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jeudi 26 mars 2015

LE CAS MARINE LE PEN


LE CAS MARINE LE PEN

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


            
          En Israël, on a peu suivi les élections départementales françaises, les franco-israéliens n'y votant pas et se remettant à peine des violentes confrontations des législatives israéliennes. La politique française paraît lointaine mais le sort de la France interpelle et préoccupe. De dérive en dérive, le cas Marine Le Pen s’impose dans le paysage français. Il ne faut pas utiliser la langue de bois et accepter le fait que Marine le Pen a gagné les élections départementales, et que la France a perdu, droite et gauche confondues.



Vierges effarouchées

            Tous les observateurs paraissent surpris du résultat de Marine le Pen. Ou bien ils cherchent à faire preuve d’angélisme, ou bien ils tentent de jouer aux vierges effarouchées. La situation était prévisible car elle avait annoncé son programme tout comme Hitler avait écrit Mein Kampf sans que personne n’ait voulu le croire. Marine a préparé le terrain depuis 2007 alors qu’elle n’était que la fille de son père. Elle avait alors commencé patiemment à tisser les mailles du filet pour enserrer les naïfs et les croyants à la religion de l’illusion. 
          Elle avait déjà son programme qu’elle avait décliné dans la première interview à un journaliste israélien. Mais on ne l’a pas crue ou pas voulu l’entendre parce qu’on ne croyait pas à sa capacité  de convaincre les déçus des politiques de droite et de gauche, les délaissés de la vie et les moins que rien  Elle était considérée comme quantité négligeable sans avenir politique parce qu’elle était censée ne pas avoir le même charisme que son père.

Les critiques à mon égard, auteur de cette interview, avaient été virulentes parce qu’il était interdit qu’un Juif, qui plus est israélien, lui donne la parole comme s’il s’agissait du diable en jupons. On avait dit que j'avais été ensorcelé. Elle avait accepté mes conditions de l’enregistrer dans les conditions du direct mais elle tenait à me recevoir au «paquebot» où l’endroit était plus sûr pour elle. Mais le journaliste était devenu un traître à la cause des Juifs et ses détracteurs ont jugé qu’il ne fallait pas écouter Marine le Pen, ni la contredire ou même l’attaquer ; interroger le diable c’est le soutenir ; lui ouvrir les colonnes d’un journal c’est lui permettre de lui donner une tribune pour développer ses idées. Or Marine le Pen n’avait pas besoin d’un journaliste israélien pour exposer ses thèses mais s’ils l’avaient écoutée à l’époque, ceux qui s’inquiètent aujourd’hui de sa popularité, auraient pu anticiper le résultat du 22 mars 2015.


Une anticipation des faits


Tout était pourtant dit dès 2007 quand elle a ratissé large pour lisser le programme de son père, il suffisait de l’écouter : «Je n’ai pas été élevée dans l’antisémitisme et je ne me sens en aucun cas responsable de ce qui s’est passé pendant la dernière guerre…. Moi, je ne vais pas chercher des voix car je pense que nos compatriotes juifs sont assez intelligents pour se rendre compte, encore une fois, que J.M Le Pen porte un programme qui est un programme de sauvegarde de la France. C’est vrai que  la communautarisation, l’islamisation de pans entiers de notre société, notamment par l’islamisme, est à mon avis un véritable cancer. Je crois que les Juifs se rendent compte de cela et par conséquent, ils vont se tourner d’eux-mêmes vers nous. Moi je ne veux pas aller chercher les voix, niche par niche, en faisant des promesses inconsidérées. Nous avons tous, et nous le savons, un destin commun dans une nation à laquelle nous tenons  et rien que cela nous suffit pour marcher main dans la main.»
 Elle avait poursuivi avec une sorte de voyance sur ce qui allait se passer : «Nous soutenons déjà ceux qui combattent l’intégrisme en France, et en ce sens nous sommes les adversaires du gouvernement car il a non seulement laissé l’intégrisme se développer dans notre pays mais il l’a encouragé puisqu’il l’a reconnu par l’intermédiaire du Conseil Français du Culte Musulman. La lutte contre l’intégrisme, l’intégrisme islamiste en particulier, fait totalement partie de notre programme.»

Elle portait alors un regard qui anticipait l’actualité d’aujourd’hui. L’interview  a été  enregistrée en 2007 et nous n’avons pas ensemble réécrit l’Histoire  a posteriori alors qu'elle avait montré une certaine vision réaliste de la politique internationale : «Le F.N n’a pas soutenu Saddam Hussein ; il a fait une analyse qui je crois est encore juste aujourd’hui. Le FN a dit : attention, l’Irak est le seul pays laïc qui respecte les minorités non musulmanes, spécialement chrétiennes. Il est sûr que Saddam Hussein est parfaitement contestable sur le plan démocratique et on ne peut pas dire d’ailleurs que dans cette région du monde il y ait beaucoup de démocraties. Mais en abattant ce pays laïc, on risquait très fortement de faire venir au pouvoir un pouvoir islamique, intégriste, excessif et peut-être même terroriste».

