ANDRÉ NAHUM EST MORT
André
Nahum est mort le 7 décembre 2015 alors
que nous avions eu un entretien par téléphone le 3 décembre pour l’informer que
je venais lui rendre visite à la fin de l’année. Pour la première fois, il m’avait
paru pessimiste en me disant «je me fais vieux, mon corps me lâche» et
pourtant il venait de me transmettre sa dernière chronique qui a été très appréciée par les lecteurs de Temps et Contretemps qui aimaient son style concentré.
Cliquer sur la suite pour écouter la dernière chronique du 2 décembre avec la dernière phrase : "à la semaine prochaine si vous le voulez bien". Il n'y aura pas de semaine prochaine.
André
Nahum avait commencé sa carrière de médecin en Tunisie puis à Sarcelles lorsqu’il se décida, comme tous les autres Juifs, à abandonner sa Tunisie natale. Il s'était tellement intégré à sa ville qu'il refusa de la quitter car il était resté attaché à ses patients dont il a soigné au moins
deux générations. Sarcelles avait été la ville des
fonctionnaires et cadres venus d'Algérie et de Tunisie dans les
années 1960. Ils avaient été les pionniers dans une ville qui s’étaient créée
avec ses barres d’immeubles, modernes pour l’époque. Puis petit à petit,
Sarcelles s’était vidée de ses «bons éléments» pour attirer à elle les immigrés de différentes contrées.
Mais André Nahum n’a jamais voulu abandonner
ses patients. Alors que je m’étonnais de le voir encore vivre dans une ville qui avait complétement changé, il m’avait proposé de la découvrir au cours d'une promenade à pied à travers le
centre-ville, la synagogue et le marché coloré. Il m'étonnait de le voir marcher, alerte à 94 ans, en s'appuyant seulement sur une petite canne. J’avais l’impression de me
promener avec un haut personnage de l'Etat car, à chaque pas, nous étions salués par des personnes, des jeunes et des vieux, qui le remerciaient et qui l’exhortaient à
rester toujours auprès d’eux. Il fut le médecin de la ville, des Juifs comme des Arabes parce qu'il parlait leur langue.
Mais
longtemps après avoir posé son stéthoscope, il s’était transformé en écrivain
et conteur avec une verve qu’il avait communiquée à son entourage. Il racontait
sa Tunisie avec ses contes et ses réalités. Il animait chaque semaine sur la radio parisienne
Judaïques-FM (94.8) l'émission culturelle «l'étoile et le jasmin» et présentait
un billet d'humeur politique hebdomadaire reprise par notre site.
Originaire de
Tunisie, André NAHUM, a voulu conserver par ses livres la mémoire de la
communauté juive de Tunisie. Cette communauté, vieille de plus de vingt siècles
a émigré dans son ensemble en France, en Israël et même aux Amériques pour
certains. Sur les 105.000 Juifs présents en Tunisie à la veille de
l'indépendance il ne reste plus aujourd'hui que 1.200. C'est en hommage à ses parents et à ses amis
dispersés qu'il a écrit ses livres pour rappeler en permanence que des Juifs avaient habité la Tunisie.
André
Nahum manquera aux Juifs de Tunisie et à tous les Juifs. C’est un bout de
Tunisie qu’il emporte dans sa tombe, celle de la coexistence pacifique entre
Juifs et Arabes.
http://benillouche.blogspot.co.il/2015/12/paris-centre-du-monde-par-andre-nahum.html
Lire le dernier article du 2 décembre 2015 en cliquant sur le lien
http://benillouche.blogspot.co.il/2015/12/paris-centre-du-monde-par-andre-nahum.html
BIBLIOGRAPHIE
Partir en Kappara, Éditions Piranhas, Paris 1978
Les Contes de Ch'hâ, Éditions Piranhas, Paris 1979
L'Étoile et le Jasmin, La Pensée Sauvage, Grenoble
1979
Le Roi des Bricks, L'Harmattan, Paris 1992
Le Médecin de Kairouan, Ramsay, Paris 1995
Humour et sagesse Judéo-Arabes, Désclées de
Brouwer,Paris 1998
Young Perez Champion, Télémaque Paris 2013
Jacques,
RépondreSupprimerEn dehors d'un excellent analyste politique, ainsi qu'un conteur, je sais qu'il était ton ami..
