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vendredi 6 novembre 2015

Vingt ans après par Gérard AKOUN



VINGT ANS APRÈS

Par Gérard AKOUN



Le 4 novembre 1995, dans la soirée,  à l’issue d’un grand rassemblement sur la place des Rois d’Israël, à Tel-Aviv, Yitzhak Rabin, le premier ministre, était assassiné dans le dos par un jeune extrémiste religieux. Un Juif avait tué un autre Juif parce qu’il n’était pas d’accord avec les accords d’Oslo que le premier ministre avait signés deux ans auparavant avec Yasser Arafat, le chef de  l’OLP,  et qu’il allait faire appliquer.



Rabin en keffieh

Manif anti-Rabin

Je me souviens encore de l’horrible choc que nous avons ressenti en apprenant la nouvelle, en regardant en France, les images à la télévision de Rabin chantant pour la paix puis s’écroulant sous les balles de son assassin. La campagne électorale avait, certes, été très dure, le Likoud et les divers groupuscules d’extrême droite s’étaient déchaînés, des affiches représentant Rabin en uniforme SS, Rabin en keffieh, avaient été placardées dans maints endroits, sans que Benyamin Netanyahou, le candidat de la droite, n’en paraisse choqué et ne s’en offusque. Mais, personne ne pouvait imaginer, pour preuve, la déficience du service de protection du premier ministre, que ces débordements pouvaient déboucher sur un assassinat politique.
Juin 1967

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Yitzhak Rabin n’était pas un pacifiste, ce n’était pas un idéologue, c’était un pragmatique qui a su évoluer tout au long de sa carrière. Lui, le vainqueur de la Guerre des Six-Jours ne voulait pas conserver la totalité des territoires conquis durant cette guerre ; il ne voulait pas créer d’implantations ; il en avait pressenti le danger. Il avait été opposé à la création d’un État palestinien, il avait combattu l’OLP, considéré Yasser Arafat comme un terroriste et réprimé violemment la première intifada. 
Mais cette première révolte palestinienne l’avait convaincu qu’il fallait rechercher une solution négociée avec ceux qu’Israël combattait. Il avait déclaré, je cite de mémoire «qu’il fallait négocier sans attendre l’arrêt du terrorisme et combattre le terrorisme tout en continuant à négocier». Il disait, et pour lui c’était fondamental, «nous n’avons pas créé l’État d’Israël pour y installer un apartheid et pour maintenir une situation où un peuple en dominerait un autre».

Un chemin tracé


Bien sûr, on ne peut pas s’empêcher de penser à la manière, dont la situation aurait évolué si Yitzhak Rabin n’avait pas été la victime de cet attentat mortel. Les accords d’Oslo auraient-ils pu aboutir à un accord définitif ? La question restera sans réponse d’autant qu’un certain nombre de sujets importants comme le statut de Jérusalem n’avaient pas été traités. Mais un chemin avait été tracé que les successeurs d’Yitzhak Rabin, les élections qui ont suivi ont été gagnées par la droite, se sont employés à détruire. Il leur fallait effacer Oslo. Ils s’y sont consacrés!
Barak Rabin

On pouvait croire que la victoire électorale des Travaillistes sous la conduite d’Ehud Barak, en 1999,  permettrait la relance du processus de paix, ce fut un échec. Yossi Belin, un des artisans des accords d’Oslo considère qu’Ehud Barak leur a porté le coup de grâce après l’échec des négociations de Camp David en 2000 en déclarant «qu’il avait démasqué le double jeu du terroriste Arafat et qu’il n’y avait pas d’interlocuteur palestinien». Mais il faut souligner, aussi, la part de responsabilités des Palestiniens dans cet échec,  leur pusillanimité, leur peur de s’engager dans une démarche qui, après accord, mettrait un point final à leurs revendications.

Coma dépassé
 
Place Rabin octobre 2015
Vingt ans après, la situation est bloquée, le processus de paix est en coma dépassé, la droite et  l’extrême droite sont majoritaires dans la société israélienne, la gauche ne représente plus une alternative, la solution de deux États vivant en paix, à côté l’un de l’autre est de moins en moins crédible, on se dirige inéluctablement vers un État binational avec les conséquences que l’on devine aisément. Et Israël est confronté à une nouvelle vague de violences palestiniennes, ces attentats au couteau ou à la voiture bélier qu’on ne peut anticiper et qui font monter, dans les rues de Jérusalem mais aussi dans d’autres villes en Israël, la crainte et la haine entre les Juifs et les Arabes qu’ils soient israéliens ou palestiniens.
Au paradis des pacifistes la place de Rabin était réservée

Un nouveau Rabin se lèvera-t-il en Israël qui aurait le courage politique d’appliquer la séparation entre Juifs et Arabes et de négocier malgré les attentats ? Qui reprendrait à son compte  cette phrase d’Itzhak Rabin : «les risques de la paix sont préférables de loin aux sinistres certitudes qui attendent chaque Nation en guerre».

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