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jeudi 28 août 2014

UN CESSEZ-LE-FEU SANS CONSENSUS GÉNÉRAL



UN CESSEZ-LE-FEU SANS CONSENSUS GÉNÉRAL

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

        


             Le cessez-le-feu, entré en vigueur le 26 août à 19 heures, est l’œuvre de Benjamin Netanyahou et de ses proches collaborateurs. Jamais le pouvoir personnel n’aura été aussi mieux illustré qu’à l’occasion de ces négociations. Selon le ministre Naftali Bennett, le Cabinet de sécurité a été mis à l’écart et informé, partiellement et uniquement par téléphone, de l’état d’avancement des pourparlers, sans pouvoir en débattre démocratiquement. Une certaine grogne se fait ouvertement sentir au sein du gouvernement condamné à jouer les potiches parce que la délégation israélienne au Caire a été humiliée selon eux. 


          Certains membres du gouvernement estiment que le gouvernement a sous-estimé la puissance politique de Khaled Mechaal qui tirait les véritables ficelles depuis son exil au Qatar et qui, par son intransigeance, a entraîné la mort de plus de 2.000 Palestiniens et la réduction de l’arsenal du Hamas, les tunnels et les fusées. Mais il a réussi à mettre en première ligne politique un Hamas qui avait été complètement affaibli. C'est pourquoi des Israéliens n’ont pas hésité à demander la mise sur liste noire de Khaled Mechaal, ouvrant ainsi la porte à une élimination ciblée.

Un Cabinet divisé



Cabinet de sécurité

            Le premier ministre israélien savait qu’il n’arriverait pas à obtenir l’unanimité des membres du Cabinet dès lors où une fracture nette a éclaté au grand jour.  Quatre ministres sur huit, et non des moindres, ont ouvertement affiché leur opposition : Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères, Yitzhak Aharonovich, ministre de l’intérieur, Naftali Bennet, ministre de l’économie et Gilad Erdan ministre de la communication. En revanche Moshe Yaalon, l'ancien faucon et ministre de la défense, Tsipi Livni, ministre de la justice et Yaïr Lapid, ministre des finances ont appuyé le principe du cessez-le-feu. Cependant en l’absence de réunion, on ignore la position des autres membres du Cabinet de sécurité. C’est pour éviter ce vote, qui pouvait le mettre en minorité, que Netanyahou a décidé de faire cavalier seul.


            La gêne du gouvernement était tellement  flagrante que le cessez-le-feu n’a pas fait l’objet d’une déclaration commune, Mahmoud Abbas et le Hamas l’ont d'abord annoncé en claironnant ce qu’ils considèrent comme une victoire de leur camp. Les ministres israéliens étaient aux abonnés absents. Les Israéliens ont attendu l’entrée en vigueur du cessez-le-feu pour annoncer discrètement qu'ils avaient accepté «la proposition égyptienne d'un cessez-le-feu sans condition et illimité dans le temps».
Le gouvernement israélien n’a pas cru devoir diffuser les termes précis de l’accord, laissant les Égyptiens se glorifier de la concrétisation d’un accord signé sous leur égide. L’hypothèse la plus probable concerne l’ouverture des frontières avec Gaza pour le passage de l’aide humanitaire et des matériaux de construction sans que l’on sache les moyens de contrôle. Les autres clauses ou promesses, qui doivent certainement exister, n’ont fait l’objet ni de délibération et ni de publication.