Je suis désolé, André va nous manquer, et c'est à toi que je présente mes plus sincères condoléances.
Amitiés constantes,
Claude
merci Jacques
RépondreSupprimernous sommes tous très tristes sur Judaïques FM des plus jeunes aux plus anciens, nous n'oublierons pas son bon sourire, son sourire charmeur, son humour, sa gentillesse, ces derniers jours, il avait eu les honneurs de l'édition départementale du Parisien à propos de la parution de son dernier livre, un livre pour les enfants de 5 ans à 90 ans...."L'âne mon frère de lait"
Il est resté assis à écrire devant son bureau réfléchissant à son prochain billet ou à sa prochaine interview: il n'a jamais dételé un homme de qualité nous a quitté
Gérard Akoun
Une très grande perte pour la communauté Tune qui perd un frère et un grand humaniste
RépondreSupprimerMon cher Jacques
RépondreSupprimerQuelle triste nouvelle tu nous annonces ce matin ! Terrible ! André était un peu notre mémoire à nous, tunes. Une mémoire vivante quand on l’entendait à la radio avec sa voix brisée et sa gouaille irrésistible. Mieux même : la mémoire de la Tunisie judéo-arabe qu’il adorait. Avec son départ, c’est un peu de nous-mêmes qui s’en va, un peu de nos racines dont il était le gardien moral. Je l’ai vu pour la première fois, il y a tant d’années, à la sortie de son premier livre sur Ch’ra, tu sais ce personnage un peu naïf mais qui au fond était un gros malin. Je lui ai demandé ou il trouvait toutes ses histoires incroyables. Et si elles étaient vraies jouant moi-même au naîf ! « Bien sûr qu’elles sont vraies ! Au départ, j’ai une petite info sur une histoire, et puis je brode ! Je la raconte à ma façon, comme une « chakchouka » ! » Oui, mais ce n’était pas suffisant comme explication. C’est qu’André avait en plus le talent de raconter, de nous laisser attendre l’issue de l’histoire qu’elle faisait trainer en longueur. Il était un conteur né. Mais André était plus qu’un conteur. C’était une encyclopédie vivante. Il savait tout sur tout. Je crois que sa vocation était le journalisme. Et je salue Jacques Benillouche de lui avoir offert cette tribune dans Slate. Il devait être heureux de cette opportunité. Sans oublier qu’il était chroniqueur sur Judaïques FM. Quand il m’arrivait de faire un reportage sur Sarcelles, c’est à lui que je téléphonais en premier. Il a vu défiler tous les maires de Sarcelles. Il était l’omniprésent, celui qu’il fallait voir avant tout le monde. Il m’avertissait. Il me donnait des conseils. « Celui-là, méfie-toi ! » me disait-il. Ou « celui-là, tu peux lui faire confiance ». Il réagissait sur tout. Tout l’intéressait. Il était un puits de connaissance. Et comme l’a si bien dit Jacques Benillouche, il « s’accrochait » à Sarcelles, sa deuxième patrie. « Partir !, Mais ça va pas ! Et mes patients ». Une conscience professionnelle à toute épreuve. Il avait son vocabulaire bien à lui, avec cet accent tune qu’on adore. En répétant deux fois certains mots. Il était l’honneur des tunisiens. Il nous rendait fier de l’être. Et je crois que si aujourd’hui
J’ai toujours gardé mon accent tune, c’est bien à lui. Il m’a rendu, à mon tour, fier d’être « tune ». Je n’ai jamais voulu changer. Et plus encore aujourd’hui, je le cultiverai même en sa mémoire. Avec son départ, je me sens orphelin de mon enfance, de mes racines qu’il a si bien pu nous faire revivre . A Jamais, il restera dans notre mémoire celui qui, par ses connaissances, sa compétence, nous a donné notre fierté d’être tune ! A toute sa famille, je laisse mes condoléances les plus attristées.
Beaucoup de peine et toutes mes condoléances à sa famille et en particulier à son fils David.
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