ISRAËL : UN GOUVERNEMENT MINÉ PAR LES RIVALITÉS ET LE CHANTAGE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Après des péripéties dignes de la
commedia dell’arte, une farce diront certains, Benjamin Netanyahou a réussi in
extremis à constituer son gouvernement avant la date butoir du 7 mai, selon une
dramaturgie qui s’est jouée dans les alcôves de la résidence du premier
ministre. Les hommes politiques ont improvisé des comédies marquées par la
naïveté, la ruse et l'ingéniosité. Il
était de bonne guerre pour les partis de tirer le maximum d’avantages face à un
premier ministre contraint de rallier une majorité étriquée de 61 députés, sur
120 membres de la Knesset, quitte à renoncer à certains aspects de sa propre
politique. La durée anormale des discussions et des palabres prouve que
Netanyahou a perdu de son aura. Près de vingt années de pouvoir l’ont usé et sa
volonté de se maintenir au pouvoir, coûte que coûte, donne l’impression qu’il a
conduit le dernier combat de trop.
Victoire écrasante de la droite
Les élections législatives du 17
mars 2015, à la proportionnelle intégrale, ont
donné un résultat clair contrairement à celles de 2009 où les deux listes
arrivées en tête n’étaient séparées que d’une voix.
La droite israélienne a remporté une victoire écrasante. Le Likoud a obtenu 30
sièges tandis que l’Union sioniste de gauche 24. La liste arabe, fait rare dans
l’histoire israélienne, est arrivée en troisième position avec 13 députés. Au
lendemain des résultats, Netanyahou avait laissé entendre que son gouvernement
serait rapidement constitué. En effet sur le papier, il pouvait aligner une
coalition de 67 députés de droite comprenant le Likoud (30) conduit par
Benjamin Netanyahou, Koulanou (10) dirigé par le transfuge du Likoud Moshe Kahlon,
les sionistes religieux nationalistes (8) de Naftali Bennett, les orthodoxes
séfarades Shass (7), les nationalistes laïcs d’Avigdor Lieberman (6) et les
orthodoxes ashkénazes (6).
Mais c’était sans tenir compte des
appétits politiques des uns et des exclusives des autres, des exigences de micro-partis
et de la capacité de chantage des clans politiques. Le jeu des chaises
musicales entre ministres est complexe dans le pays du Talmud où l’on sait
pourtant concilier les contradictions apparentes. Les candidats ministres sont
en surnombre alors que le nombre de
portefeuilles a été limité à 18 pour des raisons budgétaires. Ainsi, l’attribution
des ministères ne se fait pas en fonction des compétences personnelles ;
les impétrants sont plutôt choisis pour satisfaire l’équilibre politique entre partis.
C’est aussi sans compter sur les raisons tactiques qui poussent le premier
ministre à placer ses alliés les plus virulents dans des postes difficiles où
ils le gêneront moins ; une sorte de cadeau empoisonné. Ce fut le cas, au
dernier gouvernement, du journaliste centriste Yaïr Lapid nommé aux finances
auxquelles il n’était pas familier.
Pas de centristes
Arie Dhery |
Le
gouvernement est nettement marqué à droite puisque les centristes ne l’ont pas
rejoint pour instiller une dose de modération là où les partis nationalistes prédominent.
Après un intermède de deux ans, les partis religieux s’imposent en force grâce
à leurs 13 députés indispensables à la constitution d’une majorité. Ils reviennent avec des exigences démesurées.
Ainsi,
un repris de justice a retrouvé un grand poste ministériel. Arie Dhery,
ex-ministre de l’Intérieur, avait été condamné à 3 ans de prison ferme en 1999
pour corruption passive après avoir été reconnu coupable d’avoir détourné 155.000$
de pots de vin à des fins personnelles. Après deux ans passés derrière les
barreaux, il reprend à nouveau du service. Il voulait au départ le ministère de l’intérieur pour
disposer d’un budget conséquent à distribuer à une partie de ses fidèles. Il a
été débouté et sera ministre de l’économie mais il a obtenu en revanche, avec
le soutien des orthodoxes ashkénazes, que le nouveau gouvernement gèle les
réformes en cours sur les lois de conversion d'Israël, annule les compressions budgétaires
concernant les prestations pour enfants et révoque les sanctions pénales dans
la loi d'enrôlement universel.