Une opposition ferme
Zaava Gal-On


            L’extrême-gauche Meretz  ne se réjouit pas de cet arrêt des combats qui a vu émerger le Hamas en vainqueur. Son leader Zahava Gal-On a estimé que «le cessez-le feu arrive trop tard. L’opération est un échec stratégique pour Netanyahou qui s’est aventuré dans une guerre sans but, en donnant une victoire au Hamas sur le dos des habitants du sud. Un gouvernement irresponsable a infligé une douleur au peuple d'Israël»
          L’échec est d’autant plus grand que c’est la première fois dans l’histoire d’Israël que des localités frontalières sont entièrement évacuées par une population civile désespérée. Au plus fort de la Guerre des Six-Jours, durant laquelle Israël s’est trouvé encerclé par les États arabes, les habitants des kibboutzim de la ligne verte avaient maintenu sur place tous leurs membres.
Les maires de la région d’Eshkol ne s’expliquent pas la passivité du gouvernement face aux centaines de tirs de roquettes qui ont terrorisé et désorganisé le sud et instillé une peur dont jamais les civils n’ont eu à souffrir jusqu’à présent. Ils s’étonnent d’avoir été abandonnés à leur sort soulignant qu’aucune personnalité ministérielle, en particulier le chef d’État-major ou le ministre de la défense, n’a eu le courage de rendre visite à ces populations excédées, comme l’avaient en leur temps Ben-Gourion et Sharon.
Face à cette grogne, l’approche de la rentrée scolaire aurait poussé Netanyahou à accepter un accord même bancal pour éviter aux enfants les risques des tirs de roquettes. Il avait aussi les yeux fixés sur la situation économique du pays avec une industrie touristique paralysée et des dépenses militaires en forte hausse. Il se sentait obligé d’enrager la baisse de sa côte de popularité.


Absence dans les médias

Manifestation de joie à Gaza

            L’absence du gouvernement dans les médias a laissé libre cours au Hamas pour célébrer dans les rues de Gaza une victoire dans la liesse, avec des tirs de joie en se glorifiant qu’il avait infligé à Israël ses plus lourdes pertes, 64 soldats tués,  depuis la guerre du Liban. Il a par ailleurs assuré «avoir défait la légende de l'armée israélienne qui se dit invincible». Les dirigeants du Hamas et du djihad islamique sont sortis de leur blockhaus pour défiler en public, pour narguer Israël et pour reprendre leurs propos insolents. 
Al-Hindi et Zahar

          Mahmoud Zahar, haut dirigeant du Hamas, et Mohammad al-Hindi, leader du djihad islamique, ont fait des promesses qui révèlent quelques dessous cachés des négociations : «Nous allons construire notre port et notre aéroport. L’avenir est à nous et se poursuivront  l'armement et le développement des capacités de la résistance». Il n’a pas prôné l’unification du mouvement palestinien avec le Fatah mais au contraire avec d’autres mouvements extrémistes : «Nous voulons renforcer notre union avec le Djihad islamique et tous les mouvements de la résistance pour libérer toute la Palestine». Toujours la même dialectique de destruction d'Israël.
            Les Américains qui avaient été exclus de la négociation par l’Égypte, ont pris le train en marche en affirmant «soutenir totalement cet accord qui permettra aussi la poursuite des négociations indirectes au Caire entre les deux parties sur les autres sujets dans un délai d'un mois après le début du cessez-le-feu». 
          Mahmoud Abbas, revigoré après avoir dirigé seul la délégation palestinienne au Caire, reprend du poil de la bête et exige à présent que la communauté internationale «fixe une date butoir pour la fin de l'occupation israélienne des territoires palestiniens» en menaçant d’adhérer à la Cour pénale internationale (CPI) pour poursuivre des responsables israéliens sur le déroulement des opérations dans la bande de Gaza.
            Cet accord laissera des traces en Israël. Il n’est pas certain que le gouvernement survive jusqu’au terme de son mandat. Certains dirigeants israéliens,  pensant que le temps est venu de jouer leur propre jeu, vont faire preuve d’une velléité d’indépendance face à l’affaiblissement de Benjamin Netanyahou. La contestation s’affirme de jour en jour dans les rangs de sa propre majorité. Selon l’ancien ambassadeur Arie Avidor : «Quelle que soit la forme de la sortie du présent conflit à Gaza, les jours de ce gouvernement sont comptés, parce que ce gouvernement, le plus à droite de l'histoire d'Israël, reposait essentiellement sur l'immobilisme, dont il se prévalait au demeurant, le dénommant stabilité». Des élections anticipées ne régleront pas le problème car l’on ne voit pas émerger un dirigeant charismatique, à droite comme à gauche, capable de reprendre le flambeau.
Arie Avidor

            Sauf si les politiques, et son aile droite en particulier, ne lui laissent pas le temps, Netanyahou va reprendre le flambeau de sa guerre personnelle pour améliorer sa côte qui a chuté le 25 août à 38% contre 82% il y a quelques semaines, avant la guerre de Gaza.


