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vendredi 29 avril 2016

En Europe centrale, le retour des vieux démons par Gérard AKOUN



EN EUROPE CENTRALE, LE RETOUR DES VIEUX DÉMONS

Par Gérard AKOUN

            
Norbert Hofer

          La percée de l’extrême droite, 36,4% au premier tour de l’élection présidentielle en Autriche, elle arrive en tête  du scrutin,  a surpris de nombreux commentateurs d’autant que son candidat Norbert Hofer a des chances très sérieuses d’être élu  président de la République à l’issue du second tour. En effet l’écart avec son adversaire, arrivé en seconde position avec 20,4%,  Alexander Van Der Bellen un ancien professeur soutenu par les Verts, semble difficile à combler.



            Mais est-ce si étonnant dans un pays qui a été  le premier dans l’Union Européenne, en 2000, à faire participer l’extrême droite à une coalition gouvernementale, brisant ainsi un tabou qui durait  depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Un pays dont la  population a adhéré massivement au national-socialisme, qui a plébiscité en 1938 à une écrasante majorité  l’Anschluss, le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne nazie, et qui a eu la chance de par sa situation géographique  et du contexte politico-militaire de l’après deuxième guerre mondiale d’être qualifié de «première victime du nazisme». Une victime bien consentante si on se reporte aux actualités  cinématographiques de l’époque qui ont filmé l’accueil triomphal fait à Hitler par la population autrichienne lorsqu’il s’est rendu à Vienne. Ce certificat de bonne conduite alors que les autrichiens ont participé aux atrocités allemandes, ce brevet de respectabilité décerné par les vainqueurs a permis à l’Autriche de s’abstraire de ses responsabilités, il n’y a pas eu de  dénazification.
Kurt Waldheim

            Quand éclata l’affaire Kurt Waldheim, ce candidat en 1986 de la droite aux élections présidentielles dont le passé nazi fut révélé en particulier par la Licra et Beate Klarsfeld, les Autrichiens furent choqués, après son élection, de leur isolement sur la scène internationale. Rares furent les chefs d’États démocratiques qui acceptèrent de le recevoir. Les Autrichiens ne comprirent pas ou firent mine de ne pas comprendre  les raisons de cet ostracisme. Ils assumèrent plus facilement d’être mis au ban de l’Union Européenne en 2000 quand l’extrême droite néo nazie fit son entrée dans un gouvernement conservateur. Ils devaient se douter que cette  relégation ne serait pas trop longue.
          Ils avaient raison. Elle ne dura pas longtemps, les temps avaient changé, les idées de la droite extrême  avaient fait leur chemin  sur le continent. L’Europe s’était élargie  à l’Est à des pays, à des peuples qui avaient renoué avec la démocratie depuis la chute du mur de Berlin ou après  l’éclatement de l’Union Soviétique. Ces pays, à l’exception de la Tchécoslovaquie, n’avaient pas une longue expérience de la démocratie. Avant la deuxième Guerre Mondiale ils vivaient sous des régimes fascisants, dictatoriaux ou pour le moins autoritaires, ils furent ensuite occupés par les Nazis ou alliés aux Nazis ; la guerre terminée, ils passèrent sous le joug soviétique.
Frontière autrichienne

            Ils se sont ensuite libérés du régime communiste, mais ils étaient ruinés économiquement, leurs industries étaient obsolètes ou inexistantes Il fallait les aider à se développer, à combler leur retard sur les autres européens. Des milliards d’euros ont été consacrés à cette reconstruction, la solidarité européenne a joué pleinement son rôle.  Mais il semblerait  que la solidarité ne doive fonctionner qu’à sens unique. Quand il a été demandé à ces pays d’Europe Centrale ou de l’Est de manifester leur solidarité avec les autres membres de l’Union  en accueillant, proportionnellement à leur population, à leur PIB,  un certain nombre de demandeurs d’asile sur leur sol, ils ont refusé catégoriquement. Ils ne se sentaient pas concernés.

            Nous n’avons pas été suffisamment attentifs à l’évolution de la politique intérieure  de ces pays. Leurs vieux démons sont de retour, ils s’appellent racisme, xénophobie, ultranationalisme, autoritarisme en  Hongrie, en Slovaquie, en Tchéquie, en Pologne. La droite extrême se renforce en Europe  en présentant un visage plus avenant, moins brutal, moins agressif. Elle veut  profiter de la perte de confiance des électeurs dans les élites politiques traditionnelles. Elle se dé diabolise  à l’image de Marine Le Pen en marginalisant ses éléments les moins présentables, les néo-nazis, qui font, quand même, partie de la famille.
          Norbert Hofer, «un loup dans une peau de brebis» selon Christian Rainer, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire profil, en est le parfait exemple. Il a calqué son attitude sur celle de la présidente du  Front National ; il a plus que doublé le score obtenu par la candidate de son parti à la précédente présidentielle, qui  elle s’affichait proche des néo-nazis. Marine Le Pen exulte elle a salué «un résultat magnifique»  tweetant «bravo au peuple autrichien». Il faut souhaiter, pour la France, pour l’Europe, que sa joie n’aille pas au-delà du premier tour.

