KOL-ISRAËL : LE QATAR RENOUE AVEC L’EGYPTE
Jacques BENILLOUCHE
Au micro de
Marc TOBIAS
Face au
danger représenté par Daesh, le Qatar est rentré dans le rang saoudien. Après
plus d’un an de rivalités avec l’Arabie saoudite et les États du Golfe, suite
aux révolutions arabes, le Qatar semble avoir mis de l’eau dans son vin, ou
plutôt dans son eau de fleur d’oranger. L’Arabie saoudite est sortie gagnante
du bras de fer avec son concurrent, après avoir pris la tête d’une croisade
contre Daesh. Il faut bien souligner que les Américains sont les instigateurs
de ces nouvelles retrouvailles.
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Les Saoudiens avaient exigé du Qatar qu’il
cesse de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays frères et qu’il
appuie la politique prônée par l’ensemble des pays arabes. Le Qatar avait en
effet soutenu, à coup de millions de dollars, la révolution égyptienne qui
avait vu les Frères musulmans arriver au pouvoir ainsi que, par idéologie, le
Hamas à Gaza.
Cette stratégie du Qatar purement personnelle
n’avait pas eu l’aval de l’ensemble du monde arabe et avait entraîné
l’isolement du Qatar mis à l’index par l’Arabie, le Koweït, le Bahreïn, les
Émirats arabes et Oman. Leurs ambassadeurs à Doha avaient été rappelés dans
leurs pays respectifs. Le Qatar avait même été écarté du CCG (Conseil de
coopération du Golfe), l’organisation de défense régionale regroupant six pétromonarchies
arabes et musulmanes du golfe Persique.
Ainsi
l’Arabie saoudite n’avait pas apprécié son refus de reconnaître le pouvoir en
Égypte d’al-Sissi, et considérait cela comme un casus belli. Mais c’est
pratiquement du passé puisque le président égyptien Al-Sissi a rencontré un haut
émissaire qatari le 20 décembre au Caire dans le cadre de la réconciliation.
Réintégration
La réintégration du Qatar au sein des pays du Golfe rejoint deux stratégies
des Américains. Ils ont fait pression pour que les pays arabes soient unis dans
le même combat pour l’ennemi commun Daesh et donc ils avaient intérêt à ce que
les liens soient renoués avec le Caire et Riyad car un front commun est
indispensable pour l’éradication des djihadistes et pour la résolution des questions
syrienne et palestinienne. En fait les Américains tentent de s’opposer à Daesh
grâce à une réconciliation du monde arabe, uni à nouveau sous l’égide de
l’Arabie, avec l’ambition de trouver un terrain d’entente avec la Syrie.
Mais les Américains poursuivaient un autre
objectif. Les pays arabes s'inquiétaient du rapprochement enclenché entre
l’Iran et le Qatar avec pour conséquence le soutien aux rebelles syriens
islamistes qui combattaient les opposants soutenus par l’Arabie. En recréant le
front uni des pays arabes du Golfe, il s’agissait de remettre sur le tapis la
menace arabe contre l’Iran qui a toujours été la bête noire des pays arabes
sunnites et du Qatar en particulier.
La question du nucléaire iranien pourrait
rebondir en permettant de trouver un terrain d’entente face à un front uni
arabe. Cette crainte de hordes djihadistes qui envahissent les terres vassales
de l’Iran pourrait ramener à de meilleures intentions les mollahs sur le
problème du nucléaire iranien. Daesh est en train de recomposer le monde arabe
et de forcer l’Iran à négocier sérieusement avec les Occidentaux. C’est en tout
cas la stratégie espérée des Américains qui n’ont connu, jusqu’à présent, que
des échecs au Moyen-Orient.
Hamas
Par ailleurs les bonnes relations entre le
Qatar et Israël pourraient favoriser un accord avec le Hamas et l’ensemble des
clans palestiniens. Le Qatar a le paradoxe d’être le seul État du Golfe à
entretenir des relations diplomatiques avec Israël tout en ne faisant pas
mystère de son soutien au Hamas. Il n’avait pas hésité à donner asile à son
chef du bureau politique, Khaled Mechaal.
En renouant avec le Qatar l’Égypte attend que Doha accepte de financer
une économie égyptienne exsangue qui ploie sous les dettes. Le président
Al-Sissi voudrait bien recevoir les milliards de dollars qui étaient déversés
du temps du président Morsi.
Les questions les plus importantes sont en
suspens : le soutien aux rebelles en Syrie et les liens du Qatar avec le
Hamas à Gaza. Al-Sissi aurait posé comme condition de la reprise des relations
avec le Qatar que Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas quitte
Doha. Il aurait aussi demandé que l’aide financière au gouvernement du Hamas soit
réorientée vers l’Autorité palestinienne pour la consolider en payant elle-même
les salaires des fonctionnaires de Gaza et pour marquer sa prise du pouvoir
effective à Gaza.
L'éviction de l'ex-président Mohammed Morsi en Égypte
a accéléré l'évolution des liens Iran-Hamas. Le chef de la «commission
Palestine» au sein du parlement iranien, a précisé que l’Iran était prêt à
armer tous les Palestiniens et pas seulement ceux de Gaza. Le Hamas a joué la
carte de l'amélioration des relations entre le Qatar et l'Iran parce que c’est un
facteur clé dans le réchauffement des liens entre le Hamas et Téhéran. Mais la
reprise des relations entre l’Égypte et le Qatar remet en cause ce
réchauffement et le Hamas est donc amené à faire profil bas.
Depuis que j'ai été nommé par le Quai pour suivre la situation au Moyen-Orient, je n'ai plus de problèmes pour trouver de quoi étoffer mes rapports quotidiens. Merci pour ce suivi que vous assurez bénévolement.
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