LE ROI SALMAN ET
ISRAËL : UNE VIEILLE COMPLICITÉ
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le roi Salman
n’a pas digéré sa mise à l’écart par Barack Obama et il a donc tenté de
diversifier ses relations internationales pour contrer les États-Unis. Il s’est
d’abord tourné vers la Russie puis ensuite vers Israël. Il avait envisagé une
visite en Russie et pour cela avait envoyé le prince Mohammed ben Salman,
prince héritier en second et ministre de la Défense, le 18 juin 2015 à Moscou,
à la tête d’une délégation de haut rang, pour sceller la perte de confiance du
Royaume envers Washington.
Adel al-Jubeir |
La rencontre entre Mohammed ben
Salman et Vladimir Poutine a eu lieu à
Saint-Pétersbourg. Elle prouvait que le Prince a voulu contrer les Saoudiens
proaméricains, le ministre des Affaires étrangères du royaume Adel al-Jubeir et
le prince héritier Mohammed ben Nayef, qui ne cachent jamais leurs liens
étroits avec Washington. Si à l’occasion de cette rencontre des accords ont été
signés concernant le développement de
l'énergie nucléaire pacifique, la recherche spatiale, le logement,
l'électricité et les investissements, en revanche des divergences sérieuses sont apparues
sur la solution du conflit syrien. L'Arabie saoudite, qui envisageait d'envoyer des troupes au sol en
Syrie pour combattre l'État islamique, soutient cependant les adversaires de
Bachar Al-Assad dans la crise syrienne.
Mohammad Ben Nayef |
Le moment était mal choisi après la
rupture avec l’Iran, l’enlisement militaire au Yémen, les déconvenues politiques mais surtout la rivalité interne au sein du Palais entre le fils Mohammad Ben Salman et
le prince héritier en titre Mohammad Ben Nayef. Le roi avait été déçu que la
Russie n’accepte pas de s’engager avec lui dans une aventure militaire en
Syrie avec des conséquences aléatoires. Barack Obama lui avait fait aussi comprendre
qu’il n’était pas prêt à une intervention terrestre en Syrie ni à une livraison de missiles sol-air pour
l’opposition wahhabite et encore moins à envoyer des GI’s mourir pour le bon
plaisir du roi.
Dans cette conjoncture, l’Arabie
saoudite et certains pays arabes ont pratiqué une normalisation discrète avec
Israël, paradoxalement au moment d'une montée en puissance du mouvement du
boycottage d’Israël sur le plan mondial.
L’Iran a été le catalyseur qui a permis la normalisation de facto entre
Israël et les monarchies du Golfe, au départ secrète puis de plus en plus
publique, qui n’a rien à voir avec le rapprochement opéré par les États-Unis
après l’accord sur le nucléaire iranien.
Le journal saoudien Moujtahed, connu
pour la fiabilité de ses informations, a révélé [1] que Salman
bin Abdul Aziz entretenait des contacts avec des dirigeants israéliens depuis
la fin des années 1980 par l’intermédiaire du colonel Ibrahim Osman Al Omair et
de Abdul Rahman Al - Rashed directeur de la chaîne de télévision Al Arabiya News. Ces deux personnalités furent les deux
premiers rédacteurs en chef du journal gouvernemental «Al Charq Al Awsat».
Selon cette revue : «Salman n’était
pas en ce temps représentant d’Al Saoud mais il ne représentait que lui-même. Il
courtisait les sionistes afin de convaincre les Américains de renforcer sa
position dans le Royaume pour augmenter ses chances d’être roi». Salman s’était engagé à ce que son groupe de presse favorise
une normalisation culturelle, intellectuelle et pédagogique entre l’Arabie
saoudite et Israël.
C’est dans ce
contexte qu’était intervenue la rencontre «fortuite» à Washington entre
le directeur général israélien du ministère des affaires étrangères, Doré Gold,
et l’ancien ambassadeur saoudien à l’ONU, le général Anwar, en compagnie du
publiciste saoudien Daham Al Anzi, «lequel a émis le souhait de
l’installation d’une ambassade israélienne à Riyad, terme ultime de la
normalisation entre les deux pays». Le Royaume
hachémite de Jordanie faisait partie des partenaires traditionnels de la
diplomatie souterraine israélo-monarchique.
