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mardi 8 novembre 2016

L'Autorité palestinienne veut dialoguer avec l'opinion israélienne



L’AUTORITÉ PALESTINIENNE VEUT DIALOGUER AVEC LES AVEC L’OPINION ISRAÉLIENNE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps



Anwar Abu Eisheh

          L’existence d’une coalition gouvernementale de droite nationaliste en Israël a éloigné tout espoir d’une paix négociée sur la base de la création d’un État palestinien. La disparition de Shimon Pérès a donné l’impression que le camp de la paix s’éteignait avec lui. Et pourtant certains Palestiniens et Israéliens ne renoncent pas à démentir les faits. Deux personnalités arabes ont fait le déplacement en Israël, au kibboutz Tsuba à proximité de Jérusalem, pour tenter un discours de vérité et en n’écartant aucune question difficile. Il s’agit d’une première politique puisque cette initiative a été encouragée à la demande expresse de Mahmoud Abbas.   




Anwar Abu Eisheh, ancien ministre de la culture de l'Autorité Palestinienne, maire adjoint de Hébron et professeur à l’Université Bir Zeit et le Dr F.D, qui souhaite garder son anonymat, avaient pour mission d’exposer la nouvelle stratégie définie par l’Autorité palestinienne. Ces officiels palestiniens ont été demandeurs et ont bravé les interdits puisque leur entrée en Israël est restreinte et codifiée. En petit comité et d’une manière exclusive, ils ont rencontré quelques journalistes francophones de media européens et des militants de la gauche israélienne dont un représentant du parti travailliste Marco Sarabia ainsi que la trésorière du parti socialiste français en Israël, Elizabeth Garreault.
          D’entrée de jeu l’ancien ministre palestinien a annoncé la couleur : «C’est à ma demande que j’ai demandé à vous voir… J’ai fait mes études en France et depuis, je suis devenu un partisan de la paix… Il y a cinq ou six mois, j’ai été appelé par un ami du comité central du Fatah qui m’a proposé de faire partie d’un comité de communication fondé par Mahmoud Abbas pour contacter la société civile israélienne afin de nous expliquer avec elle et de rencontrer des Israéliens, amis ou pas amis avec les Palestiniens, solidaires ou pas avec les Palestiniens. L’idée m’a beaucoup plu parce que je veux la paix». 



          Cette démarche discrète était motivée par la volonté de sensibiliser l’opinion israélienne pour qu’elle intervienne auprès de son gouvernement. L’Autorité palestinienne, ayant fait le constat que le processus de paix était moribond face à la frilosité du gouvernement de Benjamin Netanyahou, a donc décidé de s’adresser directement au peuple israélien ou à ses représentants avec l’espoir qu’ils serviront de courroie de transmission entre la base et le sommet. Cette démarche originale de dirigeants palestiniens a surpris parce qu’il était difficile au départ d’appréhender la finalité réelle de cette rencontre.
Jihad Tummaleh


          L’Autorité palestinienne a souvent été critiquée pour son inertie, pour son incapacité à prendre des initiatives et pour sa volonté de maintenir un statu quo stérile. Des contestations internes s’expriment à présent ouvertement puisqu’un député du Fatah, Jihad Tummaleh, a été exclu du parti pour tentative de rapprochement avec le rival d’Abbas, Mohamed Dahlan. Face à un concurrent qui a les faveurs des Américains, des Égyptiens et des Israéliens et qui prône le dialogue, Mahmoud Abbas a donc estimé qu’il était temps pour lui d’agir en prenant les citoyens israéliens à témoin afin qu’ils persuadent leur gouvernement de négocier une paix durable. Il sait que la démocratie est forte en Israël et que le camp de la paix ne doit pas disparaître. 
          Il a donc créé un Comité palestinien pour une interaction avec la société israélienne (PCIIS) en y plaçant ses proches et ses fidèles, capables de convaincre la société civile israélienne du bien-fondé de la démarche. Abou Eisheh s’est justifié : «Tout gel d’activité pour la paix est nocif pour les Palestiniens et les Israéliens et depuis de longues années, je dis que celui qui ne travaille pas pour la paix est coupable… Nous sommes venus ici pour vous écouter, pour répondre à vos questions, et rapporter vos suggestions ou vos propositions. Nous voulons nous faire connaître et d’autres responsables palestiniens sont à votre disposition à Ramallah»
PCIIS