             

7 commentaires:

  1. Véronique ALLOUCHE28 avril 2016 à 10:48

    Les partis traditionnels n'offrent plus de rêves. De promesses non tenues en promesses non tenues, le peuple se retrouve devant la triste réalité: chômage, insécurité. Pour l'instant Marine Le Pen se tait, écoute et attend son tour. Elle qui n'a jamais gouverné aura beau jeu le moment venu de présenter une politique démagogue, forte des résultats obtenus en Autriche et autres pays de l'est. Même les juifs, pour une grande part inquiets de leur sort, pris en otages par un islamo-gauchisme, n'hésiteront pas pour beaucoup à lui offrir leurs bulletins de vote, pensant qu'elle défendra leurs intérêts. Triste illusion.
    Bien cordialement
    Veronique Allouche

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  2. Les Juifs de France se font assassiner, quittent la France. En ce moment, sous les gouvernements de la racaille européiste. Cela pourra difficilement être pire avec Le Pen.
    Didier Bous

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  3. Ce ne sont pas les "vieux démons " mais une réponse xénophobe à ce que les Autrichiens et autres Européens de l'Est considèrent comme une menace :l'immigration mal contrôlée et le libéralisme prédateur .

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  4. Marianne ARNAUD28 avril 2016 à 17:20

    Je lis aujourd'hui même, que dans le centre de Marseille une synagogue Or Thora est en passe d'être achetée par une association islamique pour en faire une mosquée. Le président du consistoire israélite de Marseille, Zvi Ammar, d'expliquer : "Ce qui arrive est dû à un transfert des populations." Le même Zvi Ammar qui avait conseillé aux Juifs de ne plus porter la kippa par mesure de précaution.
    Alors comme le disent Véronique Allouche, Jard et Bernard Nival, inutile d'aller chercher plus loin pourquoi le vote FN est aussi important en France, qu'on soit Juif ou pas. Monsieur Akoun a beau jeu de nous rappeler l'Anschluss, de sinistre mémoire, en passant sous silence le développement des mouvements pacifistes des années 1920, le krach de 1929, et le honteux traité de Munich qui avait vu l'Europe se coucher devant Hitler.

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  5. Véronique ALLOUCHE28 avril 2016 à 17:21

    @bernard Nival
    Quand une immigration de cette importance est aussi mal contrôlée, alors oui les peuples se referment sur eux-mêmes et votent les extrêmes. Quant au "libéralisme prédateur", il n'est pas dit que le TAFTA soit signé, il n'est pas dit que l'économie mondiale puisse encore très longtemps faire des profits colossaux au vu des échanges commerciaux qui se réduisent à l'échelle planétaire.
    D'autre part, l'Angleterre est en passe de sortir de l'Europe, ce qui ne manquera pas d'exacerber ailleurs davantage de replis identitaire. Monsieur Akoun a raison, Les vieux démons sont de retour. Quelques pas de plus et l'extrême droite pavoisera tête haute dans une Europe dominée par la peur et le rejet de l'autre.
    Veronique Allouche

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  6. je n'ai pas voulu remonter trop loin dans l'histoire de l'Autriche, mais j'aurai pu rappeler qu'en 1897, Karl Lueger est élu maire de Vienne sur un programme antisémite.

    Il sera réélu jusqu'à sa mort en 1910,malgré la ferme désapprobation du gouvernement impérial. Il avait surnommé Budapest YOUDAPEST. Son souvenir fut rappelé et sa mémoire salués par Hitler lors de son entrée triomphale à Vienne.

    L'Europe centrale, l'Autriche Hongrie en particulier, connut dans son ensemble, à cette époque, une fièvre d'antisémitisme, avec une résurgence de la vieille accusation de meurtre rituel, comme en 1882 à Tiszat Eszlar, en Hongie.

    Et depuis, la température n'a pas baissé!!

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  7. Il me semble que l'on se place dans une autre situation que celle des années 30
    À aucun moment les pays européens, à l'époque, n'eurent à supporter une telle vague migratoire
    À aucun moment, les pays européens de l'époque, ne furent confrontés à une telle propagande culpabilisatrice
    À aucun moment, les populations européennes, ne furent, à l'époque, menacées de déchéance et de perte de rang social, c'était déjà arrivé
    Et pour finir, à aucun moment, elles ne se virent appliquer un tel double standard, bon pour elles et innoapproprie pour d'autres....

    Tirez en les conclusions que vous pourrez

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