Mais l’insolite dans cette affaire est que la normalisation ne résulte pas d’une volonté délibérée de Salman parce qu’il y a des doutes sur son état mental (Alzheimer) mais résulterait de la décision de son fils, Mohammad Ben Salman, vice prince héritier et ministre de la Défense et Mohammad Ben Nayef, son neveu, prince héritier et ministre de l’Intérieur. La nomination d’Adel Al Jobeir, ancien ambassadeur saoudien à Washington, au poste de ministre des Affaires étrangères, de même que celle d’Adel Al Tarifi, au poste de ministre de l’information, constituent «une traduction concrète et manifeste du processus de normalisation».
Mais l’insolite dans cette affaire est que la normalisation ne résulte pas d’une volonté délibérée de Salman parce qu’il y a des doutes sur son état mental (Alzheimer) mais résulterait de la décision de son fils, Mohammad Ben Salman, vice prince héritier et ministre de la Défense et Mohammad Ben Nayef, son neveu, prince héritier et ministre de l’Intérieur. La nomination d’Adel Al Jobeir, ancien ambassadeur saoudien à Washington, au poste de ministre des Affaires étrangères, de même que celle d’Adel Al Tarifi, au poste de ministre de l’information, constituent «une traduction concrète et manifeste du processus de normalisation».
Il apparaîtrait que les liens d’Israël
avec les pétromonarchies ont été établis dès la décennie 1980, au lendemain de la
Révolution islamique iranienne. Le journal Moujtahed affirme qu’il s’agissait
d’une manœuvre à double détente ; dégager Israël de toute menace militaire
sur son front nord tandis que l’État juif neutralisait la menace sud grâce au
traité de paix avec l’Égypte. Il prétend que la stratégie
saoudienne avait lâché la bride à Israël pour détruire la centrale nucléaire
irakienne de Tammouz (1981), pour annexer le Golan et Jérusalem (1981), pour envahir
le Liban (1982), pour faire des raids contre le QG tunisien de Yasser Arafat
(1984) et pour assassiner deux de ses principaux adjoints (Abou Iyad et Abou
Djihad).
Les pétromonarchies du Golfe ont choisi la survie de leur trône en faisant le choix d’Israël contre l’Iran. L’alliance militaire de l’Arabie saoudite et du Qatar avec la Turquie, le meilleur allié d’Israël dans la zone, entrerait dans cette stratégie. Il est vrai que la dynastie wahhabite n’a jamais tiré un coup de feu contre Israël.
Les pétromonarchies du Golfe ont choisi la survie de leur trône en faisant le choix d’Israël contre l’Iran. L’alliance militaire de l’Arabie saoudite et du Qatar avec la Turquie, le meilleur allié d’Israël dans la zone, entrerait dans cette stratégie. Il est vrai que la dynastie wahhabite n’a jamais tiré un coup de feu contre Israël.
Plusieurs indices tendent à
justifier cette stratégie. La visite spectaculaire de l’Émir du Qatar à Gaza,
avec le consentement israélien, de même que le débauchage du chef politique du
Hamas Khaled Mechaal de son alliance avec la Syrie et son installation à
Doha, la rencontre de Turki Ben Faysal, tant à Monaco, le 10 décembre 2013 avec
Tzipi Livni, qu’à Davos en février 2014 avec Shimon Pérès, confirment la
tendance du revirement de la diplomatie saoudienne. Le principe de relations
commerciales a été acté à l’occasion de ces rencontres.
L’Arabie saoudite a noué une
coopération technologique avec la société Daront, société High Tech installée à
Ramat-Gan, pour un programme informatique et sa mise en œuvre par une formation
aux États-Unis du personnel saoudien. Par ailleurs, le
royaume a attribué au groupe israélien G4S la responsabilité de la
sécurité du pèlerinage à La Mecque et de l’aéroport de Dubaï. La firme
israélienne AGT, dirigée par un Israélien installé aux États-Unis, a édifié un
barrage électronique dans la région frontalière entre les Émirats Arabes Unis
et le Sultanat d’Oman pour empêcher les infiltrations hostiles.
