison avec la communauté juive. Greenblatt, 49 ans, n’était pas fait pour être conseiller présidentiel pour les affaires du Moyen-Orient. Père de six enfants, vivant au New-Jersey, il porte sa kippa au travail et est fidèle à Trump depuis 19 ans, traitant exclusivement de l'immobilier et des questions de société avec le titre de vice-président exécutif et directeur juridique. 
Mais il a un plus. Il suit de manière quotidienne les informations en provenance d’Israël. Comme beaucoup de jeunes Juifs américains avant leur entrée à l’Université, il a été étudiant d'école talmudique dans les années 1980, à la Yeshiva Har Etzion située dans une implantation de Cisjordanie. Il a été de ceux qui ont préparé en mars le discours de Trump à la conférence de l'AIPAC à Washington, le lobby pro-israélien. Les positions de Greenblatt sur Israël sont celles de son patron. Il soutient une solution à deux États, s’il s’agit du seul choix des parties elles-mêmes, excluant ainsi toute solution imposée de l’extérieur, les Nations-Unies en particulier.
Il pense que Trump est capable de relancer les pourparlers de paix, quitte à forcer les Palestiniens à s’asseoir à la table des négociations. Il prône, en cas de refus, de geler le financement américain de l'Autorité palestinienne. Il croit à l’argent roi comme incitation principale pour relancer le processus de paix moribond. Paradoxalement, Greenblatt n’était pas inscrit chez les Républicains et il a donc été privé de vote aux élections primaires. Élevé dans un quartier orthodoxe de Queens, Greenblatt est un pur produit des écoles orthodoxes juives. Il est allé à l'école secondaire de l'Université Yeshiva, à l'Académie talmudique Marsha Stern, puis à Yeshiva College après une année d'études dans la Yeshiva de Cisjordanie. Il a obtenu son diplôme en droit de l'Université de New York.
Greenblatt affirme que Trump est extrêmement compréhensif puisqu’il ne travaille pas durant le shabbat et les jours de fêtes. Il a été attiré dans cette campagne car il voulait jouer un rôle historique pour Israël : «Je suis dans cette position étonnante unique où je pourrais être en mesure d'aider un pays comme Israël que j'aime si profondément en étant là où je suis». Il a défendu avec vigueur Donald Trump en écrivant dans le Washington Post que «la meilleure réfutation de l'allégation d'antisémitisme consistant à dire que Trump est quelqu'un qui encourage, tolère ou flatte le comportement antisémite, est confortée par son soutien indéfectible pour des causes juives et pour Israël». Il pense que l’accusation d’antisémitisme provient de récits médiatiques déformés et relayés par la bigoterie anti-juive.
David M. Friedman

Expert en procédures de faillite des entreprises, David M. Friedman du cabinet d'avocats Kasowitz, est chroniqueur régulier au site d’informations Israël National News (Aroutz-7). Friedman travaille avec Trump depuis 15 ans et il s’est occupé de régler les faillites d’entreprises liées au groupe Trump, à Atlantic City. Dans la campagne, il conseille Trump pour les affaires israéliennes. Certains le voit déjà occuper le poste d’ambassadeur en Israël en cas d’élection de Trump. Il a des positions tranchées sur le conflit israélien sachant qu’il est sceptique sur la solution à deux États. Il est président des Amis américains de Bet-El, une implantation de Cisjordanie située au nord de Ramallah, qui risque d’être restituée aux Palestiniens en cas d’accord général de paix.
Friedman est propriétaire d’un logement en Israël et a une approche ferme sur l’avenir des implantations : «Quand Hillary Clinton et Barack Obama disent que les colonies sont illégales, ce n’est pas une position neutre». C'est justement lui qui a préconisé à Trump d’adopter une approche plus «neutre» dans le conflit israélo-palestinien contrairement à Obama. Mais pour lui la «neutralité» consiste à organiser des discussions de paix sans imposer des conditions préalables à chacune des parties.
Michael Cohen

Michael Cohen est conseiller spécial de Trump pour le groupe et vice-président exécutif. Il n’a pas voté pour lui aux primaires de New-York car il était inscrit sur les listes démocrates. C’est une autre recrue du camp adverse. Cohen est diplômé de l'Américan University et de l’école de droit Thomas M. Cooley. Il avait voté pour Barack Obama en 2008 mais il prétend avoir été déçu par lui.
Cohen, qui vit à New York City, est une prise de guerre.  Il est qualifié de «pitbull» de Trump car il est toujours en première ligne pour défendre son patron : «Si quelqu'un fait quelque chose que Trump n'aime pas, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour le résoudre à l'avantage de Trump. Si vous faites quelque chose de mal, je vais venir à vous, vous attraper par le cou, et je ne vais pas vous laisser aller jusqu'à ce que je sois fini». Sous ses dehors violents, ses  opposants le traitent de «bon gars» et «d’amateur» car il n’a aucune expertise politique bien qu’il ne soit pas tout à fait novice. En 2003 il avait brigué un siège au Sénat de New-York, en vain. Il dispose d’une fortune personnelle importante acquise dans le bâtiment après avoir réalisé de nombreux projets en association avec Trump.
Cohen a grandi à Long Island. Son père chirurgien avait échappé à un camp de concentration nazi avec sa famille durant la Seconde Guerre mondiale. Cohen est sans pitié quand il s’agit de ruiner la carrière de tous ceux qui s’en prennent à la vie privée de Trump. Il aime confirmer le lien étroit de Donald Trump avec le peuple juif qui date déjà du père, Fred Trump, promoteur immobilier à Brooklyn : «Rien ne me met plus en colère que lorsque des médias libéraux honteux traitent Trump de raciste. En tant qu’enfant d'un survivant de la Shoah, le racisme n'a jamais été autorisé dans notre maison et je ne travaillerai jamais pour quelqu'un qui a ces tendances. Ne peut pas être raciste quelqu’un qui a assisté à la Bar-Mitsva et la Bat-Mitzvah de mes enfants. Trump traite toutes les personnes exactement de la même façon sans distinction de race, de religion, de croyance ou de couleur».
Jared Kushner