          Abou Esheh est une exception parce qu’il a passé quinze années en France dont quelques années pour obtenir son doctorat en droit. Il a vécu au contact des Français et de la démocratie française mais il n’a pas réussi à convaincre ses collègues ministres de l’importance de cette notion de démocratie chère aux pays européens.
      Au terme d’une discussion de deux heures, nos interlocuteurs palestiniens ont fait preuve de bonne volonté mais ont convaincu à moitié, la faute à leur logiciel politique qui n’a pas changé d’un pouce, malgré ses lacunes et ses limites. Ils ressassent les mêmes arguments figés alors que le monde a changé, que le Proche-Orient a évolué, que les Printemps arabes ont fait bouger les lignes et que les acteurs sur le terrain font face à de nouveaux défis. L’initiative est certes louable, parce qu’il s’agit d’un discours de paix et non de propos guerriers, mais la dialectique du passé, encore utilisée, n’est plus adaptée aux impératifs de la réalité israélienne.
Certaines évidences sont toujours niées à l’instar de la réponse à notre question sur le manque de démocratie au sein de l’Autorité dont le président est délégitimé depuis 2009, date de la fin de son mandat. La réponse sous forme de pirouette était peu convaincante : «La démocratie est quelque chose de très beau. Avez-vous trouvé quelque part un gouvernement ou un peuple qui croit en la démocratie et qui domine un autre peuple ? Ce n’est pas la démocratie quand un peuple domine un autre peuple depuis 50 ans». C’est intégralement le discours négatif de Yasser Arafat qui est repris mot à mot. Les journalistes croyaient à l’émergence d’un nouveau langage palestinien et ils ont été ramenés au temps des années 1980.
L’initiative était louable mais elle manquait de consistance car elle a été mal préparée. Les journalistes sont exigeants et ne se contentent pas de promesse. Aucun programme détaillé n’est venu s’opposer au vide israélien dans ce domaine. Il semble qu’il y ait eu un malentendu dès le départ. Nos interlocuteurs ont oublié que les journalistes ont pour rôle de relayer l’information et non pas de conseiller les partis politiques ou les gouvernements sur des solutions politiques. Les Palestiniens attendaient de nous des suggestions alors que nous ne sommes ni compétents et ni qualifiés dans leur domaine. Certes, nous avons entendu des bonnes paroles, de la bonne volonté, des vœux sincères mais cela sonnait creux. Même les deux représentants des partis de gauche ne s’imaginaient pas qu'on leur demanderait de jouer le rôle de promoteurs de projets politiques.
On avait beaucoup attendu de cette réunion qui laissait présager des annonces de premier niveau. On pensait déjà aux menaces d’autodissolution de l’Autorité palestinienne pour se décharger sur le gouvernement israélien qui aurait beaucoup de mal à reprendre la gestion des territoires arabes avec les conséquences financières et sécuritaires indéniables. Nous avons demandé un projet écrit, rédigé par des innovateurs palestiniens pour un nouveau programme de paix, pour servir de base à notre discussion. Il n’existait pas. Or un tel document aurait eu l’avantage de bâtir un socle pour un marchandage politique entre les deux parties. Ces dirigeants, pourtant haut placés, ont fait preuve d’un certain amateurisme en se méprenant sur le rôle réel des journalistes qui ne sont pas des sources de proposition, encore moins un relais palestinien auprès de la population juive. Ils veulent bien publier des textes àcondition qu'ils apportent enfin quelque chose de nouveau.
Ce Comité de communication dénote une absence totale de méthode. Il fait encore référence à l’initiative de paix de mars 2002, adoptée par 57 pays à Beyrouth, mais complétement périmée, parce que le monde a connu depuis les Printemps arabes qui ont modifié le statut régional de certains pays, l’éclatement de l’Irak qui est tombé aux mains des chiites, le conflit syrien qui a donné naissance à Daesh, le rapprochement entre l’Arabie saoudite et les Israéliens qui s’opposent à l’expansionnisme iranien. Le logiciel a été figé au vieux programme de Yasser Arafat qui prévoyait le retour aux frontières de 1947 et qui imposait le retour des réfugiés palestiniens. Il existe un consensus en Israël, à droite et à gauche, pour refuser ces deux exigences ; les dirigeants palestiniens qui ont fait partie des négociateurs sont conscients de cette réalité. Par ailleurs, aucun homme politique israélien ne peut accepter l’évacuation des trois grandes implantations de Maalé Adoumim près de Jérusalem, de Gush Etsion au sud de la capitale et d’Ariel en plein centre de la Cisjordanie. Il faut donc imaginer une solution palestinienne préconisant un échange de territoires ou un statut spécifique pour les Juifs acceptant de vivre dans un État palestinien. 
Cette réunion volontairement discrète a montré que certains Palestiniens manifestaient certes une volonté de paix mais qu’elle n’est fondée sur aucun programme concret ni solution nouvelle à opposer au silence israélien. Il faut leur reconnaître du courage. Mais la déception a été grande chez les journalistes qui s’attendaient à des révélations au cours de cette rencontre entachée de secret et de mystère. Pas d'innovation à l'horizon sinon la création d’un nouveau comité Théodule. 