La
surprise est venue, deux jours avant la date limite, du laïc et nationaliste
Avigdor Lieberman qui avait négocié son maintien aux affaires étrangères. Il a
brutalement refusé son poste parce qu’il «n’est pas bon pour nous de
rejoindre la coalition actuelle, qui ne veut pas d’un gouvernement
nationaliste, mais se bat pour construire un gouvernement opportuniste et
conformiste». Sa décision avait été prise depuis longtemps mais il avait
tenu à compliquer la tâche du premier ministre en l’informant à la dernière
minute.
Il n’est pas à sa première manœuvre puisqu’il avait déjà opéré un revirement centriste; il entrevoyait une cohabitation très difficile avec les orthodoxes qui ont exigé de détricoter des lois votées par le gouvernement précédent. Son départ est cependant perçu comme un élément positif au moment où Israël subit un isolement diplomatique dramatique. Il considérait son poste comme un titre de propriété alors qu’il était tricard dans toutes les chancelleries occidentales. Sa seule réussite aura été l’amélioration des liens avec les pays de l’ex-URSS et sa relation personnelle avec le Russe Poutine.
Il n’est pas à sa première manœuvre puisqu’il avait déjà opéré un revirement centriste; il entrevoyait une cohabitation très difficile avec les orthodoxes qui ont exigé de détricoter des lois votées par le gouvernement précédent. Son départ est cependant perçu comme un élément positif au moment où Israël subit un isolement diplomatique dramatique. Il considérait son poste comme un titre de propriété alors qu’il était tricard dans toutes les chancelleries occidentales. Sa seule réussite aura été l’amélioration des liens avec les pays de l’ex-URSS et sa relation personnelle avec le Russe Poutine.
Retour
des religieux
Les
sionistes religieux, dont la «clientèle» se trouve en majorité dans les
territoires de Cisjordanie, ont perdu le ministère clé de la construction grâce
auquel ils avaient multiplié les projets immobiliers pour leurs amis
politiques. Moshé Kahlon a promis de rediriger les fonds vers des constructions
sociales à l’intérieur de la «ligne verte» pour la classe défavorisée et les jeunes
couples. Naftali Bennett, leader des sionistes religieux, lorgnait sur les
affaires étrangères ou sur la Défense. Il a dû se contenter du ministère de
l’éducation tandis que sa protégée Ayelet Shaked a été nommée au ministère de
la Justice. L’ancien ministre de la construction Ouri Ariel hérite de
l’agriculture. Ces lots de consolation
risquent de susciter des ressentiments qui pourraient faire éclater la
coalition au premier conflit politique.
Shaked-Bennett-Netanyahou |
Bennett a été sanctionné pour n’avoir
obtenu que 8 sièges à la Knesset alors qu’il en espérait au moins 15. Il a ramené son parti HaBayit Hayehudi, Foyer
Juif, au niveau qui prévalait au parti National religieux quand il l’avait absorbé.
Il est à présent contesté par ses militants déçus qui réclament son remplacement
pour ses choix de campagne désastreux. Netanyahou,
qui a été l’objet d’un chantage de sa part à quelques heures de la date limite,
a été contraint de se plier à ses exigences mais il est fort probable qu’il le
lui fera payer très cher, à l’occasion. On imagine déjà l’ambiance qui régnera
au Conseil des ministres.