Jared Kushner, 35 ans, a épousé Ivanka Trump en 2006, et est devenu l'un des meilleurs acteurs de la politique américaine. En tant que proche conseiller stratégique de Trump, il gère la campagne et organise des réunions de haut niveau. C’est lui qui a rédigé le discours de Trump à la réunion de l’AIPAC, le lobby pro-israélien. Kushner est également le propriétaire et éditeur du New York Observer. Il a tenu à orienter la campagne Trump vers une direction plus sobre et plus respectable et pour cela il a été impliqué dans la décision de virer Corey Lewandowski, l’ancien directeur de campagne de Trump.
Charles Kushner, né en 1954, est le père de Jared. En tant que grande sommité dans la promotion immobilière, il représente le plus grand donateur de la campagne sénatoriale d'Hillary Clinton. C’est dire s’il s’agit d’une bonne prise.
Stevin Mnuchin est président national de la campagne de financement de Trump. Ancien de  Goldman Sachs, il dirige son propre fonds d’investissement. Les documents publics attestent que Mnuchin est un ancien donateur d’Obama et de Clinton.  Mais il ne semble pas avoir la même réussite avec les Républicains car Trump a récolté seulement 3 millions de dollars en mai par rapport aux 72 millions de Mitt Romney en juin 2012.
Adelson et Netanyahou

Sheldon Adelson, né en 1933 à Boston dans une famille d’origine juive ukrainienne modeste, est un milliardaire américain, promoteur immobilier et propriétaire de plusieurs casinos. Il a évolué politiquement car il n’avait pas soutenu Trump dès le départ; il penchait plutôt pour Marco Rubio. Il avait rejoint la campagne de Trump le 13 mai.  Ce n’est pas un inconnu en Israël puisque c’est un inconditionnel de Benjamin Netanyahou qu’il soutient grâce 

au quotidien gratuit Israël Hayom, devenu le second quotidien le plus lu du pays. Il a rompu avec l’AIPAC en 2008 sur la question du soutien à la solution à deux États. Adelson est un grand philanthrope pour les institutions israéliennes, distribuant ses millions de dollars au  Mémorial de la Shoah de Yad Vashem à Jérusalem, et à l’université d’Herzliya, Interdisciplinary Center Herzliya (IDC). Il constitue donc un relais important vis-à-vis des Israéliens.
          Donald Trump disposera de tous les pouvoirs puisque la Chambre des Représentants et le Sénat sont à majorité républicaine. La question est de savoir s'il en fera un bon usage. Plus près de nous, François Hollande, s'était trouvé dans la même position mais trop de pouvoir l'a mené à l'échec.
          Les Israéliens frétillent de joie et en particulier l'extrême-droite qui se met à rêver. Naftali Bennett pense que : "La victoire de Trump offre à Israël la chance de renoncer immédiatement au projet de créer un Etat palestinien". Qui vivra, verra. Nul n'est à l'abri de bonne ou mauvaise surprise.

5 commentaires:

  1. D. Trump n'avait-il pas annoncé qu'il transférerait l'ambassade des Etats-Unus à Jérusalem ?

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  2. Donald Trump a aussi su capter, Ben Carson, ce neurochirurgien de renom qui professe que c'est Joseph, fils de Jacob et arrière-petit-fils d'Abraham qui a bâti les pyramides d'Egypte pour en faire des silos à grain. Merveilleux , non ?

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  3. Le complot juif qui repart; ces juifs qui l'entouraient étaient des partenaires pour les affaires et l'objet d'un article dans le journal " MISHPAHA" en décembre dernier et le journaliste avait déjà prédit la réussite de Trump et aussi de celle d'Arieh Dhery en Israel. Clinton avait la machine démocrate, le soutien du president, les votes des femmes et des latinos, des grands journaux et des généreux donateurs des milieux d'affaires.. Dans un vote, l’indécis donne son bulletin a l'opposition en pensant n'apporter aucun changement au résultat final.

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  4. mon cher Jacques
    l'environnement juif othodoxe de Trump n'a pas empeché ce dernier spot publicitaire du parti républicain d'être diffusé. Dans ce spot, Trump lui-même s'en prenait au " pouvoir globalisé ", qui, disait-il, " dépossédait notre classe ouvrière " de sa richesse pour la déposer " dans les poches d'une poignée de grandes entreprises et de leurs entités politiques ". Et le spot montrait les visages inquiétants de trois grandes figures de la finance : le financier George Soros, le patron de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, et la présidente de la Réserve fédérale, Janet -Yellen.Ce spot contenaient d'évidents relents d'antisémitisme. Mais Trump est incontrolable!!!!!

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  5. Lu dans le journal Le Monde cette semaine. D'après un sondage à la sortie des urnes, 71 % des juifs ont voté Clinton soit plus que les latinos 65 % seulement !

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