3 commentaires:

  1. Ne s'adressant qu'à la gauche dans la société israélienne ils cherchent des idiots utiles jouant le cheval de Troyes aboutissant subtilement sous couvert du mot "Paix" qui désarme les crédules (pour ne pas dire plus ni vexer personne), à la disparition d'Israel réduit à la portion congrue par un retour aux lignes d'armistice de 1947 dites "frontières d'Auschwitz et par le retour suivant le modèle européen de millions de réfugiés palestiniens. Quant à l'idée de faire vivre 600.000 Juifs de judée Samarie ailleurs qu'en Israel suivant un "statut à définir" sous la coupe d'un état palestinien je ne sais s'il faut en rire ou en pleurer. Israel est un pays trop petit pour survivre en se coupant encore de ses territoires et à ma connaissance on n'a jamais vu dans l'Histoire une puissance économique et militaire se démanteler pour faire plaisir à un ennemi plus faible militairement fortement soupçonné de surplus par les principes intangibles de sa religion à ne rien renoncer de façon définitive sauf arrangements destinés à durer ... le temps de reprendre la guerre en position de force.

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  2. En fait, ils ne convainquent pas, c'est donc qu'il n'y a pas tant d'idiots utiles. On peut se désespérer de l'inertie chez nous en se désolant de celle quii règne chez eux. Ces rencontres sont utiles uniquement en cela qu'elles permettent de voir la réalité de manière plus claire.

    Il est fini depuis longtemps le temps de l'angélisme... Il est cependant temps de trouver de notre côté quelqu'un qui nous dise où il nous mène et que cela soit du concret et du solide.

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  3. Cher monsieur Benillouche,

    Peut-être pourrait-on se permettre un autre regard sur le conflit israélo-palestinien - où les uns sont sommés de porter la mythologie israélo-juive, et les autres d'incarner la mythologie arabo-musulmane - c'est ce que signifie le géographe Christophe Guilluy dans son ouvrage : "La France périphérique", où dans un chapitre intitulé : "Le village", il écrit : "Si l'histoire juive est d'abord celle d'une communauté structurellement minoritaire, l'histoire israélienne est l'histoire d'une majorité qui ne veut pas devenir minoritaire." Crainte de la guerre pour l'État, crainte pour le peuple d'être submergé par une immigration pacifique. En réalité en Israël, comme en France, comme en Europe et partout, c'est la question des racines et de leur transmission qui est posée.

    Très cordialement.

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