Herzog-Livni-lapid |
L’opposition
est inquiète des prétentions des orthodoxes qui rejettent la loi concernant la
conscription obligatoire des étudiants des écoles talmudiques faisant dire à
Yaïr Lapid : «Netanyahou vend les valeurs de l'État d'Israël en échange
d'une coalition». Pour forcer les partis à restreindre leurs exigences,
Benjamin Netanyahou avait laissé planer la menace de constituer un gouvernement
d’union nationale avec la gauche d’Isaac Herzog et le centre de Tsipi Livni qui
ne semblaient pas très chauds à entrer dans une coalition hétéroclite. Les
thèses étaient trop opposées pour être conciliables, en particulier sur le
principe de cession de terres aux Palestiniens dans le cadre d’un nouvel
État.
L’originalité
de la gouvernance israélienne tient dans l’existence du Cabinet de sécurité des
sept ministres les plus importants, le saint
des saints, là où sont discutées les questions sécuritaires et diplomatiques et
où se décident les véritables projets politiques à la majorité simple. L’attribution
des places dans ce cabinet fera l’objet de nouvelles palabres.
Les
défis du nouveau gouvernement
Kahlon-Netanyahou |
Le gouvernement est totalement
homogène puisqu’il n’inclut que des membres de droite, totalement opposés aux
négociations avec les Palestiniens et au principe même de «deux États pour
deux peuples». La convergence idéologique au sein de ses membres
n’empêchera pas cependant les conflits internes, surtout entre les trois tendances
du judaïsme religieux : les sionistes religieux et les orthodoxes séfarades et
ashkénazes, qui s’opposent sinon se combattent sur le plan politique et
cultuel. Mais avec une majorité d’une seule voix, le gouvernement ne pourra
durer que par la crainte de nouvelles élections.
La composition étriquée de la
majorité renforce l’opposition qui ne restera pas inerte sur les tentatives du
gouvernement d'adopter des lois destinées à affaiblir les pouvoirs de la Cour Suprême
d'Israël, à la fois Conseil Constitutionnel
et Cour de cassation à la française. Cette Cour, qui résiste encore aux
allégeances politiques, est le pilier de la démocratie de l'État juif. La
nouvelle coalition cherchera à la museler pour l’empêcher d'invalider des lois
votées par la Knesset. Si le nouveau gouvernement réussit dans son entreprise
alors, il n’y aura plus de contre-pouvoir politique.
Le gouvernement aura à arbitrer
les ambitions de deux leaders de partis qui cherchent à en découdre pour
évincer l’autre. Moshé Kahlon, après la difficile expérience de son
prédécesseur Yaïr Lapid qui n’a jamais pu appliquer son programme, devra
prouver son degré d’autonomie au ministère des finances. Il a certes montré
dans le passé son indépendance et sa fermeté sur ses principes. S’il veut assurer
son avenir politique au sommet et devenir le prochain calife, il cherchera
à se distancier d’un premier ministre usé sachant que son concurrent, Naftali
Bennett, a perdu du terrain dans la course au poste de premier ministre. Contrairement
à lui, il n’a pas commis l’erreur de ne viser que les habitants des
implantations et de s’opposer aux laïcs qui constituent 70% de la
population.
Un
gouvernement de guerre
Le nouveau gouvernement risque
d’être un gouvernement de guerre au sens propre comme au figuré. Les activistes
ne manquent pas dans les partis religieux. La guerre intestine entre les partis,
qui se sont imposés par le chantage, se manifestera dans toutes les décisions
gouvernementales. Compte tenu de l’idéologie homogène des tenants de la droite,
aucune amélioration n’est attendue dans les relations avec les États-Unis ;
la guérilla avec Obama ira de plus belle à la veille de la campagne présidentielle
américaine.
Toutes les composantes de la
coalition refusent la création d’un État palestinien ce qui conduira à une
impasse avec les Palestiniens et probablement à des troubles avec la population
civile. Enfin, le nouveau gouvernement devra décider de sa stratégie finale
vis-à-vis de l’Iran. Les va-t’en guerre risquent de pousser à une frappe
militaire contre les installations nucléaires, donc à la guerre probable.
