TUNISIE : BOURGUIBA
EST DE RETOUR
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Caïd Essebsi et Bourguiba |
Au lendemain des élections législatives et de la présidentielle en Tunisie, on serait tentés de dire : tout cela pour ça ! Avec le retour non masqué du Bourguibisme, la question se pose réellement de savoir si la Tunisie aurait pu faire l’économie d’une révolution. Les Occidentaux n’ont rien compris à la révolution tunisienne parce qu’ils ne s’expliquent pas la volatilité du peuple tunisien qui brûle vite ce qu’il a adoré hier.
Lent processus
En fait les Tunisiens ont fait
preuve de maturité lorsqu’ils ont senti qu’ils étaient bernés. Le revirement
n’a pas été brutal mais il s’est fait selon un lent processus de discrédit du
pouvoir et une analyse pertinente de la part de la population. Effectivement, le
succès du parti Nidaa Tounes aux législatives et l’élection de Beji Caïd Essebsi à la
présidence posent ouvertement la question de l’échec de la révolution des jeunes
tunisiens. Il ne fait aucun doute que les événements écoulés entre 2011 et
2014, après le renvoi le 14 janvier 2011 du président Zine El Abidine Ben Ali,
ont fait avorter une révolution qui portait en elle beaucoup d’espoirs et qui avait
été à l’origine des printemps arabes.
Les Tunisiens ont eu un
comportement politique digne malgré la déception du dévoiement de leur révolution. Après quelques semaines de
flottement, le pays a été mené dans le calme vers des élections démocratiques
le 23 octobre 2011. Suffisamment démocratiques pour que la victoire des islamistes
d’Ennahda, avec le concours du CPR de Moncef Marzouki et d’Ettakatol de
Mustapha Ben Jaafar, soit entérinée dans le calme. Le parti Nidaa Tounes créé par Beji Caïd
Essebsi avait reconnu sa défaite. Un partage du pouvoir était alors enclenché
entre les islamistes et les deux partis républicains et laïcs. Ennahda a pris
la responsabilité du gouvernement, Ettakatol a dirigé l’Assemblée et le CPR (Congrès
pour la République) a placé un de ses membres à la présidence de la République.
Cette troïka islamo-laïque avait le
rôle limité de rédiger une nouvelle constitution dans le délai d’un an mais les
affaires ont traîné et il a fallu attendre le 27 janvier 2014 pour qu’une
constitution soit votée. Durant cette période transitoire, le flou a dominé la
stratégie politique tunisienne avec une volonté de faire les yeux doux aux
salafistes radicaux tout en sanctionnant les tenants d’une société laïque et
républicaine.
Politique de force
L’exemple a été donné avec
l’usage de la force et de la violence contre des manifestants laïcs, le 9 avril
2012 et à Siliana en décembre 2012. Alors que les blessés étaient nombreux, le pouvoir faisait preuve d’une
grande indulgence vis-à-vis des salafistes qui installèrent un émirat islamiste
à Sejnane. Les terroristes se montrèrent audacieux en attaquant l’armée dans la
montagne Chaambi. Cette impunité contre les salafistes atteindra son paroxysme
avec l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis le 14 septembre 2012. Des dizaines de salafistes envahirent la chancellerie, brûlèrent des voitures et remplacèrent le drapeau américain par la
bannière des salafistes. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, l’islamiste Ali Laârayedh, se
compromit avec les insurgés en imposant de légères condamnations avec sursis
aux coupables et en laissant leur chef Abou Iyad échapper aux forces de
l’ordre.
Lotfi Nagdh |
Cette permissivité à l’égard des
islamistes conduisit au lynchage à mort le 18 octobre 2012 d’un militant de
Nidaa Tounes, Lotfi Nagdh. Le sang coula encore
le 6 février 2013 et le 25 juillet 2013 avec l’assassinat des leaders
politiques Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Enfin, dans une démarche sans
limite et sanguinaire, les terroristes islamistes s’attaquèrent aux soldats en
allant jusqu’à en égorger quelques-uns.
Belaïd et Brahmi |
La population ne pouvait pas accepter ces excès parce que
les Tunisiens n’avaient pas la culture de la violence. Ces événements poussèrent
la société civile à exprimer son ras le bol au moyen de nombreuses
manifestations pacifiques. La police commit alors l’erreur, sur les ordres du
pouvoir, de réprimer massivement les manifestants, accusés d’être partisans de
l’ancien régime, qui réussirent cependant à faire tomber le gouvernement. Cela
incita les dirigeants à s’atteler avec sérieux à la rédaction de la
constitution tandis que la situation interne empirait.
Échec de la troïka
L’échec sécuritaire du gouvernement se doubla d’un échec
économique avec une inflation galopante, une croissance en berne et un tourisme
en déclin. Le chômage a atteint des sommets tandis que la corruption s’est
accentuée. Les agences de notation ont dégradé à plusieurs reprises l’économie tunisienne.