Yaacov Hadas |
Wikileaks a révélé beaucoup
de câbles diplomatiques concernant le rapprochement entre les pétromonarchies du Golfe
et Israël. En 2009, un câble diplomatique du Département d’État américain donne
un aperçu de cette alliance avec les pays arabes du CCG (Conseil de Coopération
du Golfe). Un câble cite Yaacov Hadas, un officiel du ministère israélien des
Affaires étrangères affirmant que «les Arabes du Golfe croient dans le rôle
d’Israël à cause de la perception qu’ils ont des relations étroites entre
Israël et les États-Unis. Les pays du CCG pensaient qu’Israël pouvait faire des
miracles. Israël et les pétromonarchies avaient aussi un intérêt commun : contrer
l’influence croissante de l’Iran au Moyen-Orient». Hadas poursuivait :
«Ainsi, alors que les deux parties croisaient le fer en public, notamment
lors de l’opération militaire israélienne «Plomb Durci» contre Gaza, l’Arabie
saoudite avait condamné comme étant une «violente agression», les deux pays
entretenaient en sourdine «d’excellentes relations» derrière des portes closes.
Mais les Arabes du Golfe n’étaient pas encore prêts à faire en public ce qu’ils
disaient en privé».
Lors d’une réunion à Washington, au
Conseil des Relations étrangères, commentée sur Bloomberg TV par Eli Lake,
d’anciens officiels de haut rang saoudiens et israéliens ont non seulement
partagé la scène mais ont révélé que les deux pays avaient eu toute une série
de rencontres de haut niveau pour discuter de stratégies communes, concernant
surtout la prédominance de l’Iran sur la région.
L’ancien général saoudien Anwar Eshké a ouvertement appelé à un changement de régime en Iran. De son côté, Dore Gold, ancien ambassadeur israélien à l’ONU, a parlé de sa sensibilisation à ce pays au cours des dernières années et des possibilités d’aplanir les divergences résiduelles entre les deux pays. Il a déclaré: «Le fait que nous soyons ensemble ici sur cette scène aujourd’hui ne signifie pas que nous avons résolu tout ce qui nous sépare depuis tant d’années mais nous espérons fermement y parvenir tout à fait dans les années à venir».
L’ancien général saoudien Anwar Eshké a ouvertement appelé à un changement de régime en Iran. De son côté, Dore Gold, ancien ambassadeur israélien à l’ONU, a parlé de sa sensibilisation à ce pays au cours des dernières années et des possibilités d’aplanir les divergences résiduelles entre les deux pays. Il a déclaré: «Le fait que nous soyons ensemble ici sur cette scène aujourd’hui ne signifie pas que nous avons résolu tout ce qui nous sépare depuis tant d’années mais nous espérons fermement y parvenir tout à fait dans les années à venir».
Sous le double phénomène des
printemps arabes et de l’influence montante de l’Iran, le rapprochement saoudo-israélien
s’est accéléré. En 2014, le prince saoudien Turki Ben Faysal s’offrait le luxe
d’écrire un éditorial dans un grand journal israélien, appelant à la paix entre
Israël et les monarchies du Golfe, ainsi qu’au règlement du conflit
israélo-palestinien.
On peut dire en conclusion que la brouille entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite a fait les affaires d'Israël mais œuvrera certainement pour une paix durable dans la région, ou du moins pour un statu quo pacifique.
[1] http://www.al-akhbar.com/node/235873
On peut dire en conclusion que la brouille entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite a fait les affaires d'Israël mais œuvrera certainement pour une paix durable dans la région, ou du moins pour un statu quo pacifique.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerEn somme, c'est parce qu'en 2011, le Président Obama, tout auréolé de son prix Nobel, a refusé de régler la crise syrienne - lui et sa Secrétaire dÉtat de l'époque, Hillary Clinton, s'étant bercés de l'illusion de la chute imminente de Bachar al-Assad et de son remplacement par son opposition modérée - ce qui a causé des centaines de milliers de morts en Syrie et l'instauration de l'État Islamique, que Israël peut faire ami-ami avec les princes d'Arabie ?
Très cordialement.
Je pense que malgré tout les SAOUDIENS
RépondreSupprimersont beaucoup moins ignorants que
Certains pays qui n'ont pas dépassé
L'époque du MOYEN-ÂGE !