DES MOYENS PLUS MUSCLÉS CONTRE
LES TERRORISTES
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
copyright © Temps et Contretemps
Beaucoup de lecteurs, comme Michaël, sensibilisés par les attentats de Paris, nous posent des questions qui méritent d'être soulevées en particulier sur «l’échec des services de renseignement français. Les Français seraient très en retard en matière de surveillance électronique, par rapport à la NSA américaine ou l'unité 8200 israélienne. Pire ils auraient refusé l'aide des États-Unis et d'Israël en la matière avec beaucoup d'arrogance. Résultats : les terroristes pourtant fichés ont pu préparer une attaque coordonnée à Paris en toute tranquillité». Or, après notre entretien avec le professeur Ami Moyal, spécialiste des écoutes en Israël, en janvier 2015, tout avait été pourtant publié sur les menaces sécuritaires contre la France. Les experts avaient mesuré le danger mais rien n'a changé.
Nous reproduisons intégralement notre article de janvier 2015 qui n'a subi aucune ride.
Les 17 victimes des barbares |
C’est toujours dans l’urgence que les décisions gouvernementales françaises vont être prises alors que depuis le 11 septembre 2001, les Américains avaient décidé de mettre tous les moyens de haute technologie à la disposition des services de renseignements. La presse française titre sur les ratés à répétition du renseignement français d’où il ressort clairement que les assassinats des journalistes de Charlie Hebdo et des victimes de l’Hyper Cacher sont dus à des lacunes ou à des défaillances de la police trop rigoureuses face aux exigences du droit du citoyen.
Barbares sanguinaires
Or les États-Unis et Israël
avaient compris qu’avec des barbares usant de méthodes sanguinaires il fallait
se comporter comme eux, à la limite en voyous, en écornant éventuellement les
règles du droit si la vie de leurs citoyens était en jeu. Les Américains ont
donc décidé, sans hésiter et sans faire tourner la lourde machine juridique qui
protège les citoyens, de voter le Usa Patriot act, une loi pour unir et
renforcer l'Amérique en fournissant les outils adaptés pour déceler et contrer
le terrorisme. Cette loi antiterroriste a été rapidement votée par le Congrès
des États-Unis et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001, dans un délai
record de 45 jours.
Aujourd’hui en France le combat
contre le djihadisme ne peut être efficace que si l’on applique les mêmes
règles du Patriot Act qui effacent la distinction juridique entre les
enquêtes effectuées par les services de renseignement extérieur et la police
criminelle dès lors qu'elles impliquent des terroristes. Comme aux États-Unis
et en Israël, les statuts de combattant ennemi et de combattant illégal permettent
au gouvernement et à la justice des mesures d’exception pour détenir sans
limite et sans inculpation toute personne soupçonnée de projet terroriste.
Dans la pratique, les services de sécurité de ces pays ont le droit d’accéder aux données informatiques détenues par les particuliers et les entreprises, sans autorisation préalable de la justice et sans en informer les utilisateurs. Il ne s’agit pas d’augmenter le nombre de fonctionnaires sécuritaires ou le budget réservé au contre-terrorisme mais de doter la police d’outils modernes pour traquer les mails, intercepter les échanges et éradiquer les terroristes.
Dans la pratique, les services de sécurité de ces pays ont le droit d’accéder aux données informatiques détenues par les particuliers et les entreprises, sans autorisation préalable de la justice et sans en informer les utilisateurs. Il ne s’agit pas d’augmenter le nombre de fonctionnaires sécuritaires ou le budget réservé au contre-terrorisme mais de doter la police d’outils modernes pour traquer les mails, intercepter les échanges et éradiquer les terroristes.
Ami Moyal |
Pour répondre aux exigences des services de renseignements et donner
consistance à leur projet, les spécialistes israéliens ont été sollicités,
comme d’autres universités américaines, pour donner aux enquêteurs les nouveaux
moyens techniques. Le professeur Ami Moyal m’a reçu dans son bureau de
l’Université d’Afeka, au nord de Tel-Aviv. Il a gardé la simplicité de ses
origines modestes puisque ses parents ont émigré du Maroc dans les années 1950
pour s’installer au sud du pays, à Ashdod, avec toutes les difficultés
d’intégration que les communautés séfarades d’Afrique du Nord ont connues.
Docteur en informatique de l’université de Ben Gourion, doté d’une expérience
d’une vingtaine d’années dans l’industrie, il a été pris très vite par le virus
de la recherche, de l’enseignement et du transfert de ses connaissances. Le
maniement des langues n’est pas un secret pour lui.
Applications concrètes
Il a créé, au sein de
l’université, une startup d’une vingtaine d’ingénieurs de haut niveau poussés
par la passion de la recherche fondamentale. Les grands pays ont vite compris
l’intérêt qu’ils pouvaient tirer des résultats de recherches, au départ très
théoriques. Il reste très discret sur ses clients israéliens et américains pour
des raisons de confidentialité et de sécurité mais, entre les lignes, on a vite
compris que les applications intéressaient surtout les organismes sécuritaires
de type NSA qui fondent leurs objectifs sur les écoutes.
Ami Moyal et une partie de son équipe |
Son groupe d’experts a combiné les connaissances universitaires et
l'expérience de l'industrie pour inventer des solutions innovantes dans tout ce
qui touche à l’analyse de la parole et du texte. Ses spécialistes de haut niveau
du traitement du signal, soutenus par des linguistes, ont développé des travaux
sur la reconnaissance vocale, le repérage de mots-clés, la reconnaissance des
phonèmes, qui sont les plus petites unités discrètes ou distinctive permettant
de distinguer des mots les uns des autres, que l'on puisse isoler par
segmentation dans la chaîne parlée. Ils ont trouvé une modélisation acoustique
et développé des techniques de reconnaissance vocale dans les environnements
bruyants, de traitement de la parole, de traitement de la langue et de systèmes
de dialogue. On reconnaît ainsi toutes les techniques indispensables aux
grandes oreilles internationales. Il faut cerner les terroristes dans leur
retranchement en espionnant leurs conversations et celles de leurs proches.