Les défauts de l’ancien régime ont contaminé les nouveaux dirigeants qui ont
alors usé de clientélisme et de népotisme. Les ministres et personnalités de la
troïka ont été épinglés mais sont restés impunis. Cependant les Tunisiens ont eu la
chance de voir les medias résister aux coups de butoir des nouveaux dirigeants
malgré les nombreuses tentatives d’intimidation par le biais de procès montés
de toute pièce. La population n’a pas craint d’organiser des grèves générales.
Troïka tunisienne |
La contestation pacifique était en marche. La troïka qui
avait montré son incompétence dans tous les domaines, a donc été sanctionnée au
bout de trois ans d’aventures stériles. Le 26 janvier 2012, Beji Caïd Essebsi avait annoncé un projet fédérateur pour contrer l’hégémonie naissante de la troïka
qui, face à une opposition faible, cherchait à imposer son bon vouloir sur tout.
Six mois plus tard, le projet fédérateur a vu le jour et s’appelle Nidaa
Tounes. Il regroupe en son sein d’anciens ministres, des figures de la gauche,
des figures syndicalistes, des militants de Droits de l’Homme et d’anciens
membres minoritaires de l’ancien régime. La présence de l’ancien régime était
symbolique pour marquer le rassemblement et parce que la guerre civile guettait
les Tunisiens.
Militants de Nidda Tounes |
Seul Nidaa Tounes réussit à dépasser ses guerres
intestines et ses luttes d’ego. Il s’est naturellement imposé dans le paysage
politique. Aux élections du 26 octobre la troïka n’obtint que 1,1 million de
voix sur les 3,5 millions de votants et sur 5,5 millions d’inscrits. Les
islamistes s’en tirèrent mieux, mais ne pèsent plus que 900.000 voix contre 1,5
million aux élections précédentes. Nidaa est le premier parti et largement
victorieux.
Mais les Occidentaux ont été bernés en estimant qu’il
fallait absolument empêcher le retour des bourguibistes en mettant en avant le
président transitoire Moncef Marzouki, allié des islamistes. Ils continuent à
le penser encore. En dépit des réalités tunisiennes, en dépit des chiffres des
sondages et des élections, les observateurs internationaux persistent à
voir en Moncef Marzouki, président transitoire qui a gouverné en bonne entente
avec les islamistes, la personnalité qui pouvait s’opposer à l’ancien régime.
Marzouki |
Or il n’y a aucune raison de penser qu’il y a un retour de l’ancien régime car Caïd Essebsi ne le symbolise pas. À la rigueur peut-on parler du retour aux idées fondatrices de la Tunisie par opposition aux idées islamistes. Les partisans de l’ancien régime ont été défaits aux élections et il est improbable que les nouveaux élus prônent un retour de la dictature et de la répression. Ces trois dernières années ont prouvé que la société civile, les femmes, les medias et les réseaux sociaux, seront le rempart contre toute dérive dictatoriale des nouveaux dirigeants. Le véritable succès de la révolution tunisienne incombera aux Tunisiens eux-mêmes qui ont prouvé leur maturité politique aux élections législatives et présidentielle.
Ils ont élu au suffrage universel, le premier président
de leur deuxième République, Beji Caïd Essebsi, 88 ans, avec un score très
tunisien de 55,68%. Avocat, il a occupé plusieurs postes de ministre et
d’ambassadeur sous la présidence d’Habib Bourguiba. Après le 7 novembre 1987 et
l’arrivée de Zine El Abidine Ben Ali au pouvoir, il a occupé le poste de
président de l’Assemblée entre mars 1990 et octobre 1991, avant de quitter le
paysage politique pour 20 ans. On
ne peut donc pas dire qu’il était mouillé dans le régime Ben Ali. En revanche,
il a réussi la mission de stabiliser le pays et de le conduire à des élections
démocratiques. Le bourguibisme reprend des couleurs en Tunisie. Le nouveau président devrait suivre l'enseignement de Bourguiba qui prônait des relations normales avec Israël mais qui n'a pas été au bout de sa mission.
Oui on revient aux fondamentaux de ce pays si original entre tous. Bourguibisme plus démocratie, tel doit être le nouveau modèle du monde arabe
RépondreSupprimerEnnahda a voulu s'effacer pour que Beji Caïd Essebssi se charge de faire repartir l'économie . Les islamistes savent qu'ils en sont incapables mais ils vont surveiller de près ceux qu'ils ont laissé arriver au pouvoir .Au mieux, ce sera un partage du pouvoir,.
RépondreSupprimerLa tunisie a des frontieres dangereuse cote daesch elle devra faire tres attention je lui souhaite de reussir son etat laic. Lucwars
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