4 commentaires:

  1. ... Bravo Bibi !
    Tu viens d'instaurer une nouvelle victoire dans les rangs de nos ennemis de toujours ! Cette date sera marquée à Gaza et ailleurs par une fête dont ils ont raison de se réjouir !!
    ... Nous avons baissé nos pantalons, mais ils nous fourniront des djellabas et des masques pour cacher la honte du gouvernement auprès de ces populations du sud qui ont été et seront encore touchées par les tirs de roquettes.
    La trêve..Les faux prétextes, comme celui de la rentrée des classes !! Quelle mascarade ! L'entrée de matériaux pour la "reconstruction"...des tunnels ! Ne nous leurrons pas. Et ça recommencera bientôt !!!
    Encore une fois, bravo monsieur Bibi !!
    Israël n'a jamais été aussi affaibli avec une telle gouvernance !! Nous sommes déjà la risée de quelques uns....

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  2. Sylvie WEISSBERG27 août 2014 à 11:21

    Les Israéliens ne sont pas d'accord avec Netanyahu et leur laissent un goût amer. Bien que la victoire revient au Tsahal , cette affaire se terminant en queue de poisson donne à croire au Hamas qu'ils ont gagné . Mauvais ! Il fallait aller jusqu'au bout pour ne pas avoir à recommencer d'ici peu.

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  3. Marcello NITSANIM27 août 2014 à 11:58

    Finalement on ne voit pas beaucoup de gain pour Israèl dans cette situation nouvelle. Je lis que sur le plan militaire il fallait aller plus loin et sur le plan politique c'est plutôt négatif.

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  4. Bon, on y est donc! C'est enfin le moment de vérité tant attendu: On s'est fait avoir en beauté!

    Bravo donc à cette "opération" dont il faudra un jour que l'on m'explique quel en était le véritable enjeu car j'ai beau y avoir réfléchi, je n'ai toujours pas compris.

    C'est vrai que mes livres de chevets ne sont pas ceux de Clausewitz ou Sun Tzu.

    Pourtant avec quelques citations de base de ce dernier, on n'a presque plus besoin de faire une analyse très poussée de ce qui vient de se passer:

    - « L'art de la guerre, c'est de soumettre l'ennemi sans combat. »

    Politique étrangère et diplomatie israélienne = 0. Avigdor Liberman ne sert à rien.

    - « Qui connaît son ennemi comme il se connaît, en cent combats ne sera point défait. Qui se connaît mais ne connaît pas l'ennemi sera victorieux une fois sur deux. Qui ne connaît ni son ennemi ni lui-même est toujours en danger. »

    Pas besoin d'en rajouter il me semble

    - « Ne laissez pas vos ennemis s'unir. » Ah dommage, ça vient de se réaliser aujourd'hui à Gaza

    - « « Il n'y a pas de forteresses imprenables, il n'y a que des mauvais attaquants. »

    Non Bibi, je ne te vise pas...y a la rentée des classes et pis tout ça, tout ça... En plus faut faire plaisir à Barack et Sissi être solidaire des copains quoi!

    Ah? tu me dis que tu avais une tactique Bibi, prise chez Sun Tzu justement?

    "En tuer un pour en terrifier un millier. »

    Tu en as tué plus de mille et tu n'a terrifié personne.

    Quand on n'est pas prêt à accepter le prix d'une guerre, on se fait petit.

    Israël est aujourd'hui très petit.

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