Le
4 novembre 1995, dans la soirée, à
l’issue d’un grand rassemblement sur la place des Rois d’Israël, à Tel-Aviv,
Yitzhak Rabin, le premier ministre, était assassiné dans le dos par un jeune extrémiste
religieux. Un Juif avait tué un autre Juif parce qu’il n’était pas d’accord
avec les accords d’Oslo que le premier ministre avait signés deux ans
auparavant avec Yasser Arafat, le chef de
l’OLP, et qu’il allait faire appliquer.
Rabin en keffieh
Manif anti-Rabin |
Je
me souviens encore de l’horrible choc que nous avons ressenti en apprenant la
nouvelle, en regardant en France, les images à la télévision de Rabin chantant
pour la paix puis s’écroulant sous les balles de son assassin. La campagne
électorale avait, certes, été très dure, le Likoud et les divers groupuscules
d’extrême droite s’étaient déchaînés, des affiches représentant Rabin en
uniforme SS, Rabin en keffieh, avaient été placardées dans maints endroits,
sans que Benyamin Netanyahou, le candidat de la droite, n’en paraisse choqué et
ne s’en offusque. Mais, personne ne pouvait imaginer, pour preuve, la
déficience du service de protection du premier ministre, que ces débordements
pouvaient déboucher sur un assassinat politique.
Juin 1967 |
Contrairement
à ce que l’on pourrait penser, Yitzhak Rabin n’était pas un pacifiste, ce
n’était pas un idéologue, c’était un pragmatique qui a su évoluer tout au long
de sa carrière. Lui, le vainqueur de la Guerre des Six-Jours ne voulait pas
conserver la totalité des territoires conquis durant cette guerre ; il ne
voulait pas créer d’implantations ; il en avait pressenti le danger. Il
avait été opposé à la création d’un État palestinien, il avait combattu l’OLP,
considéré Yasser Arafat comme un terroriste et réprimé violemment la première
intifada.
Mais cette première révolte palestinienne l’avait convaincu qu’il
fallait rechercher une solution négociée avec ceux qu’Israël combattait. Il
avait déclaré, je cite de mémoire «qu’il
fallait négocier sans attendre l’arrêt du terrorisme et combattre le terrorisme
tout en continuant à négocier». Il disait, et pour lui c’était fondamental,
«nous n’avons pas créé l’État d’Israël
pour y installer un apartheid et pour maintenir une situation où un peuple en
dominerait un autre».
Un chemin tracé
Bien
sûr, on ne peut pas s’empêcher de penser à la manière, dont la situation aurait
évolué si Yitzhak Rabin n’avait pas été la victime de cet attentat mortel. Les
accords d’Oslo auraient-ils pu aboutir à un accord définitif ? La question
restera sans réponse d’autant qu’un certain nombre de sujets importants comme
le statut de Jérusalem n’avaient pas été traités. Mais un chemin avait été
tracé que les successeurs d’Yitzhak Rabin, les élections qui ont suivi ont été
gagnées par la droite, se sont employés à détruire. Il leur fallait effacer
Oslo. Ils s’y sont consacrés!
Barak Rabin |
On
pouvait croire que la victoire électorale des Travaillistes sous la conduite
d’Ehud Barak, en 1999, permettrait la
relance du processus de paix, ce fut un échec. Yossi Belin, un des artisans des
accords d’Oslo considère qu’Ehud Barak leur a porté le coup de grâce après l’échec
des négociations de Camp David en 2000 en déclarant «qu’il avait démasqué le double jeu du terroriste Arafat et qu’il n’y
avait pas d’interlocuteur palestinien». Mais il faut souligner, aussi, la
part de responsabilités des Palestiniens dans cet échec, leur pusillanimité, leur peur de s’engager
dans une démarche qui, après accord, mettrait un point final à leurs
revendications.
Coma dépassé
Vingt
ans après, la situation est bloquée, le processus de paix est en coma dépassé,
la droite et l’extrême droite sont
majoritaires dans la société israélienne, la gauche ne représente plus une
alternative, la solution de deux États vivant en paix, à côté l’un de l’autre
est de moins en moins crédible, on se dirige inéluctablement vers un État
binational avec les conséquences que l’on devine aisément. Et Israël est
confronté à une nouvelle vague de violences palestiniennes, ces attentats au
couteau ou à la voiture bélier qu’on ne peut anticiper et qui font monter, dans
les rues de Jérusalem mais aussi dans d’autres villes en Israël, la crainte et
la haine entre les Juifs et les Arabes qu’ils soient israéliens ou
palestiniens.
Au paradis des pacifistes la place de Rabin était réservée |
Un nouveau Rabin se
lèvera-t-il en Israël qui aurait le courage politique d’appliquer la séparation
entre Juifs et Arabes et de négocier malgré les attentats ? Qui
reprendrait à son compte cette phrase d’Itzhak Rabin : «les risques de la paix sont préférables de
loin aux sinistres certitudes qui attendent chaque Nation en guerre».
Israël est la grande blessée de cet attentat sinistre
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