Les marges de manœuvre de
Benjamin Netanyahou sont très étroites conduisant à un gouvernement instable. Affaibli
face à Obama, il aura du mal à peser dans la recherche d’une solution
acceptable avec l’Iran. L’horizon politique est sombre parce qu’Israël n’a
toujours pas trouvé son homme d'État charismatique. Aucun dirigeant politique, ni aucun
parti, n’est en mesure aujourd’hui de gagner une élection israélienne
législative. Tant que le système électoral à la proportionnelle intégrale n’est
pas réformé, les coalitions ne pourront jamais durer une législature complète. Les
urnes sont à peine rangées qu’on envisage déjà d’en faire usage dans un très
proche avenir sauf si, comme les bruits courent, Netanyahou une fois installé
au nouveau gouvernement, fait appel aux travaillistes pour un gouvernement
d’union nationale qui permettra d’éliminer les trublions qui ont usé de
chantage pour s’imposer. Il ne pardonnera pas d'avoir été humilié.
Extrait de l'Opera-comique " La fille de Madame Angot"
RépondreSupprimer*à l'Attention de Benyamiun Nathanyaou :
C'nétait pas la peine
C'nétait pas la peine
C'nétait pas la peine assurément
De changer de gouvernement !....
A.N
Après lecture de cette analyse sur la formation du gouvernement de Bibi on peut être certain que le processus de Paix est bien enterré et que l'avenir des Palestiniens s'annonce très noir et je n'ose même pas penser à une solution qui pourrait être fatale pour ne pas dire finale pour eux !!!! Plutôt qu'une nouvelle guerre qui serait un nouveau triomphe des salauds reste la possibilité que ce gouvernement saute et le plus rapidement possible ! "La guerre est un mal qui déshonore le genre humain" ( Fénélon)
RépondreSupprimerLes sites communautaristes francophones (oui je sais, ce sont mes chouchous) et leurs journaleux auto proclamés analystes politiques nous ont bassiné avec l'écrasante victoire du likoud, le génie politique de Bibi, le triomphe des valeurs du judaïsme et du sionisme authentique.
RépondreSupprimerBen voilà, le génie a formé son gouvernement et il est à l'image de ses électeurs, ceux là même qui se récitent à longueur de journée des mantras sur l'unité du peuple juif, l'amour désintéressé de son prochain et de la patrie.
Conformément à la phrase célèbre de Voltaire, on ne saurait que trop leur conseiller d'invoquer le Tout-puissant pour les protéger de leurs amis.
Je suis à 101% d'accord avec l'analyse de ce journaliste.Ce gouvernement est l'anti Israel de ses pionnier.Ils sont un danger.Avec un siège de plus,ce serait un miracle qu'il tienne 2 ans.Je ne comprend pas comment Kahlon peut rester,si ce n'est pour être le prochain 1er ministre.Une honte par rapport à son programme politique.S'il demissione une coalition de centre gauche est possible.
RépondreSupprimerAprès la victoire du Likoud, tous les pessimistes, les "gauchistes" et les centristes n'avaient plus qu'à se taire.
RépondreSupprimerle roi bibi, était là pour sauver le peuple, la droite était glorieuse, tous les biographes de bibi le saluaient comme une valeur sure d’Israël...
dans les faits, ses objectifs sont:
- de faire taire la cour suprême,(place aux magouilles),
- d'enterrer la conscription,
- de bâtir au delà de la ligne verte,
- de mettre l'orthodoxie religieuse comme seule forme de judaïsme,
- de donner une image d’Israël encore plus isolée sur le plan international, et enfin d'ignorer les voisins directes d’Israël avec qui il y a un contentieux territoriale.
pour un programme c'est un beau programme.
ce gouvernement ne durera pas plus de deux ans. en interne vu le nombre de coups tordus, il va exploser en vol sous peu.
pour conclure je finirai par une phrase de monsieur Benillouche: "Les urnes sont à peine rangées qu’on envisage déjà d’en faire usage dans un très proche avenir"....