Anticipation

En 2007, elle avait déjà prévu de ratisser large dans tout le spectre politique, de la droite à la gauche et nous nous étonnons aujourd’hui que des communistes votent pour elle : «Le F.N est à la droite de personne. Nous sommes un parti qui est ni de droite, ni de gauche. Nous sommes des nationaux, des patriotes et en tant que tels, nous avons vocation à attirer à nous des gens qui doivent venir de tous les horizons politiques. C’est pour cela que je lutte et je le dis souvent à mes amis juifs : attention, je comprends que vous ayez, bien entendu, une affection toute particulière à l’égard d’Israël, mais ne voyez pas non plus tous les problèmes français en fonction d’Israël. Israël a ses problèmes et ils sont extrêmement lourds ; ils se recoupent en partie avec ceux de la France. Mais moi je suis une femme politique française, et ce qui m’importe c’est que mon pays reste préservé de l’ensemble des maux dont il est en train de souffrir ; je crois que beaucoup de nos compatriotes juifs sont très conscients de cela. Ils doivent rejoindre le combat national».

Avant de la quitter, elle m’avait fait visiter l’un des bureaux qu’elle réservait à des jeunes Juifs en mal d’aventure, qui l’avaient rejointe pour «casser de l’arabe» en arborant le drapeau israélien. J’avais été surpris que des jeunes de notre communauté se fussent dévoyés dans ce chemin sans issue.
On l’a laissée agir sans la contrer politiquement, sans argumenter contre son programme, sans mettre en évidence les anomalies de son programme économique. Alors on se console comme on peut en arguant que sa victoire, car victoire il y a, n’est pas aussi triomphale que prévue. On sait ce qu’il en est en Israël des sondages faits pour induire en erreur l’électeur. Dans son cas on les a gonflés pour diffuser la peur tandis qu’elle mettait en exergue la désillusion des politiciens, le chômage et la crise économique. Des points qui touchent leurs cibles. On n’a que faire des pourcentages obtenus, ils sont déjà trop élevés alors que les politiciens de droite et de gauche, avides de pouvoir, se querellent pour ramasser quelques miettes qu’elle leur a laissées.

Sarkozy est heureux car il peut sécuriser son pouvoir sur l’UMP et prétendre à nouveau à la magistrature suprême. Le deuxième tour le met à l'abri d'une mauvaise surprise. François Hollande n’avait rien à attendre de ces élections perdues d’avance. Il compte toujours sur une inversion de la courbe du chômage et l’amélioration de la situation économique pour revenir en force. Illusions car le temps presse. Manuel Valls a pour fonction de tempérer des résultats médiocres même s’il les trouve moins mauvais que prévus. C’est une habitude des politiciens de ne jamais voir la vérité en face et de ne chercher que des arguments optimistes dans un échec.

La position du ni-ni de Sarkozy est déplorable parce qu’il sait déjà que cela ne changera rien à la situation dramatique des socialistes au second tour mais, de là à favoriser Marine le Pen, il commet une bourde qui ne le grandit pas. On ne tire pas sur une ambulance. Quelques conseillers de gauche de plus ou de moins ne changent rien à l’impression de lassitude d’un régime qui n’en finit pas de s’étioler. En revanche, quelques conseillers supplémentaires FN pourraient permettre à Marine le Pen de se construire une base électorale pour l’élection présidentielle de 2017 qui n’est pas encore gagnée par les partis républicains.

   

7 commentaires:

  1. Marianne ARNAUD24 mars 2015 à 07:11

    Deux gagnants, un perdant
    Quelques minutes seulement après la fermeture des derniers bureaux de vote, à la surprise générale sur les plateaux de télévision, Manuel Valls, prenant la parole depuis l'Hôtel Matignon, se réjouissait qu' « un électeur sur deux est allé voter. » Il n'en attendait pas tant. « Ce soir le FN n'est pas la première formation de France », croit-il pouvoir assurer alors que le décompte des voix est loin d'être terminé. Et le voilà qui se félicite de s'être personnellement engagé contre le FN.
    Mais la vérité est tout autre, car si le FN, avec 25,19 % est au-dessous de ce que promettaient les sondages, il n'en reste pas moins qu'il a gagné 10 points par rapport aux élections cantonales de 2011. Dans une élection qui ne lui est pas favorable, où il ne comptait qu'un seul élu, le voilà présent dans 1108 cantons au second tour. Avec quatre élus à l'issue du premier tour, il arrive en tête dans quarante-trois départements.
    L'Union de la Droite et du Centre : UMP-UDI-UD et MoDem, réalise un score de 28,75 %, avec 110 élus au premier tour.
    Pour la Gauche, quoiqu'en dise et en pense monsieur Valls, c'est la Bérézina. Elle obtient 21,85 % des suffrages, son plus mauvais score depuis cinquante ans, aux dires d'Olivier Duhamel ! La Gauche toutes tendances confondues subit un recul d'environ 14 points par rapport à son score de 2011. Au second tour elle risque d'être absente dans plus de 500 cantons.
    Le second tour signera donc le triomphe de la Droite qui se verra s'inverser les forces avec le PS et même au-delà en devenant peut-être majoritaire dans soixante-dix départements.
    Nous en reparlerons la semaine prochaine.

