TUNISIE : RÉFLEXIONS D’UN ISRAÉLIEN SCEPTIQUE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le rêve n’est pas interdit, même en politique. Il permet de surmonter les moments de désespoir et aussi les moments d’euphorie. Il permet de dépasser les limites humaines et d’envisager l’impossible. Or nous vivons un moment d’euphorie en tant que Juifs, d’origine tunisienne, ayant choisi ce que les Arabes tunisiens appellent la désertion de notre pays natal.
Peuple pacifique et modéré
Nous
étions de ceux qui pensaient que les Tunisiens devaient se mettre à la hauteur
de leur réputation, usurpée peut-être, de peuple pacifique et modéré ;
cela n’a pas toujours été le cas car ils ont subi des influences néfastes depuis l'installation en 1982 de Yasser Arafat en exil à Tunis. Et pourtant le président Habib Bourguiba avait opté pour le modernisme, pour l’émancipation de la femme, pour la réduction de l’influence de la religion
dans la vie civile et politique et pour le pragmatisme dans son approche du
conflit israélien.
Etudiante à l'université de Tunis |
Le pays avait investi pour que sa jeunesse soit instruite et
diplômée au point de la voir constamment lorgner vers le Continent, là où elle
pouvait le mieux exprimer ses compétences et son désir d’émancipation.
L’éducation était la base de l’ascension sociale parce qu’aucun autre choix
n’était ouvert. En revanche, la réussite des Tunisiens, et celle des Juifs en
particulier, n’était pas une réputation surfaite en France.
Immigrés tunisiens en Israël en 1950 |
Cependant, les Juifs tunisiens ont quitté leur pays parce qu’ils avaient
estimé que la création de l’État d’Israël en 1948 les avaient rendus suspects aux yeux
des dirigeants arabes qui les assimilaient tous à des sionistes alors que seule
une minorité l’était à l’époque et que la majorité avait résisté aux appels des
pionniers. Il a fallu attendre les années 1960 pour que les Juifs quittent en
masse leur pays. Mais la Tunisie avait décidé de prendre le parti de ses «frères»
arabes pour n’en tirer d’ailleurs aucun profit tangible. Elle a, au contraire,
hérité d’une idéologie à forte capacité de nuisance avec ses éléments
islamistes les plus néfastes et ses inconditionnels pro-Palestiniens les plus
perturbateurs.
Arrivée de l'OLP à Tunis |
Mais à présent, la colère du peuple
tunisien devrait s’estomper avec le départ des islamistes de la gouvernance même
si certains d’entre eux vont ou doivent collaborer avec le nouveau régime.
Pendant quatre dures années, la Tunisie avait été assimilée à une cocotte
bouillante dont on avait vissé le couvercle dans l’espoir d’empêcher la fuite
des rancœurs, d’étouffer l’aspiration à la démocratie et de briser la volonté
de faire partie d’un monde moderne. À l’époque d’Internet et de la télévision
la tâche fut difficile et, l’absence de partage des richesses accaparées par
une minorité de privilégiés, représentait un suicide politique dont les dirigeants
ont d’ailleurs payé le prix. Il est certain à présent que les Tunisiens sont à présent convaincus que l'islamisme n'est plus la solution pour les pays arabes qui désirent évoluer.
Relations avec Satan
La Tunisie n’avait pas compris que
les riches pétroliers et les potentats arabes ne s’aidaient qu’entre eux pour
que la richesse reste dans leur cadre étroit. Aujourd’hui, elle doit frapper à
toutes les portes pour surmonter sa crise économique dramatique. Elle doit
ranger ses rancœurs pour être pragmatique comme l’ont été la Jordanie, l’Égypte
et le Qatar et peut-être demain l'Arabie qui ont décidé de nouer des relations avec le Satan du
Moyen-Orient. Elle n’avait pas choisi, en 1948, l’opportunité de s’allier au jeune pays juif
qui se créait dans le dénuement le plus complet alors qu’ils avaient ensemble
une communauté de destin et de misère au sortir de la colonisation. Malgré cela, Israël s’est développé de
manière exponentielle tandis que la Tunisie a stagné économiquement. La Tunisie n'a jamais pardonné à ses Juifs de l'avoir abandonnée au moment où elle avait le plus besoin d'eux et elle semble à présent en faire payer le prix à Israël qui les a accueillis.
