Pages

mercredi 4 novembre 2015

Radio Kol-Israël : la victoire d'Erdogan


Radio KOL-ISRAËL

LA VICTOIRE D’ERDOGAN MET FIN À LA TRÈVE ENTRE TURCS ET KURDES

Par Jacques BENILLOUCHE
Au micro de 
Annie GABBAÏ

copyright © Temps et Contretemps

           
Les sondages ont encore frappé. Contrairement à ce qu'ils prévoyaient, le parti du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a remporté largement les élections législatives du 1er novembre 2015. Cinq mois après les dernières élections, Erdogan a retrouvé la majorité absolue au Parlement turc. Contre toute attente, l’AKP (le Parti de la justice et du développement), a recueilli 49,2 % des suffrages et raflé 316 des 550 sièges de députés. C’est une revanche éclatante pour le président turc.
Cliquer sur la suite pour écouter l'émission de Kol-Israël



Une victoire controversée

Attentat de Suruc

            Bien qu’on ne puisse pas l’accuser d’avoir bourré les urnes, il n’a pas gagné de manière régulière. Il a joué sur la peur après l’attentat de Suruç, qui a fait 33 morts le 20 juillet et dont les auteurs sont soupçonnés être des proches de son parti.  Il a pris pour alibi la guerre qu’il a lancée contre Daesh pour s’en prendre aux troupes du PKK en exigeant de son peuple une union sacrée.
Le CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) est arrivé en deuxième position avec 24,5 % des voix, suivi du MHP (Parti de l’action nationaliste de droite) avec près de 12 %, tous deux en fort recul par rapport à juin. Erdogan a réussi à amener à lui les nationalistes du MHP, très hostiles aux Kurdes. Le MHP a été puni pour son attitude peu coopérative dans les négociations de coalition après les dernières élections, perdant 40 des 80 sièges qu'il avait remportés en Juin.
Le parti HDP (Parti démocratique des peuples, pro-kurdes), qui avait fait son entrée triomphale au Parlement en juin dernier en récoltant 13% des voix, a sauvé sa place d’extrême justesse puisque, avec 10,4 % au niveau national, il a tout juste franchi le seuil fatidique. Pourtant le HDP avait réussi à se présenter comme un parti moderniste, réformateur et défenseur de la cause des femmes, ce qui lui avait permis de ratisser large au-delà des électeurs kurdes.
L’attentat a permis à Erdogan d’accuser le HDP d'être lié aux terroristes du PKK afin de le réduire aux seuls électeurs kurdes. Le gouvernement avait laissé par ailleurs volontairement s’aggraver les conditions sécuritaires durant le scrutin pour faire croire à des risques d’attentats. Cela avait empêché le HDP de faire une campagne normale tandis que certains électeurs kurdes avaient évité de se déplacer devant le risque sécuritaire.

Divisions et disparités

            Même si le premier ministre Ahmet Davutoglu appelle à l’unité : «Aujourd’hui est un jour de victoire. Aujourd’hui il n’y a pas de perdants mais que des gagnants», Erdogan aura du mal à surmonter les divisions et les disparités du pays. Il est un fait que l’Est de la Turquie,  à majorité kurde, est pauvre tandis que l’Ouest est prospère. D’autre part Erdogan, malgré sa nouvelle majorité, aura du mal à fusionner les kémalistes, les laïcs modernistes, les conservateurs islamistes, les musulmans sunnites majoritaires, les chrétiens et les alévis. Il pourra difficilement réconcilier une nation qui subit des crises dans une région secouée par les conflits.
Kurdes irakiens

            Erdogan devra s’attendre à une intensification des combats avec les Kurdes après les frappes aériennes de son aviation contre des camps kurdes sous prétexte de combattre Daesh. La coïncidence est frappante puisque le jour où la Turquie est passée à l’attaque contre l’État islamique, il a simultanément pointé ses canons contre le PKK qui avait portant respecté un cessez-le-feu durant les deux dernières années à la suite d’un accord négocié avec le leader emprisonné, Abdullah Öcalan. Il est vrai que le PKK avait été le premier à rompre la trêve en tuant en juillet quatre policiers turcs. Les représailles engagées par l’aviation turque ont alors poussé le PKK à riposter avec une attaque à la voiture piégée contre un convoi militaire turc dans la ville orientale de Poux qui a tué deux soldats.
Frappes turques

            Ce cycle attentats-représailles a mis un terme définitif à l'accord de cessez-le-feu entre le gouvernement et le PKK. Il complique la participation turque à l'effort militaire menée par les Américains pour détruire Daesh. Il faut dire les États-Unis ne sont pas à une ambiguïté près ; ils considèrent le PKK comme une organisation terroriste mais soutiennent sa filiale en Syrie, GPJ (Unités de défense du peuple), qui organise la libération de plusieurs cantons kurdes. En fait, les Turcs veulent bien aider les Américains à éradiquer Daesh mais avec, en contrepartie, la neutralisation des Kurdes.
Il s’agit d’un coup dur pour les rivaux d’Erdogan. Longtemps salué comme l’homme du miracle économique turc et comme le seul capable de protéger la nation contre ses ennemis, réels et imaginaires, le chef de l’État est, depuis les émeutes de Gezi en 2013, dénoncé pour ses méthodes fortes. Cependant, il reste très populaire dans le pays. Beaucoup pensent que le gouvernement a profité d’attaquer le PKK pour attiser les sentiments anti-kurdes.  Sa victoire va lui permettre de modifier la Constitution et de donner à la Turquie une présidence exécutive, certainement omnipuissante.


2 commentaires:

  1. Au moins ,une satisfaction : Cette Turquie ne rentrera pas dans l'Union Européenne

    RépondreSupprimer
  2. Véronique ALLOUCHE3 novembre 2015 à 18:57

    ." Il n'a pas gagné de manière régulière ", c'est le moins qu'on puisse dire: deux journaux d' opposition interdits de parution quelques jours avant les élections, des chaînes de télé prises d'assaut en direct par des policiers anti-émeutes.... Et Erdogan ose dire sans sourciller aux médias occidentaux: . "Est-ce votre conception de la démocratie ? Désormais, un parti comptant 50% des voix détient le pouvoir. Cela devrait être respecté par le monde entier, mais je n'ai pas constaté une telle maturité."
    D'autre part, pour que la Turquie contiennent ses migrants sur son sol, l'Europe va-t-elle en échange accepter son entrée dans l' UE?
    Affaire à suivre...
    Bien cordialement
    Véronique Allouche

    RépondreSupprimer