Intrusion dans la vie personnelle
Interception communications |
Le professeur Ami Moyal, sait qu’il touche à des éléments sensibles de la vie personnelle des citoyens et, pour se dédouaner, il a tenu à se défausser de la manière dont les données brutes, qui lui étaient confiées pour analyse, étaient récupérées. C’est une tâche qui est réservée aux militaires avec leurs satellites, leurs systèmes de captation de communication et les techniques d’intrusion dans le réseau Internet. Ses logiciels, qui utilisent des ordinateurs puissants situés aux États-Unis, sont chargés de décortiquer des milliards de données quotidiennes dans une multitude de langues, soit à partir de textes, soit à partir de sons et de vidéos. Les Américains réclament sans cesse le développement d’applications dans de nouveaux langages et c’est pourquoi ses logiciels ont été conçus pour «apprendre» de manière automatique tout nouveau dialecte en trois semaines, sans aucune intervention humaine. L’ordinateur vient ainsi d’intégrer la langue vietnamienne dans ses techniques de reconnaissance vocale.
Ami Moyal reste très modeste sur
la réussite de son équipe alors qu’il feint d’ignorer que son concept a mis le
feu en Occident le jour où l’on a compris qu’il n’y avait plus aucune limite
pour une intrusion dans tous les domaines de la vie privée, sécuritaire et
politique. Il ne s’estime pas coupable d’une éventuelle déviation dans l’usage
de ses logiciels. La sécurité a tous les droits. C’est le propre du chercheur
que de ne voir que le bon côté de ses découvertes même si certains pays n’en exploitent
que l’aspect militaire et sécuritaire.
Tsahal unité 8200 |
Les Israéliens ne se privent pas
pour analyser les communications arabes et iraniennes du monde entier depuis
leurs satellites, leurs navires ou leurs sous-marins espions. Mais ils ont
confié la charge de la récupération des données à Tsahal. L’unité secrète militaire
8200 des services de renseignements militaires est une fervente utilisatrice de
ces techniques de reconnaissance de la voix puisqu’elle est à l’écoute des
communications échangées dans le monde arabe entre civils et organisations
militaires. Il s’agit du seul moyen pour anticiper les opérations terroristes
et l’on s’étonne ensuite de l’efficacité du Mossad.
Bien sûr, Ami Moyal sait
extraire de plusieurs millions d’heures de dialogue quelques éléments
significatifs sur la base de mots clés imposés. Il nous a confirmé qu’il avait
déjà étendu ses méthodes à l’exploitation d’heures de vidéos, de qualité
médiocre pour se mettre dans un environnement plus réaliste, en différentes
langues, afin d’en extraire quelques minutes significatives. Les terroristes
savent qu’ils sont cernés mais ils sont bloqués dans leur avance sachant qu’ils
doivent inventer chaque jour d’autres moyens de communication pour échapper à
l’espionnage.
Centre de contrôle 8200 |
Alors, Ami Moyal déborde de projets internationaux parce que les
demandes explosent face au développement des organisations terroristes. Il refuse
de trop s’étendre sur les applications militaires mais il laisse échapper
quelques éléments entre les lignes. Il nous a fait comprendre qu’on entrait
aujourd’hui dans un monde virtuel de plus en plus perfectionné pour le grand
bien de la défense des humains. La guerre déclarée par les djihadistes passe
par des moyens technologiques de haut vol dont l’efficacité nécessite qu’on
s’affranchisse souvent de contingences juridiques. Il ne faut pas s’étonner si Israël
a réussi à réduire le nombre d’attentats de manière significative grâce à ces
nouvelles méthodes anti terroristes. Il appartient à la France d’utiliser la meilleure
technologie adaptée à sa défense contre des barbares qui tuent sans distinction.
La France a déjà rejeté l'idée d'un Patriot Act. Elle reste toujours dans la tiédeur pour ne point heurter ses amis Saoudiens, Qataris, Turcs ou Algériens, que l'on dédouane avec véhémence de leurs soutiens au Terrorisme et à l'Islamisation de l'Europe. Tant que ces questions ne sont pas réglées, on restera dans la Réaction, jamais dans l'Action . Sarkozy n'a pas fait mieux non plus .
RépondreSupprimerJe ne comprends pas le mot "jeunes" au début de l'article. Est ce l'oubli involontaire d'inclure parmi les victimes l'homme de 63 ans assassiné.
RépondreSupprimerIl est difficile de juger si la France est en droit de réfléchir sur la possibilité d'instaurer un Patriot act. Il est aussi excessif de parler de méthode équivalente à la barbarie de ces "fous de dieux".
Le fait de se poser la question si l'état a le droit d'utiliser ces méthodes est déjà une preuve de démocratie.
Comme en Israel en France ou aux États Unis de telles décisions une fois votées peuvent être annulées par l'autorité suprême, le conseil constitutionnel en France, la cour suprême en Israel.
Peut on oublier les écoutes du canard enchaîné ou les écoutes mises en place par notre ancien président "démocrate" Mitterrand.
En conclusion je me dis faisons confiance à nos démocraties et restons vigilants sur leurs institutions afin que ces illuminés ne s'en servent pas pour nous détruire.
Excellent article bien illustré
RépondreSupprimer