La
question totalement ouverte reste l’attitude des nouvelles autorités vis-à-vis
d’Israël. On se souvient que le précédent gouvernement voulait inscrire dans la
Constitution l’interdiction de relations diplomatiques avec Israël. Et pourtant
en période de crise aiguë, comme celle que connaît la Tunisie, tous les
concours doivent mis en place au bénéfice de la population en s'éloignant de la
politique politicienne. Les diplômés tunisiens, qui sortent en surnombre des
universités créées par Habib Bourguiba peuvent, en remisant les haines dans les
poubelles de l’Histoire, collaborer avec
l’industrie israélienne pour créer, d'égal à égal, en Tunisie une mini «silicon Valley» à
l’odeur de jasmin.
Il faut noter que de nombreuses
pointures d’origine tunisienne hantent les conseils d’administration des
fleurons industriels israéliens et français. Nous ne citerons que le cas du président en Israël de la multinationale CheckPoint Software Technologies Ltd, spécialisée dans la sécurité d’Internet. Les
cadres diplômés tunisiens pourraient alors trouver un environnement professionnel
en adéquation avec leurs compétences et leurs espérances dans le cadre de
joint-venture. La collaboration avec Israël, dans une situation d’égal à égal,
ouvrira certainement les portes des États-Unis aux nouvelles startups tunisiennes.
Mais la politique a pris le dessus
sur l’intérêt économique et le pragmatisme politique. Aucun ambassadeur
tunisien n’est digne de rejoindre l’État d’Israël qui n’existe toujours pas
dans les tablettes du palais de Carthage. Il est temps de repositionner la
politique étrangère tunisienne pour qu’elle cadre avec ses propres intérêts et
non avec les intérêts de certains pays du Proche-Orient. Nul ne s’était réjoui
des moments difficiles que passait la Tunisie et, même si les Juifs l’ont
quitté depuis de longues années, ils souffraient en silence tout en étant
discrets dans leur soutien. Aujourd'hui, ils respirent. Pour eux, la Tunisie était restée ancrée dans les
mémoires figées, dans le ciment des fêtes, dans les traditions répercutées de
génération en génération, dans les plats culinaires et dans l’accent dont les
jeunes ont paradoxalement hérité avec une certaine fierté.
Islamistes tunisiens |
Les islamistes avaient récupéré à leur profit une situation politique
bloquée parce qu’ils voulaient faire table rase de la présence juive en
Tunisie, un passé jugé honteux par eux, du temps où les Juifs occupaient une
place prépondérante qui a été progressivement effacée des mémoires tunisiennes.
La Tunisie, que nous avons connue et aimée, n’existait plus que dans notre seul
souvenir. Il appartient aux nouveaux dirigeants de faire le geste libérateur
qui permettra à un ambassadeur israélien de fouler officiellement le sol
tunisien. Cela n’est que le rêve d’un Israélien encore sceptique.
Mon cher Jacques,
RépondreSupprimerTon article est formidable. Il dit exactement ce que pensent la plupart d'entre nous, exprimé avec une authenticité, une sensibilité et une pugnacité dont je te félicite. Tu sais que cela a toujours éaté mon rêve de voir la Tunisie se lier à Israél...Je l'ai dit à plusieurs reprises a u cours de ma longue carrière. Hélas !...Hélas... Mais il n'est pas interdit de rêver à nouveau. Nous, Juifs Tunisiens sommes d'éternels rêveurs.
Bien cordialement
A.N.
Rêveries d'un promeneur solitaire !
RépondreSupprimerLa Tunisie sera le dernier ou l'avant dernier pays arabe à reconnaître l' Etat d' Israël. Beaucoup de tunisiens, bourgeois, professions libérales , commerçants et industriels enrichis par plus de cinquante ans de profits sans payer d'impôts constituent une classe sociale qui a tout intérêt à dissimuler ses privilèges en emboîtant le pas aux islamistes . Ils appelleront toujours à l'éradication de l' Etat d'Israël pour qu'on ne s'occupe pas des questions sociales et ..fiscales.