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  2. Véronique ALLOUCHE24 mars 2015 à 08:52

    Comment ne pas s'intéresser aux élections départementales?
    Français d'Israël, réveillez-vous! Vous avez pour la plus part de la famille en France et le score historique du FN devrait vous interpeller!
    Vous vivez sur la planète Mars, revenez sur Terre et essayez deux minutes d'anticiper sur les prochaines élections régionales puis présidentielles...
    Véronique Allouche

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  3. Marianne ARNAUD24 mars 2015 à 08:59

    Cher monsieur Benillouche,

    Passons sur le procédé qui a consisté à mettre en commentaire un billet que j'avais écrit avant d'avoir lu votre article dans lequel, en liminaire, vous comparez Marine Le Pen à Hitler et son programme à Mein Kampf.
    Dans cet article vous nous racontez que, en tant que journaliste, vous avez rencontré Marine Le Pen et 2007, et vous nous expliquez qu'elle avait montré beaucoup de clairvoyance dans le regard qu'elle portait sur la communautarisation et l'islamisation de la société française rongée par l'islamisme.
    "La lutte contre l'intégrisme, l'intégrisme islamiste en particulier, fait totalement partie de notre programme". Que ne l'a-t-on entendue, alors que l'UMP reconnaît aujourd'hui que ce fut une erreur d'instaurer le CFCM !
    Mais, pour en revenir à l'élection départementale, la classe médatico-politique s'est tant aveuglée sur l'intégrisme de plus en plus prégnant de notre société, laissant au FN seul le soin d'en parler, que voilà Marine Le Pen durablement installée dans notre paysage politique représentant le quart du corps électoral.

    Très cordialement.

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  4. " Tous les observateurs paraissent surpris du résultat de Marine le Pen " De quels observateurs parlez-vous ? Parce qu'en France, personne, absolument personne, n'est surpris par le score du FN , sauf peut etre les instituts de sondages qui, sur ces élections, la plaçaient à près de 30%. Autrement dit, les sondages, comme en Israel avec Bibi, se sont plantés.

    Comparez comme vous le faites, insidieusement, MLP avec Hitler est, pardonnez-moi, grotesque. et vous le savez.

    Cordialement,

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  5. Jacques BENILLOUCHE24 mars 2015 à 11:43

    Mon cher Corto,

    Vous interprétez mal mon texte.

    Je n’ai fait aucune comparaison entre le Pen et Hitler, loin de moi cette idée. En revanche j’insiste à dire que les deux ont publié un programme auquel personne ne voulait faire attention. Si on avait lu Mein Kampf, on n’en serait pas là. Si on avait écouté avec attention Marine le Pen, on n’en serait pas à se désoler pour son score élevé.

    Mon propos est surtout d’inciter les politiques à tenir compte des écrits.

    Dans le même ordre d’idée et sans faire de comparaison fallacieuse, j’avais écrit par ailleurs que l’idéologue de Daesh, Al SOURI, avait écrit un essai où il prescrivait dans le détail ce que Daesh réalise aujourd’hui. On a tout à coup l’air surpris alors que tout est décrit par le menu détail dans son opuscule.
    Merci pour votre commentaire.

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  6. Marianne ARNAUD24 mars 2015 à 13:56

    Cher monsieur Benillouche,

    Permettez-moi d'apporter un peu d'eau au moulin de Corto 74.
    Vous n'êtes ni le premier, et sans doute ne serez-vous pas le dernier à mêler dans une même phrase, Marine Le Pen, Hitler et Mein Kampf, en utilisant l'adverbe "comme", qui fait de votre phrase, que vous le vouliez ou non, une phrase comparative d'égalité.
    Ce procédé qui nous a été infligé depuis tant d'années par la classe politico-médiatique française et dont le but était ouvertement de diaboliser le FN, semble avoir atteint ses limites. Les sociologues observateurs de la vie politique n'hésitant plus à affirmer que cette méthode était contre-productive, et qu'elle avait largement contribué à l'effet inverse de celui recherché.
    Et les électeurs commencent à se rendre compte que pendant qu'on ne parle que de Marine Le Pen, on ne parle plus, ni du chômage, ni de la désindustrialisation, ni du manque de logements, ni de la dette, ni des impôts, ni même de la terreur islamiste qui menace toujours notre société.

    Très cordialement

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  7. Pourquoi voulez vous que les électeurs de l'UMP apportent leur suffrage aux candidats socialistes? Pour conforter le Président Hollande et avaliser les 600.000 chômeurs supplementaires et les 40 milliards d'impôts nouveaux ?
    La Droite républicaine n'a rien à faire avec le PS et rien a voir avec le FN .Elle est en tête et elle vise l'alternance .Si Marine Le Pen est premiere ou deuxième le candidat de l'UMP sera élu .Si le PS était en pôle position c'est le raisonnement qu'il tiendrait, préférant avour un second tour avec le FN qu'avec le PS.
    On est tous d'accord?

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