Radio KOL-ISRAËL
LA VICTOIRE D’ERDOGAN
MET FIN À LA TRÈVE ENTRE TURCS ET KURDES
Par Jacques
BENILLOUCHE
Au micro de
Annie GABBAÏ
Au micro de
Annie GABBAÏ
copyright © Temps et Contretemps
Les sondages ont encore frappé. Contrairement à ce qu'ils
prévoyaient, le parti du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a
remporté largement les élections législatives du 1er novembre 2015. Cinq
mois après les dernières élections, Erdogan a retrouvé la majorité absolue au
Parlement turc. Contre toute attente, l’AKP (le Parti de la justice et du
développement), a recueilli 49,2 % des suffrages et raflé 316 des 550 sièges de
députés. C’est une revanche éclatante pour le président turc.
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Une victoire controversée
Attentat de Suruc |
Bien
qu’on ne puisse pas l’accuser d’avoir bourré les urnes, il n’a pas gagné de manière
régulière. Il a joué sur la peur après l’attentat de Suruç, qui a fait 33 morts
le 20 juillet et dont les auteurs sont soupçonnés être des proches de son
parti. Il a pris pour alibi la guerre
qu’il a lancée contre Daesh pour s’en prendre aux troupes du PKK en exigeant de
son peuple une union sacrée.
Le CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) est
arrivé en deuxième position avec 24,5 % des voix, suivi du MHP (Parti de
l’action nationaliste de droite) avec près de 12 %, tous deux en fort recul par
rapport à juin. Erdogan a réussi à amener à lui les nationalistes du MHP, très
hostiles aux Kurdes. Le MHP a été puni pour son attitude peu coopérative dans les négociations de coalition après les dernières élections, perdant 40 des 80 sièges qu'il avait remportés en Juin.
Le parti HDP (Parti démocratique des peuples, pro-kurdes), qui avait fait son entrée triomphale au Parlement en juin dernier en récoltant 13% des voix, a sauvé sa place d’extrême justesse puisque, avec 10,4 % au niveau national, il a tout juste franchi le seuil fatidique. Pourtant le HDP avait réussi à se présenter comme un parti moderniste, réformateur et défenseur de la cause des femmes, ce qui lui avait permis de ratisser large au-delà des électeurs kurdes.
Le parti HDP (Parti démocratique des peuples, pro-kurdes), qui avait fait son entrée triomphale au Parlement en juin dernier en récoltant 13% des voix, a sauvé sa place d’extrême justesse puisque, avec 10,4 % au niveau national, il a tout juste franchi le seuil fatidique. Pourtant le HDP avait réussi à se présenter comme un parti moderniste, réformateur et défenseur de la cause des femmes, ce qui lui avait permis de ratisser large au-delà des électeurs kurdes.
L’attentat a permis à Erdogan d’accuser le HDP d'être lié aux terroristes du PKK afin de le réduire aux seuls électeurs kurdes. Le
gouvernement avait laissé par ailleurs volontairement s’aggraver les conditions
sécuritaires durant le scrutin pour faire croire à des risques d’attentats. Cela avait
empêché le HDP de faire une campagne normale tandis que certains électeurs
kurdes avaient évité de se déplacer devant le risque sécuritaire.
Divisions et disparités
Même si
le premier ministre Ahmet Davutoglu appelle à l’unité : «Aujourd’hui est un
jour de victoire. Aujourd’hui il n’y a pas de perdants mais que des gagnants»,
Erdogan aura du mal à surmonter les divisions et les disparités du pays. Il est
un fait que l’Est de la Turquie, à
majorité kurde, est pauvre tandis que l’Ouest est prospère. D’autre part
Erdogan, malgré sa nouvelle majorité, aura du mal à fusionner les kémalistes, les
laïcs modernistes, les conservateurs islamistes, les musulmans sunnites
majoritaires, les chrétiens et les alévis. Il pourra difficilement réconcilier une
nation qui subit des crises dans une région secouée par les conflits.
Kurdes irakiens |
Erdogan
devra s’attendre à une intensification des combats avec les Kurdes après les
frappes aériennes de son aviation contre des camps kurdes sous prétexte de
combattre Daesh. La coïncidence est frappante puisque le jour où la Turquie est
passée à l’attaque contre l’État islamique, il a simultanément pointé ses
canons contre le PKK qui avait portant respecté un cessez-le-feu durant les
deux dernières années à la suite d’un accord négocié avec le leader emprisonné,
Abdullah Öcalan. Il est vrai que le PKK avait été le premier à rompre la trêve
en tuant en juillet quatre policiers turcs. Les représailles engagées par
l’aviation turque ont alors poussé le PKK à riposter avec une attaque à la
voiture piégée contre un convoi militaire turc dans la ville orientale de Poux
qui a tué deux soldats.
Frappes turques |
Ce cycle
attentats-représailles a mis un terme définitif à l'accord de cessez-le-feu
entre le gouvernement et le PKK. Il complique la participation turque à l'effort
militaire menée par les Américains pour détruire Daesh. Il faut dire les États-Unis
ne sont pas à une ambiguïté près ; ils considèrent le PKK comme une
organisation terroriste mais soutiennent sa filiale en Syrie, GPJ (Unités de défense du peuple), qui organise la libération
de plusieurs cantons kurdes. En fait, les Turcs veulent bien aider les
Américains à éradiquer Daesh mais avec, en contrepartie, la neutralisation des
Kurdes.
Il s’agit d’un coup dur pour les rivaux d’Erdogan. Longtemps
salué comme l’homme du miracle économique turc et comme le seul capable de protéger la nation contre ses ennemis, réels et imaginaires, le chef de l’État est, depuis
les émeutes de Gezi en 2013, dénoncé pour ses méthodes fortes. Cependant, il
reste très populaire dans le pays. Beaucoup pensent que le gouvernement a
profité d’attaquer le PKK pour attiser les sentiments anti-kurdes. Sa victoire va lui permettre de modifier la
Constitution et de donner à la Turquie une présidence exécutive, certainement omnipuissante.
Au moins ,une satisfaction : Cette Turquie ne rentrera pas dans l'Union Européenne
RépondreSupprimer." Il n'a pas gagné de manière régulière ", c'est le moins qu'on puisse dire: deux journaux d' opposition interdits de parution quelques jours avant les élections, des chaînes de télé prises d'assaut en direct par des policiers anti-émeutes.... Et Erdogan ose dire sans sourciller aux médias occidentaux: . "Est-ce votre conception de la démocratie ? Désormais, un parti comptant 50% des voix détient le pouvoir. Cela devrait être respecté par le monde entier, mais je n'ai pas constaté une telle maturité."
RépondreSupprimerD'autre part, pour que la Turquie contiennent ses migrants sur son sol, l'Europe va-t-elle en échange accepter son entrée dans l' UE?
Affaire à suivre...
Bien cordialement
Véronique Allouche